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Je vous aimois, Seigneur, une fuprême loï
Toûjours malgré moi-même a disposé de moi,
Et du Sphinx & des Dieux la fureur trop connue,
Sans doute à votre oreille eft déja parvenue
Vous favez quels fléaux ont éclaté sur nous,
Et qu'Oedipe...

PHILOCTETE.

Je fai qu'Oedipe eft votre époux: Je fai qu'il en eft digne; & malgré fa geunesse, L'Empire des Thébains fauvé par fa fagefle, Ses exploits, fes vertus, & fur tout votre choix Ont mis cet heureux Prince au rang des plus grands Rois.

Ah! pourquoi la fortune à me nuire constante,
Emportoit-elle ailleurs ma valeur imprudente?
Si le vainqueur du fphinx devoit vous conquerir,
Faloit-il loin de vous ne chercher qu'à périr?
Je n'aurois point percé les ténèbres frivoles
D'un vain fens déguifé fous d'obfcures paroles.
Ce bras que votre afpect eût encore animé,
A vaincre avec le fer étoit accoûtumé.
Du mouftre à vos génoux j'euffe aporté la tête...
D'un autre cependant Jocafte eft la conquête;
Un autre a pû jouïr de cet excés d'honneur!...
JOCASTE.

Vous ne connoiffez pas quel eft votre malheur.
PHILOCTETE,
Je vous perds pour jamais, qu'aurois-je à crain-

dre encore?

JO

JOCASTE.

Vous éres dans des lieux qu'un Dieu vangeur

abhore.

Un feu contagieux annonce fon couroux,
Et le fang de Laïus eft retombé fur nous:
Du Ciel qui nous poursuit la justice outragée
Vange ainfi de ce Roi la cendre négligée;
On doit fur nos autels immoler l'affaffin,
On le cherche, on yous nomme, on vous ac
cufe enfin.

PHILOCTETE.

Madame, je me tais, une pareille offenfe Etonne mon courage, & me force au filence. Qui moi de tels forfaits! moi des affaffinats! Et que de votre époux... vous ne le croyez pas, JOCASTE.

Non, je ne le croi point, & c'est vous faire injure,

Que daigner un moment combattre l'imposture. Votre cteur m'eft connu, vous avez eu ma foi, Et vous ne pouvez point être indigne de moi. Oubliez ces Thébains que les Dieux abandon

nent,

Trop dignes de périr depuis qu'ils vous soup

çonnent;

Et fi jamais enfin je fus chere à vos yeux,
Si vous m'aimez encore, abandonnez ces lieux,
Pour la derniere fois renoncez à ma vûë.

PHILOCTETE.

Jocafte! pour jamais je vous ai donc perduë? JOCASTE.

Ouï, Prince, c'en eft fait, nous nous aimions en vain,

Les Dieux vous reservoient un plus noble deftin; Vous étiez né pour eux; leur fageffe profonde, N'a pû fixer dans Thébe un bras utile au monde, Ni fouffrir que l'amour rempliffant ce grand

cœur,

Euchaînât près de moi votre obfcure valeur. Non d'un lien charmant le foin tendre & timide Ne dût point occuper le fucceffeur d'Alcide; Ce neft' qu'aux malheureux que vous devez vos foins.

De toutes vos vertus comptable à leurs béfoins,
Déja de tous côtés les tyrans reparoiffent,
Hercule eft fous la tombe, & les monftres re-
naiffent.

Allez, libre des feux dont vous fûtes épris,
Partez, rendez Hercule à l'univers furpris.

Seigneur, mon époux vient, fouffrez que je
vous laiffe;

Nou que mon cœur troublé redoute fa foibleffe: Mais j'aurois trop peut-être à roguir devant

vous,

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Puifque je vous aimois, & qu'il est mon époux. SCE.

SCENE IV.

OEDIPE, PHILOCTETE,

Hidalpe,

HIDASPE

OE DIPE.

Idafpe, c'est donc là le Prince Philoctete?
PHILOCTETE.

Oui, c'eft lui qu'en ces murs un fort a veugle

jette;

Et que le Ciel encore à fa
perte animé
A fouffrir des affronts n'a point accoûtumé.
Je fai de quels forfaits on veut noircir ma vie,
Seigneur, n'attendez pas que je m'en justifie;
J'ai pour vous trop d'eftime, & je ne pense pas
Que vous puiffiez defcendre à des foupçons fi

bas.

Si fur les mêmes pas nous marchons l'un & l'autre,

Ma gloire d'affez près eft unie à la vôtre.

Thefée, Hercule & moi, nous vous avons montré

Le chemin de la gloire où vous êtes entré ;
Ne deshonorez point par une calomnie
La fplendeur de ces noms où votre nom s'allie,
Et méritez enfin par un trait généreux

L'honneur que je vous fais de vous metre au près d'eux.

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OE DIPE.

Etre utile aux mortels, & fauver cet Empire,
Voilà, Seigneur, voilà l'honneur feul où j'afpire,
Et ce que m'ont apris en ces extrémités

Les héros que j'admire, & que vous imitez.
Certes je ne veux point vous imputer un crime;
Si le Ciel m'eût l'aiffé le choix de la victime,
Je n'aurois immolé de victime que moi.
Mourir pour fon Pays, c'eft le devoir d'un Roi;
C'est un honneur trop grand pour le ceder à
d'autres :

J'aurois tranché mes jours, & défendu les vôtres;
J'aurois fauvé men peuple une feconde fois.
Mais, Seigneur, je n'ai point la liberté du choix;
D'est un fang criminel que nous devons répan-
dre:

Vous êtes accufé, fongez à vous défendre;
Paroiffez innocent, il me fera bien doux
D'honorer dans ma Cour un héros tel que vous,
Et je me tiens hereux, s'il faut que je vous traite;
Non comme un accufé, mais comme Philoctete.
PHILOCTETE.

Je veux bien l'avouer, fur la foi de mon nom
J'avois ofé me croire au-deffus du soupçon.
Certe main qu'on accufe, au défaut du tonnerre,
D'infâmes affaffins a délivré la terre;
Hercule à les domter avoit inftruit mon bras,
Seigneur, qui les punit, ne les imite pas.

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