1 Sic ego nec furias, nec deteriora videbo La vie des perfonnes, qui font dans l'affliction, eft une espece de mort. Mortis habet vices Lente cum trahitur vita gementibus. Sen. Herc. Oet. Il n'eft pas aifé à un homme affligé de diffimuler fon mal; on ne sçauroit feindre en cette occafion. Hei mihi difficile eft imitari gaudia falsa, El. 7: C'eft refuser du fecours aux perfonnes affligées que de leur donner une réponfe vague & incertaine. Dubiam falutem qui dat afflictis, negat. Sen. Pourquoi les gens de bien font dans l'affliction & les méchans dans la prof perité. Cum duris premitur juftus, cum floret iniquus, Ne te præcipitem trahat hic dolor, æthera mente Illic confpicies ingentis numinis iræ Ad mala fervari non moritura malos. Que l'adverfité eft preferable à la profperiré. Beau fentiment d'une Prin ceffe là-deffs. b 2 Optio fi detur fortis mihi, fœmina prínceps 'Age, Les Poëtes Grecs & Latins diftinguent quatre âges du monde, fçavoir, l'âge d'or, l'âge d'argent, l'âge de bronze, & l'âge de fer. L'Age d'or. Ce que l'Ecriture nous a appris de l'innocence & de la felicité dans laquelle Dieu créa l'homme, de la dépravation du genre humain, qui attira enfin le Deluge, & du rétablissement qui fe fit après le Deluge, semble avoir donné occafion à ce que les Poëtes ont dit des quatre Ages du monde. Ovide en a fait une belle defcription, & voici de quelles couleurs il a peint l'âge d'or, qui fut celui de l'innocence. Aurea prima fata eft ætas, que vindice nullo Voila par Voilà la premiere innocence, qui n'étoit reglée ni par les loix, ni par les juges, ni par la crainte des peines, mais par les lumieres naturelles de la raison, par les attraits de la beauté de la juftice, & les inclinations pures & vertueufes que le Créateur avoit gravées dans le fond du cœur. Les navigations, les fortifications des places, les armes, & les guerres n'étoient ni connuës ni compatibles avec le calme & la douceur de cette premiere felicité. Les fruits de la terre fans aucun penible travail donnoient aux hommes une nourriture simple & delicieuse, la terre étant d'elle-même trèsféconde, & les ruiffeaux de lait & de miel coulant de toutes parts: Nondum cæfa fuis, peregrinum ut viseret orbem, B Flumina jam lactis jam flumina nectaris ibant: On ne peut rien imaginer de plus femblable à la defcription que Moïse a faite de l'état de la premiere innocence de l'homme, de fa pieté, de fa religion, de fa felicité, du Paradis terreftre, des beautez & de la culture de ce Jardin de délices. Il faut avouer que la raifon naturelle nous montre fort clairement que l'homme étant le chef-d'oeuvre des mains de Dieu entre les natures corporelles, il ne devoit pas fortir des mains de ce divin Ouvrier, qu'il ne fût accompli de tous les avantages & de toutes les perfections de fa nature: mais c'eft ce point même qui doit le plus fouvent & le plus agréablement occuper nos efprits, je veux dire cette conformité admirable entre les veritez de l'Ecriture & les lumieres naturelles de la raifon, foit que ce foit ces veritez ou ces lumieres, ou ce qui eft plus vraifemblable, & les unes & les autres, qui ont communiqué tant de beautez & tant de traits de verité & de fageffe aux ouvrages des Poëtes. L'Age d'Argent. Le fecond Age, ou le printems ne fut pas la feule faifon de l'année étant fuivi de trois autres moins belles & moins commodes; & où la terre commença à refuser fes fruits, fi le travail d'une longue culture ne les lui arrachoit ; enfin où les hommes eurent befoin d'habits & de maisons, & furent obligez de s'appliquer aux arts, pour fatisfaire aux befoins de la nature. Poftquam Saturno tenebrofa in Tartara miffo, Voilà comme après le peché le premier homme fut chaffé du Paradis terreftre; où regnoit un Printems éternel, & habitant dans les autres païs où les quatre faifons fe fuccedoient les unes aux autres, la terre n'y produifoit auffi que des ronces à moins d'être arrofée de la fueur des hommes, que Dieu avoit condamnez à ce pénible travail. L'Age de bronze & l'Age de fer. Les deux Ages fuivans, fçavoir ce |