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qui nous en fervons pour notre propre deftruction: qu'enfin c'eft la foif ardente des richeffes qui a caufé tous ces défordres; qu'avant cela il n'y avoit ni guerres.

armes ni

Quis fuit horrendos primus qui protulit enses
Quam ferus & verè ferreus ille fuit!
Tunc cades hominum generi; tunc prælia nata,
Tunc brevior diræ mortis aperta via eft.
At nihil ille mifer meruit, nos ad mala noftra
Vertimus in fævas quod dedit ille feras.
Divitis hoc vitium eft auri: nec bella fuerunt,
Faginus adftabat cum fcyphus ante dapes.
Non arces, non vallus erat, fummumque petebat
Securus varias dux gregis inter oves.T.bul.l.1.El.10,

La cupidité eft fouvent caufe du ren verfement des familles. La fable raconte que l'Oracle ayant prédit qu'Amphiaraus périroit, s'il alloit à la guerre de Thebes: fa femme Eriphyle charmée d'un colier de pierreries enrichies d'or, fe laiffa gagner par ce prefent que lui fit Polinice pour l'engager à découvrir où étoit fon mari. Amphiaraüs outré de la perfidie de fa femme, ordonna à fon fils de la tuer, fitôt qu'il auroit appris fa mort, ce qu'il executa. Eriphylin accipiamus in fabulis, ea cupiditate fuiffe, ut, cum vidiffet monile, opinor, ex auro & gemmis: pulchritudine ejus incenfa, falutem viri proderet. Cic. Ceft ce que veut dire Horace par ces mots

Concidit Auguris

Argivi domus, ob lucrum

Demerfa excidio. Ode 16. l.

3.

Mais fans aller fi loin chercher des exemples d'une avarice fordide, Def preaux nous en fournit un dans la perfonne de M. Tardieu Lieutenant Criminel.

Dans la Robe on vantoit fon illuftre Maison.
Il étoit plein d'efprit, de fens & de raison.
Seulement pour l'argent un peu trop de foibleffe
De ces vertus en lui ravaloit la Nobleffe.
Sa table toutefois, fans fuperfluité,
N'avoit rien que d'honnête en fa frugalité.
Chez lui deux bons chevaux, de pareille encolure à
Trouvoient dans l'écurie une pleine pâture
Et du foin que leur bouche au ratelier laiffoit,
De furcroit une mule encore fe nourriffoit.
Mais cette foif de Por qui le bruloit dans l'ame,
Le fit enfm fonger à chercher une femme ;
Et l'honneur dans ce choix ne fut point regardé.
Vers fon trifte penchant fon naturel guidé
Le fit dans une avare & fordide famille

Chercher un monftre affreux fous l'habit d'une fille ;
Et fans trop s'enquerir d'où la Laide venoit,

Il fçut, ce fut affez, l'argent qu'on lui donnoit.
Rien ne le rebuta, ni fa vûë éraillée.

Ni fa maffe de chair bizarrement taillée.
Et trois cens mille francs, avec elle obtenus,
La firent à fes yeux plus belle que Venus.
Il l'époufe; & bientôt fon hôtelle nouvelle,
Le préchant, lui fit voir qu'il étoit, aux prix d'elle
Un vrai diffipateur, un parfait débauché.
Lui-même le fentit, reconnut fon peché,
Se confeffa prodigue & plein de repentance,
Offrit fur les avis de regler fa dépense.
Auffi-tôt de chez eux tout rôti difparut
Le pain bis renfermé d'une moitié decrut

Les deux chevaux, la mule au marché s'envolerent.
Deux grands laquais à jeun, fur le foir s'en allerent.
De ces coquins déja l'on fe trouvoit laffé,

Et pour n'en plus revoir le refte fut chaffé.

Deux fervantes déja, largement fouffletées
Avoient à coups de pieds defcendu les montées,
Et fe voyant enfin hors de ce trifte lieu,
Dans la rue en avoient rendu graces à Dieu.
Un valet reftoit, feul cheri de fon Maître,
Que toûjours il fervit, & qu'il avoit vû naître,
Et qui de quelque fomme amaffée au bon tems,
Vivoit encore chez eux, partie à fes dépens.
Sa vûë embarraffoit, il fallut s'en défaire,
11 fut de la maison chaffé comme un Corfaire.
Voilà nos deux époux fans valets, fans enfans,
Tous feuls dans leur logis libres & triomphans.
Alors on ne mit plus de borne à la lezine.
On condamna la cave, on ferma la cuisine.
Pour ne s'en point fervir aux plus rigoureux mois
Dans le fond d'un grenier on fequeftra le bois.
L'un & l'autre dès lors vécut à l'avanture
Des préfens, qu'à l'abri de la Magiftrature,
Le mari quelquefois des plaideurs extorquoit,
Ou de ce que la femme aux voifins excroquoit.
Mais pour bien mettre ici leur craffe en tout fon luftre,
Il faut voir du logis fortir ce Couple illuftre;
Il faut voir le mari tout poudreux, tout foüillé
Couvert d'un vieux chapeau de cordon dépoüillé
Et de fa robe en vain de pieces rajeunie
A pié dans les ruiffeaux traînant l'ignominie.
Mais qui pourroit compter le nombre de haillons,
De pieces, de lambeaux, de fales guenillons,
De chiffons ramaffés dans la plus noire ordure
Dont la femme aux bons jours compofoit fa parure!
Décrirai-je fes bas en trente endroits

percez

Ses fouliers grimaflans vingt fois repetaflez.
Ses coëffes, d'où pendoit au bout d'une fifcelle
Un vieux mafque pelé prefqu'auffi hideux qu'elle?
Peindrai-je fon jupon bigarré de Latin,
Qu'ensemble compofoient trois thefes de fatin,
Préfens qu'en un Procès fur certain privilege
Firent à fon mari les Regens d'un College;
Et qui fur cette jupe à maint Rieur encor
Derriere elle faifoit dire, Argumentabor.

Leur fin fut digne de la vie qu'ils avoient menée; car ils furent tous deux

affaffinez le 24. d'Août 1665. D'où il faut conclure avec la Fontaine que L'Avarice perd tout en voulant tout gagner.

Voici des caracteres bien differens de ces avares qui n'ont jamais affez de biens. Fabricius non feulement fe contentoit de peu, mais il refufoit les préfens des Rois;le Conful Serranus cultivoit lui-même fes terres ; & les Curius vivoient fatisfaits de ce que leur produifoit leur petit heritage.

Et cafa

Contentus honefto

Fabricius parvo, fpernebat munera Regum,
Sudabatque gravi Conful Serranus aratro,
pugnaces Curios angufta tegebat.
Hæc mihi paupertas anguftior: hæc mihi te&ta
Culminibus majora tuis: tibi quærit inanes
Luxuries nocitura cibos: mihi donat inemptas
Terra dapes, rapiunt Tyrios tibi vellera fuccos
Et picturate faturantur murice veftes.
Hic radiant flores & prati viva voluptas
Ingenio variata fuo fulgentibus illic

Surgunt Stratatoris: hic mollis panditur herba,
Sollicitam curis non abruptura faporem:
Turba falutantum latas tibi perftrepit ædes :
Hic avium cantus, labentia murmura rivi.
Vivitur exiguo melius. Natura beatis
Omnibus effe dedit, fi quis cognoverit uti,
Hæc fi nota forent, frueremur fimplice cultu:
Claffica non fremerent; non ftridula fraxinus iret

Non ventus quateret puppes, non Machina muros.
Claud. in Rufin. l. x.

Avenir.

On ne fçauroit mieux commencer

cet article que par la reflexion que fait M. Pafchal fur l'avenir. » Nous ne pen→ » fons prefque point au prefent; & fi »nous y penfons ce n'eft que pour en » prendre la lumiere pour difpofer l'avenir. Le prefent n'eft jamais notre » but. Le paffé & le prefent font nos moyens; le feul avenir eft notre objet. »Ainfi nous ne vivons jamais; mais nous efperons de vivré; & nous dif»pofant toujours à être heureux, il est indubitable que nous ne le ferons ja mais, fi nous n'afpirons à une autre » béatitude qu'à celle dont on peut » jouir en cette vie.

La curiofité infatiable de fçavoir l'avenir a fait inventer une infinité de manieres de divination toutes chimeriques, dont les hommes, dit Bayle, n'ont pas laiffé de fe payer. Il femble même que les Payens ont fenti que c'étoit une folie de vouloir pénétrer dans l'avenir, que la connoiffance n'en appartenoit qu'à Dieu, qu'ainfi c'étoit en vain qu'on alloit confulter les Chaldéens &c. C'eft pourquoi Horace confeille à Leuconoë de ne point s'embaraffer des prédictions des Aftrologues. Ce confeil eft fort bon: mais ce Poëte avec tout fon efprit ne pouvoit aller

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