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VI.

hébraïque.

enfeigna la langue Grecque à Paris dès 1470. & eut pour fucceffeur George Hermonyme, fous qui étudia le célébre Reuchlin que l'on a voulu faire hérétique malgré lui: enforte qu'en moins de vingt ans l'étude de la langue grecque fe vît répandue dans prefque toute l'Europe.

Par cette voie, l'antiquité tant prophane qu'ecclefiaftique ne fut plus un pays inconnu, fans fortir du repos & de la tranquillité de fon cabinet, on la parcourut avec plaifir & avec utilité: on put puifer la vérité dans fa fource: on fe vit en état d'éviter les méprifes de ceux qui ne l'avoienr envisagée qu'avec des yeux étrangers; on put confondre ceux qui s'autorifoient des noms les plus refpectables de l'antiquité, pour donner du corps à leurs chimeres, ou appuyer leurs erreurs. Le catholique forcé d'en venir aux mains avec l'héretique, lui enleva les armes dont il fe fervoit contre l'églife, & le terraffa avec les mêmes autoritez qu'il prétendoit faire valoir contre nos dogmes.

Un ecclefiaftique, & tout autre fçavant qui veut De la langue approfondir l'écriture, de toutes les études celle qui convient le mieux au premier, & à quiconque eft maître de fon loifir, ne peut fe paffer de l'étude de la langue hébraïque, & l'on en fentît la néceffité dès qu'on eut recommencé à reprendre le goût des lettres. C'est en effet la langue originale des livres faints, & dans les premiers fiécles de l'églife, on en regardoit l'étude comme prefque indifpenfable. Les proteftans voudroient bien fe faire paffer pour en avoir été les reftaurateurs en Europe: mais il faut qu'ils reconnoiffent qu'à cet égard, s'ils fçavent quelque chofe, ils en font redevables aux catholiques qui ont été leurs maîtres, & les fources d'où dérive aujourd'hui tout ce que l'on a de meilleur & de plus utile touchant les langues orientales. Jean Reuchlin qui a paffé la plus grande partie de sa vie dans le XV. fiécle, étoit cer

rainement catholique, & il fut auffi l'un des plus habiles dans la langue hébraïque, & le premier des chrétiens qui l'ait réduit en art. Jean Weffel de Groningue lui avoit appris à Paris les élemens de cette langue, & lui-même eut des difciples en qui il avoit reveillé l'amour pour cette étude. C'a été pareillement par le fecours de Pic de la Mirande qui étoit vraiement attaché à la communion de l'églife Romaine, que l'ardeur pour l'hébreu s'eft animée dans l'occident. Les héretiques du tems du concile de Trente, qui fçavoient cette langue, l'avoient apprife la plûpart dans le fein de l'églife qu'ils avoient abandonnée, & leurs vaines fubtilitez fur les fens du texte, exciterent davantage les vrais fidéles à approfondir de plus en plus une langue qui pouvoit tant contribuer à leur propre triomphe & à la défaite de leurs ennemis. Ils entroient d'ailleurs en ce point dans l'efprit du pape Clement V. qui dès le commencement du XIV. fiècle avoit ordonné que le grec & l'hébreu, & même l'arabe & le chaldéen, fuffent enfeignez publiquement pour l'instruction des étrangers, à Rome, à Paris, à Oxfort, à Boulogne, & à Salamanque. Car le but de ce pape qui connoiffoit fi bien les avantages que l'on retire des études faites avec folidité, c'étoit de faire naître pour l'églife par l'étude des langues un plus grand nombre de lumieres propres à l'éclairer, & de docteurs capables de la défendre contre toute erreur étrangere. Son deffein particulier étoit que la connoiffance de ces langues, & furtout de celle de l'hébreu,renouvellât l'étude des livres faints; que ceux-ci lûs dans leur fource, en paruffent encore plus dignes de l'efprit faint qui les a dictez, que leur nobleffe jointe à leur fimplicité, connues de plus près, les fiffent reverer davantage, que fans rien perdre du respect qui eft dû à la verfion latine, on pût fentir que là connoiffance du texte original, étoit encore plus utile à l'église pour appuyer

&

à Paris.

VII.

la folidité de fa foi, & fermer la bouche à l'héréti que.

Les vûës de Clement V. furent remplies dans touEtabliflement te leur étendue, par l'établissement du college royal à du college roial Paris, que l'on doit au crédit du fçavant Bude & à fon amour pour les lettres, & dont Genebrard met la fondation vers l'an 1528. fous le roi François I. Ce prince, ami des fciences & de ceux qui les cultivoient, eut foin de faire remplir les places de ce college par les plus habiles qu'il put trouver; & il n'examina pas toûjours s'ils étoient fes fujets, mais s'ils étoient les plus capables. Paul le Canoffe & Agathio Guida cerio qui y profefferent les premiers la langue hébraïque, étoient étrangers; mais Vatable qui leur fucceda, étoit de Picardie. Ce grand homme a fait beaucoup d'honneur à la nation, par la connoiffance profonde qu'il avoit de l'hébreu, & par le bon ufage qu'il en a fait,furtout dans fes notes fur la bible si justement eftimées. Pierre Danés qui remplit le premier la chaire en langue grecque, étoit Parifien: Jacques Touffaint qui lui fucceda, étoit de Champagne. Ces profeffeurs avoient une multitude étonnante de difciples qui s'empreffoient de les écouter pour profiter de leurs lumieres. On venoit prendre leurs leçons de tous les pays de l'Europe, & l'on en remportoit chez foi plus de goût pour les bonnes études, plus de facilité pour les faire, plus d'amour pour l'antiquité, plus de connoiffance de l'écriture fainte & des peres, des orateurs & des hiftoriens, des poëtes même & des philofophes: car on établit au college royal des chaires pour prefque toutes les fciences que l'on y enfeignoit gratuitement, & chacun forma dans fon pays des difciples qui en eurent d'autres, & qui perfectionerent par leur application, & par de nouvelles découvertes, ce que ceux-ci leur avoient appris.Cet établissement a toujours fubfifté depuisavec

honneur & avec utilité, quoique variée felon les tems. Il fubfifte encore aujourd'hui, & fi le concours n'approche plus de celui que l'on y voyoit dans le XVI. fiécle, c'est moins la faute des profeffeurs, que le relâchement pour l'étude des langues fçavantes dans lequel on eft tombé prefque aufli-tôt que les difputes avec les herétiques font devenues moins vives & moins frequentes. Il me femble que l'on a repris cette étude avec une nouvelle ardeur depuis le commencement du XVIII. fiécle, & l'église doit souhaiter qu'elle fe fortifie & qu'on y perfévere. On peut rendre encore une autre raison de ce que le college royal a été moins frequenté depuis près d'un fiécle: c'eft qu'il s'eft formé un fi grand nombre d'établiffements prefque femblables en differents endroits de l'Europe, qu'il n'eft plus néceffaire de fortir de fon pays pour approfondir les connoiffances qui font le but de ces établiffemens; & cet avantage n'eft pas peu eftimable, puifque l'on eft plus porté à apprendre ce que l'on peut fçavoir avec moins de peine & de frais.

Deux chofes avoient beaucoup contribué encore au renouvellement des lettres avant la fondation du college royal, l'invention de l'Imprimerie que l'on met vers le milieu du XV. fiécle, & la bibliothéque de Fontainebleau. La premiere fut un bien genéral, & commun à toutes les nations. Jufques-là les livres étoient non-feulement rares & chers, parce qu'ils n'étoient que manufcrits; mais encore très-fouvent imparfaits, parce qu'il falloit s'en rapporter à des copies que l'ignorance avoit alterez. Mais l'Imprimerie une fois trouvée, & n'ayant pas tardée à fe perfectioner, les livres furent plus communs, plus faciles à lire, & plus exacts, & avant la fin du XV. fiécle la plûpart des meilleurs en tout genre, pouvoient être à peu de frais, entre les mains de tout le monde.

L'établiffement de la bibliotheque de Fontaine

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bleau fut un avantage plus particulier à la France il n'y avoit eu jufques-là de bibliothèque royale que celle de Blois, fondée par Charles duc d'Orléans qui a peut-être été le meilleur poëte de fon tems & le prince de fon fiécle le plus inftruit dans la litterature, comme on le voit par fes écrits que l'on conferve à la bibliothéque du roi de France. Louis XII. fon fils enrichit tellement cette bibliothéque, que fous fon regne elle fut regardée comme une des chofes les plus rares qui fut en France. Le célébre Jean Lafcaris qui étoit venu en ce royaume avec le roi Charles VIII. au retour de ce prince de l'expedition de Naples, donna à cette nouvelle bibliothéque beaucoup de manufcrits grecs, dont le nombre fut encore augmenté de 60. volumes achetez par Jerôme Fondule, fans compter ceux que Jean de Pins acquit pendant ses ambaffades de Venise & de Rome. Ces manufcrits étoient communiquez aux fçavans, & leur lecture contribua certainement au progrès des sciences. Tout devient utile dans un renouvellement, & la facilité que l'on trouve à s'inftruire, en augmentant les connoiffances, augmente auffi pour l'ordinaire le défir d'en acquerir de plus grandes.

Mais je pense que les progrès des sciences euffent été moins confidérables & moins rapides, fi, contens de n'étudier que les langues fçavantes, on eut négligé d'apprendre celles qui font en ufage chez les peuples avec lefquels la nature nous a unis. La religion certainement y eut moins gagné. On ne peut en parler au peuple ni en grec, ni en hébreu, & le latin même n'eft entendu que du petit nombre. Il faut donc en parler à chacun dans la langue qu'il entend. Nos miffionnaires n'auroient fait aucun fruit, quelques chargez qu'ils euffent été d'hébreu & de grec, s'ils euffent ignoré le langage des peuples chez qui

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