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XVI.

anciens monumens,

fait négliger ces hiftoires remplies de fables & de
puerilitez, pour leur fubftituer celles que des auteurs
infiniment plus judicieux & plus éclairez, tels que
M. Baillet, & plufieurs autres qui font venus depuis,
leur ont mifes entre les mains. Le recueil des actes
fincéres des Martyrs publié le fiécle dernier, les actes
fans nombre que les Jefuites d'Anvers recueillent
depuis tant d'années, avec tant de peine & de foin,
les fçavantes differtations dont ils accompagnent cette
vafte collection, les actes des Saints de l'ordre de
faint Benoît, & tant d'autres monumens anciens que
des fçavans éclairez ont recherchez & publiez depuis
un fiècle, ont été d'un grand fecours à ceux qui ont
voulu écrire l'histoire de l'église, dont celle des Saints
fait partie, fans s'écarter de la vérité, qui doit être
l'ame de quelque hiftoire que ce foit. Ce n'est
que toutes ces piéces foient également authentiques,
mais on peut aujourd'hui en faire le difcernement,
& il faut prefque vouloir fe tromper pour être féduit,
principalement s'il s'agit de faits un peu importans.

pas

Cette recherche laborieufe des anciens monumens, Recherche des non-feulement pour ce qui concerne l'histoire de l'églife, mais de toute efpece, a été l'objet de l'occupation principale d'un grand nombre de Sçavans des deux derniers fiécles, & fe continue encore dans le nôtre,& quels avantages n'en a-t-on pas tirez ? On a fait des voyages longs, pénibles, & fouvent dangereux, pour aller dans les pays les plus éloignez, chercher des manufcrits, déchiffrer des infcriptions, acheter des médailles, vifiter d'anciens monumens, lever des plans. On a parcouru toutes les Bibliothèques, foüillé dans mille recoins d'un grand nombre de monafteres, qui poffedoient la plûpart beaucoup de ces richeffes litteraires fans les connoître, & où, depuis l'ignorance qui s'y étoit introduite avec le relâchement, elles étoient négligées & trop fouvent même en par

tie

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tie diffipées. On en a recueilli les précieux débris, & Lauvé pour toûjours un très-grand nombre, ou en les donnant au public par l'impreffion, ou en les dépofant dans des Bibliothéques connues, où les Sçavans ont la liberté de les confulter. On a vû plus d'une fois des communautez regulieres d'où l'amour de l'étude avoit chaffé l'ignorance & l'oifiveté, faire entreprendre ces voyages à leurs dépens aux plus habiles de leurs membres; des particuliers même s'y engager à leurs frais, fans autre but que de chercher la vérité, & de quoi l'appuïer par de nouvelles preuves, Mais plus fouvent encore ces voyages ont été entrepris à la follicitation des rois & des princes, qui ont fourni aux dépenfes qui étoient néceffaires pour les faire plus commodément, & en retirer plus de fruit. Outre les monumens fans nombre que l'on en a rapportez, la Géographie s'eft perfectionnée par ces voyages; l'astronomie, la navigation', & tous les arts y ont trouvé de grands avantages. On en a retiré plus de lumieres fur les mœurs, les coûtumes, les ufages, & la religion des peuples que l'on a vifitez; fur la forme de leur gouvernement, fur la fageffe ou la bizarrerie de leurs loix; fur les revolutions qui leur ont fait changer de face, fur les caufes & les progrès ces revolutions; & toutes ces lumieres ont été utiles à la religion, qui en a pris occafion, ou de s'introduire dans ces lieux, ou de s'y affermir. Elles ont donné lieu de confulter les traditions de ces differens pays, d'examiner fur quoi elles étoient fondées, & de remonter ainfi jufqu'à l'origine des peuples, & à leurs differentes tranfmigrations; ce qui n'a pas peu contribué à éclaircir beaucoup d'endroits de l'écritu re-fainte, qui feroient toûjours demeurez obscurs fans ces connoiffances, & à répandre un grand jour fur l'histoire, tant eccléfiaftique que profane, & même fur toutes les fciences,

de

Tome XXXIII,

XVII.

Morale,

pro

Je ne fçai fi l'on ne pourroit pas mettre auffi au rang de ces avantages les richeffes temporelles que ces voyages ont apportées à plufieurs Etats. Si elles ont nui à la fimplicité des peuples, & augmenté l'orgueil des rois, elles ont auffi excité l'émulation duit le défir de faire de nouvelles entreprises, civilifé un nombre prodigieux d'hommes, qui n'avoient prefque rien auparavant qui les diftinguất des bêtes, & engagé les princes à envoyer des ouvriers évangeliques dans les terres étrangeres que l'on foumettoit à leur obéïffance; ce qui a porté la lumiere du chriftianisme dans une infinité d'endroits, où elle fe trouvoit entierement éteinte, fi elle y avoit brillé autrefois. Ces miffions ont été d'autant plus utiles, que l'étude de l'écriture & des faints peres avoit rendu la morale plus épurée, plus faine, plus conforme aux principes de l'évangile, & que le miniftere de la prédication étoit plus honoré par ceux qui en étoient chargez.

Dans les fiécles ténébreux qui avoient précedé le Etude de la renouvellement des lettres, les véritez les plus importantes de la morale évangelique paroiffoient ignorées, ou obscurcies & alterées par les interprétations que chacun y donnoit, felon fes préventions & fes cupiditez. Comme on marchoit prefque fans guides, ou que ceux qui entreprenoient de conduire les autres, n'avoient fouvent ni regles fûres, ni instruction folide, on s'égaroit avec eux : les opinions humaines avoient pris la place des regles des mœurs fi bien établies dans les écrits moraux des peres de l'églife, qui n'avoient été en cela que les fidéles interprétes de l'évangile qu'ils avoient grand foin d'expliquer à leurs peuples.

Les nouveautez profanes que faint Paul recommande tant d'éviter, étoient embraffées avec ardeur & il fe trouvoit peu de lumieres assez vives pour diffiper les nuages qu'elles répandoient dans

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l'églife. Ce n'est pas que Dieu n'ait eu fes élûs dans ces tems-là, puifque l'églife ne peut fubfifter fans eux, ni qu'on ait pû fe fauver en aucun tems fans une obfervation exacte & perfeverante des préceptes évangeliques mais le nombre de ces faints étoit rare, & le clergé qui devoit être leur lumiere étoit tombé dans un extrême aviliffement. La pieté étoit un peu plus commune & plus réelle dans quelques monafteres, mais elle brilloit peu au-dehors, & ne trouvoit même sa fûreté que dans l'obscurité de la retraite. L'étude de l'écriture & des peres apprit ce que l'on ignoroit, & ouvrit les yeux fur la fauffeté des maximes que beaucoup fuivoient peut-être fans fcrupule, parce que la multitude les autorifoit, & que l'autorité fembloit les confacrer. On comprit enfin que le culte exterieur de la religion ne fert de rien fans le culte interieur, qui confifte à adorer Dieu en efprit & en vérité, à lui rapporter toutes fes actions par amour, à ne les pas regler fur le caprice, le hazard, ou les inventions de l'amour propre; mais fur ce que Jefus-Chrift, l'auteur de notre religion, avoit enfeigné, fur ce que les apôtres avoient prêché, fur ce que leurs fucceffeurs avoient écrit, fur ce que les Saints avoient pratiqué. On le comprît, & plufieurs y conformerent leurs mœurs & leur langage. La théologie morale peu enfeignée dans les écoles, ou qui ne donnoit que des principes généraux vagues, fouvent équivoques, & fujets à des interprétations arbitraires, fut plus commune, plus détaillée, plus lumineufe, plus folide. On connut davantage l'importance qu'il y avoit de ne pas fe tromper dans une affaire auffi férieuse que celle du falut, & l'on craignit avec raifon de n'être point excufé au jugement de Dieu, en prétendant s'autorifer de la doctrine commune de fon fiécle, quelque fidélité que l'on eut eu à la fuivre, fi cette doctrine ne se

?

pas

trouvoit pas conforme à celle de celui qui n'est pas fujet au changement, & qui ne peut exempter de fuivre dans un tems ce qui eft néceffaire dans tous. On commença à fentir que les abus n'en étoient plus excufables pour être plus communs & qu'étant les enfans de la vérité, on ne on ne pouvoit plaire à Dieu que par elle. Les conciles de Conftance & de Bafle firent de leur mieux pour s'opposer au torrent qui entraînoit dans l'erreur, & leur zéle eut quelque fuccès. Mais comme ces progrès étoient lents, & peu fenfibles, les défordres étouffoient prefque toûjours la bonne femence, & ce qu'il y a de plus trifte, l'état eccléfiaftique & monaftique avoit peu de foin de s'en garantir. Luther, Calvin, & plufieurs autres en prirent occafion de déclamer vivement contre l'églife en général qui n'en étoit pas coupable: ils en tirerent leur prétexte de s'en féparer, & fous le beau nom de Réformateurs ils devinrent plus criminels que les autres, & augmenterent le déreglement & le nombre des

mauvais Chrétiens. Le concile de Trente affemblé contre eux, fit de fages reglemens pour ramener les hommes à la vérité, & les univerfitez de Louvain & de Douai, où la lumiere brilloit avec beaucoup d'éclat dans un grand nombre de fes membres, feconderent fes vûës, & fervirent plus, que les autres à y faire entrer les peuples, & fur-tout le clergé. L'univerfité de Paris, quoique moins éclatante alors, n'y fût pas inutile. Mais le zéle éclairé & intrepide de faint Charles Borromée, joint à l'éminente faintetê de fa vie,remporta lui feul plus de conquêtes,& multiplia plus lui feul les triomphes de l'églife; les décifions fages & lumineufes qui fortirent des conciles, qu'il ne ceffa de tenir à Milan, avancerent beaucoup l'important ouvrage de la réformation du clergé, qui réjaillit néceffairement fur le peuple. Aujourd'hui que l'on eft encore plus éclairé, on ne fait pas diffi

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