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ARTICLE V.

De ce qui peut être l'objet des contrats. Que ce ne peut être qu'une chofe qui concerne les parties contractantes, fuivant la regle: qu'on ne peut valablement ftipuler ni promettre que pour foi.

53. Les Contrats ont pour objet ou 'des chofes que l'une des parties contractantes ftipule qu'on lui donnera, & que l'autre partie promet de lui donner, ou quelque fait que l'une des parties contractantes ftipule que l'on fera, ou qu'on ne

fera pas, & que l'autre partie promet de

faire ou de ne pas faire.

Quelles font les chofes que l'une des parties peut ftipuler qu'on lui donne, & que l'autre partie peut s'engager de donner? Quels font les faits que l'une des parties peut ftipuler qu'on faffe ou qu'on ne faffe pas, & que l'autre partie peut s'engager de faire ou de ne pas faire? C'eft ce que nous verrons, infrà chapitre 2. article 2. où nous traiterons de ce qui peut être l'objet des obligations nous y renvoyons pour ne pas répéter.

Nous nous contenterons de dévelop per ici un principe touchant ce qui peut

être l'objet des contrats : ce principe eft qu'il n'y a que ce que l'une des parties contractantes ftipule pour elle-même, & pareillement, qu'il n'y a que ce que l'autre partie promet pour elle-même, qui puiffe être l'objet d'un contrat: Alteri ftipulari nemo poteft Inftit. de inut. ftipul. S. 18. Nec pacifcendo, nec legem dicendo nec ftipulando, quifquam alteri cavere poteft. L. 73. §. fin. ff. de R. J. verfâ vice qui alium facturum promifit videtur in eâ esse caufâ ut non teneatur nifi pœnam ipfe promiferit. Inftit. D. T. §. 20. Alius S. pro alio promittens daturum facturumve non obliga tur; nam de fe quemque promittere opor tere. L. 83 ff. de v. oblig.

Pour développer ce principe, nous verrons dans un premier §. quelles en font les raifons; dans un fecond nous rapporterons plufieurs cas dans lefquels nous ftipulons & promettons effectivement pour nous-mêmes, quoique la convention faffe mention d'un autre; dans un troisieme, nous remarquerons que ce qui concerne un autre que les parties contractantes, peut être le mode ou la condition d'une convention, quoiqu'il n'en puiffe pas être l'objet; dans un quatrieme, nous obferverons qu'on peut contracter par le miniftere d'un tiers, & que ce n'eft pas ftipuler ni promettre pour un autre

S. I.

Quelles font les raifons du principe, qu'on ne peut ftipuler, ni promettre pour un autre.

54. Lorsque j'ai ftipulé quelque chofe de vous pour un tiers, la convention eft nulle; car vous ne contractez par cette convention aucune obligation ni envers ce tiers, ni envers moi. Il est évident que vous n'en contractez aucune envers ce tiers; car c'eft un principe que les conventions ne peuvent avoir d'effet qu'entre les parties contractantes, & qu'elles ne peuvent par conféquent acquérir aucun droit à un tiers qui n'y étoit pas partie, comme nous le verrons ciaprès vous ne contractez non plus par cette convention aucune obligation civile envers moi; car ce que j'ai ftipulé de vous pour ce tiers, étant quelque chofe à quoi je n'ai aucun intérêt qui puiffe être appréciable à prix d'argent, il ne peut réfulter aucuns dommages & intérêts envers moi, du manquement de votre promeffe; vous y pouvez donc manquer impunément: or, rien n'eft plus contradictoire avec l'obligation civile que le pouvoir d'y contrevenir impunément; c'eft ce que veut dire Ulpien,

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lorfqu'il

lorfqu'il dit; alteri ftipulari nemo poteft inventa funt enim obligationes ad hoc ut unufquifque fibi acquirat quod fua intereft; cæterum ut alii detur nihil intereft mea. L. 38. §. 17. ff. de verb. obl.

55. Cette premiere partie de notre principe, qu'il n'y a que ce que l'une des parties ftipule pour elle-même, qui puiffe être l'objet d'une obligation, n'a lieu que dans le for extérieur, & à l'égard des obligations civiles: mais dans le for de la confcience, lorfque je fuis convenu avec vous, que vous donneriez quelque chofe à un tiers, ou que vous feriez quelque chofe en faveur d'un tiers, la convention est valable : quoique l'intérêt que j'y prends ne foit pas un intérêt appréciable à prix d'argent, il ne laiffe pas d'être un véritable intérêt: hominis enim intereft, alterum hominem beneficio affici; & cet intérêt de pure affection pour ce tiers, me donne un droit fuffifant pour exiger de vous dans le for de la confcience, l'accompliffement de la promeffe que vous m'avez faite pour ce tiers, & pour vous rendre coupable, fi vous refufez de l'accomplir, lorfque vous avez le pouvoir de le faire, & que le tiers veut bien accepter ce que vous m'avez promis de lui donner. Il eft vrai que mon intérêt n'étant pas appréciable à prix Tome I.

D

d'argent, & ne pouvant par conféquent être l'objet d'une condamnation, je ne pourrai exiger de vous dans les tribuaux aucuns intérêts ni dommages, fi vous man. quez à votre promeffe; mais ce pouvoir que vous avez d'y manquer impunément dans le for extérieur, eft un obstacle à l'obligation civile, & il n'empêche pas l'obligation naturelle. Grotius, l. 2. c. 11. n. 18.

Obfervez que l'obligation naturelle qui réfulte de cette convention, par laquelle j'ai ftipulé que vous donneriez quelque chofe à un tiers, eft une obligation qui eft contractée envers moi, & non pas envers ce tiers, lorfque c'eft en mon nom, & non au nom du tiers que je fuis convenu de cela avec vous; c'est pourquoi je peux vous en décharger fans le confentement de ce tiers. Grotius ibid. Pufendorf.

Mais fi c'étoit au nom du tiers comme ayant charge & me faifant fort de lui, que nous ferions convenus que vous lui donneriez, ou feriez pour lui quelque chofe, ce feroit ce tiers qui feroit cenfé avoir contracté avec vous par mon ministere, & non pas moi. Voyez infrà le §. 4

56. La feconde partie de ce principe, qu'on ne peut promettre que pour foimême est évidente; car lorfque j'ai promis qu'un autre vous donneroit quelque

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