lui-même la meilleure introduction à l'hiftoire qui Dife. fur l'hift. M. éditions font chargées. Jofeph Scaliger eft proprement le premier qui ait mis la chronologie en regle. Son ouvrage de la correction des tems eft d'une érudition immenfe. Ce que le pere Petau Jefuite a fait fur la doctrine des tems, eft encore plus fçavant & mieux digeré. Il n'y a rien de meilleur avec cet ouvra ge, que les annales d'Ufferius & la chronologie de M. Lancelot. Pour des géographes, il y en a peu qui méritent d'être lûs depuis le renouvellement des lettres jufqu'à M. Sanfon, dont les recherches ont été bien perfectionnées depuis par M. de Lifle & quelques au tres mais aucuns n'ont atteint l'érudition que Bochart a employée dans fa géographie facrée qui répand de fi grandes lumieres fur ce point. Dans le XVII. fiécle où ce favant a fleuri, & dans le précedent, l'étude de l'hiftoire fut fi commune que chaque nation, chaque province, & prefque chaque églife & chaque monaftere, voulurent avoir leur hiftorien particulier: & delà que d'écrits en ce genre n'a-t'on pas faits? On formeroit aujourd'hui une bibliothéque très-nombreufe fi on vouloit les recueillir tous, & la vie de plufieurs hommes ne fuffiroit pas pour les lire. Mais on peut les confulter dans le befoin, & c'est déja être riche que de fçavoir qu'on ne manquera point quand on voudra puifer & que les fources font toûjours ouvertes. Il est vrar qu'il faut beaucoup de difcernement pour lire la plûpart de ces hiftoriens. L'amour du merveilleux qui a été trop long-tems le goût dominant, & qui paroît fi naturel à l'homme depuis fa chute, a gâté un grand nombre d'anciens hiftoriens,& beaucoup de nos modernes n'ont pas apporté affez de foin, ni peutêtre eu affez de jugement pour éviter ce défaut. On a voulu donner à fa nation, à fon païs, à fa famille: particuliere une origine illuftre, une grande part dans les évenemens qui pouvoient faire le plus d'honneur „ de grandes marques de diftinction; & ce qu'on n'a pû appuier fur des preuves conftantes, on s'eft-donné beaucoup de peine pour le fonder fur des fables. L'imagination, le défir de flatter, la prévention, l'interêt n'ont pris que trop fouvent la place de la fincerité & du vrai. Le plus grand mal eft que ce n'eft pas feulement dans l'hiftoire profane que l'on trouve ces défauts, mais que les historiens eccléfiaftiques & monaftiques en font auffi remplis. Quand Philippe de Neri engagea Baronius, depuis cardinal, à compofer fes annales, il crut certainement rendre un grand service à l'églife, & on peut en effet profiter de fon travail: mais il pouvoit être fait avec plus d'exactitude fi l'auteur eut eu plus de critique, de difcernement, de jufteffe d'efprit, & moins de préventions. Les uns ont continué ce grand ouvrage, d'autres l'ont abregé, n'eut-il pas mieux valu le corriger? Voffius & le pere Pagi qui ont entrepris cette correction, n'ont pas encore tout rectifié. Les centuriateurs de Magdebourg font encore moins furs que Baronius : les auteurs de cet informe recueil n'étoient pas meilleurs hiftoriens que théologiens, quoiqu'ils ayent affecté de paroître l'un & l'autre. Jufqu'aux ouvrages figénéralement eftimez de Meffieurs de Tillemont & Fleuri, nous n'avions point encore d'hiftoire fuivie de l'églife que l'on pût étudier fans crainte de s'égarer, fi l'on en excepte peut-être celle de M. Godeau qui n'eft point à méprifer. Il faut beaucoup de difcernement, de patience, d'attention, de travail pour bien écrire l'hiftoire, & tous les auteurs n'ont pas ces qualitez. Peut-être pourroit-on y parvenir fi chacun ne prenoit que la partie de l'hiftoire qui conviendroit mieux à fon goût, & au plan de fes études. C'eft par cette raison que les hiftoires particulieres font ordinairement mieux travaillées que les. hiftoires gé- X V. ou hiftoriens des vies des Saints, nérales. L'efprit de l'homme eft trop La partie de l'Hiftoire Eccléfiaftique qui a été la plus Légendaires, maltraitée jufqu'à la fin du XVII. fiècle, eft celle qui rapporte les faits qui ont éclaté dans ceux que l'église honore comme Saints, & qui ont rendu leur nom illuftre & leur mémoire refpectable. On a eu raison de penfer que l'étude de l'hiftoire étant bien faite, ce feroit une excellente philofophie, qui feroit d'autant plus d'impreffion, qu'elle nous parle par des exemples fenfibles, dont il eft bon de tenir regiftre, afin de se les représenter à foi & aux autres dans les occafions. C'est le but que paroît avoir eu l'auteur du Sophologium, & celui du Speculum vite humane, où l'hiftoire fe trouve mêlée avec la morale, C'eft dans le même deffein que l'on donna au public le Miroir de Vincent de Beauvais: mais ces auteurs n'avoient pas les talens qui étoient néceffaires pour arriver heureufement à leur but. Je ne fçai pas fi leurs ouvrages ont contribué beaucoup au changement des mœurs, mais je fçai qu'il eft difficile qu'on faffe des converfions folides, en prétendant conduire les hommes à la vérité par des fables, fouvent extravagantes, quelque air de pieté qu'on leur donne. Les fept ou huit éditions que l'on fit de la Légende dorée de Jacques de Voragine pendant le XV. fiécle, me fcandalifent plus qu'elles ne m'édifient, & je veux croire qu'il n'y eut que le peuple ignorant qui en fit fa lecture. Cette légende contient en effet prefque autant d'impertinences qu'il y a de pages, tout y eft fait en dépit dự bon fens. Le Jefuite Ribadeneira voulut faire mieux, & réüffit prefque auffi mal. Ses Vies des Saints font fort bien écrites en Espagnol, mais la vérité de l'histoire Y eft par tout alterée, & l'on y trouve en grand nombre des fictions ridicules. On en a fait cependant un grand nombre d'éditions, fur-tout en François, pour fatisfaire le peuple ignorant, dont la pieté fe laiffe ordinairement féduire par des hiftoires qui lui paroiffent édifiantes. Mais difons-le férieufement, ces fortes d'écrivains, ces faifeurs de contes devots, & de romans fpirituels, ces inventeurs de faux miracles & d'hiftoires apocryphes, ont fait à l'église un mal plus confidérable qu'on ne l'a crû, fans doute, lorfqu'on a penfé que l'on pouvoit tolerer leur licence. Car outre qu'ils ont eu grand tort de s'imaginer que les matieres de notre religion puiffent être embellies par des fictions & par des menfonges, ils ont abufé de la fimplicité & de la crédulité du peuple, qu'ils ont jette dans l'erreur ; & ce qui eft encore pis, ces fortes d'auteurs donnent lieu aux libertins de douter des véritez plus importantes, & de les confondre malicieufement avec ces fortes de fictions. Heureufement que la lumiere qui a éclairé depuis les fidéles, fur-tout en France, leur a fait comprendre que rien ne doit édifier que la vérité, & leur a |