Atque ipfæ vitiis funt alimenta vices. Boëce après avoir fouhaité de voir renaître ces mœurs antiques, ces tems heureux où l'on vivoit modeftement & fans ambition, dit que le defir d'amaffer des richeffes eft plus enflammé dans le cœur des hommes d'aujourd'hui que les feux foûterrains ne le font dans le Mont Etna. Utinam modo noftra re- In mores tempora prifcos Heu primus quis fait ille, Pretiofa pericula fodit. On va chercher l'or jusques dans les entrailles de la terre, fans penfer que c'eft la fource de tous les maux. Effodiuntur opes, irritamenta malorum. Ovid. Horace ajoûte que pour couper la racine à tous ces maux, il feroit d'avis qu'on portât l'or & l'argent au Capitole pour les befoins de l'Etat, ou dans les Temples pour les orner, ou dans la mer voifine, s'il eft fi dangereux d'en avoir. Il prend de là occafion de dire qu'il faut former de bonne heure les jeunes gens à la vertu & au travail, afin que leurs mœurs ne se corrompent pas dans l'oifiveté. Vel nos in Capitolium Quo clamor vocat & turba faventium Vel nos in mare proximum Gemmas & lapides, aurum & inutile Mittamus. Scelerum fi bene pænitet Pravi funt elementa, & teneræ nimis Formande ftudiis. Her. L. 2. Od. 24. Si l'on fuivoit la maxime d'Epicure en cette matiere, on fçauroit mettre des bornes à fes défirs. Veux-tu être rithe, dit ce Philofophe, ne fonge point à augmenter ton bien, diminue feulement ton avidité. Mais tout le contraire arrive: car à mefure que les richeffes augmentent, l'envie d'en avoir davantage & les inquietudes augmentent auffi. Crefcentem fequitur cura pecuniam Boëce a bien exprimé dans les vers fuivans jufqu'où va le défir infatiable des richeffes: quand Dieu les verferoit à pleines mains fur les avares, ils ne feroient pas encore contens. Si quantas rapidis flatibus incitus Aut quot felliferis edita no&tibug Cœlo fidera fulgent. Tantas fundat opes, nec retrahat manum. Pleno copia cornu, Humanum miferas haud ideo genus Quamvis vota libens excipiat Deus Et claris avidos ornet honoribus, Sed quæfita vorans fæva rapacitas Quæ jam præcipitem fræna cupidinem Largis cum potius muneribus fluens Sitis ardefcit habendi? Nunquam dives agit qui trepidus gemens Du Bartas apoftrophe ainfi cette paffion. Et toi, Cupidité, que la terre, que l'air, } Que la mer, que le Ciel, ne peuvent pas faouler, Qui brûle à petit feu; de qui la paffion La fortune donne trop à plufieurs, & jamais affez à perfonne. Habet Africanus millies, & tamen captat. Celui qui s'affranchit de l'esclavage de cette paffion & de toutes les autres qui troublent la tranquillité de l'efprit, merite, felon Lucrece, d'être mis au rang des Dieux. Si l'efprit n'eft entierement délivré de ce qui s'oppose à fa tranquillité, il fe fait une guerre dangereufe dans l'interieur de l'homme, parce qu'un penchant malheureux le contraint d'obéir aux mouvemens de la concupiscence, & qu'il eft toujours dans les alarmes de la peur: mais quel ravage ne font pas l'orgueil, l'infamie des plaifirs déreglez, l'impudence temeraire, auffi bien que le luxe, la vanité, & la faineantife qui ne lui caufent pas moins d'inquiétude. Celui donc qui fçait dompter ces paffions funeftes & les arracher de fon cœur, merite d'être mis au rang des plus grands Saints. At nifi purgatum eft pectus, quæ prælia nobis Hæc igitur qui cuncta fubegerit, ex animoque J'ai donné un fens à ces trois derniers vers tout autre que celui qu'ils ont na turellement dans Lucrece: mais c'eft. pour m'accommoder à notre maniere de parler. Tout Chrétien doit être en effet perfuadé que la plus belle de toutes les victoires eft celle qu'on remporte fur fes paffions, & que la fainteté des moeurs chrétiennes confifte principalement en cela. Car Lucrece defigne dans ces vers fon cher maître Epicure qu'il loue d'avoir enfeigné aux. hommes l'art heureux de dompter fes paffions, & de les arracher de leur efprit fans le fecours des armes, que pour cela, il merite que leur reconnoiffance lui dreffe des Temples & des Autels, comme l'a traduit M. Le B. des Coutures. Les premiers hommes, fur-tout les Heros que l'antiquité a mis au rang des Dieux, vivoient fans ambition: ils ne fe laiffoient point dominer à l'aveugle paffion d'amaffer de l'or & de l'argent. Tout étoit en commun : les terres n'étoient point séparées par des bornes ; on ne s'avifoit point de faire de longs voyages fur mer. C'eft ce que dit Hippolyte à la nourrice de Phedre qui tâchoit d'amolir fon courage en lui infpirant l'envie de fe marier, & le goût pour les plaifirs qui convenoient à un jeune Prince de fon âge : mais lui qui |