Ceux qui voudront voir les vers de Lucrece que Moliere a imitez les trouveront dans le Livre 4. V. 1154. Ambition. L'ambition eft un defir ardent de s'élever au deffus des autres, & pour y parvenir, on viole fouvent les loix les plus facrées. Rien ne fait obstacle à un ambitieux, la religion & le fang font même trop foibles pour l'arrêter. La Cour des Rois & des Princes feroit deferte fi l'ambition ne venoit relancer leurs fujets pour les faire fortir de l'état tranquille où ils font dans leurs maifons. Alors ils n'épargnent ni foins, ni fatigues,ni veilles, les uns pour s'enrichir, les autres pour arriver aux honneurs & aux dignitez les plus relevez, pour aller enfuite fe faire craindre & respecter dans leurs provinces. Seneque ajoûte que les Rois ne doivent qu'à l'ambition de leurs Courtisans les foins & les refpects qu'ils leur rendent, l'inclination ni le devoir n'y ayant aucune part. Pauci Reges, non regna colunt, Clarus claras ire per urbes : Colit hic Reges, calcet ut omnes 7 Le même Poëte a donc raifon de dire que quand on veut fortir de cette heureuse mediocrité, qui fait le bonheur de l'homme, on ne fçauroit se faire une fortune brillante & tranquille en même tems. Quifquis medium defugit iter Il le prouve enfuite par l'exemple de Dedale & de fon fils Icare, qui pour s'être trop élevé tomba dans la mer. Tenuit Latias Dedalus oras C'eft l'ambition qui a perdu Rome, cette Republique autrefois fi fameuse, maîtreffe de l'Univers, devint la proye des ambitieux: on n'eut plus d'égard au merite, les feules richeffes ouvrirent l'entrée aux emplois ; de là vinrent l'ufure, la mauvaife foi, & la guerre utile à plufieurs. On fuit la pauvreté fi féconde en grands hommes, le luxe, unique caufe de la corruption des mœurs, prit fa place, & l'heureux tems des Camilles & de Furius fut fi parfaitement oublié, qu'on n'en reconnut plus au cunes traces. Namque ut opes nimias mundo fortuna fuba&o Intulit, & rebus mores ceffere fecundis, Prædaque & hoftiles luxum fuafere rapinæ : Non auro tectifve modus, menfafque priores Afpernata fames, cultus geftare decoros Vix nuribus, rapuere mares; fecunda virorum Paupertas fugitur, totoque arceffitur orbe Quo gens quæque perit: tum longe jungere fines Agrorum, & quondam duro fulcata Camilli Vomere, & antiquos Curiorum paffa ligones Longa fub ignotis extendere rura colonis. Vile nefas, magnumque decus, ferroque petendum, Vis erat, &c. Hinc ufura vorax, avidumque in tempore fœnus, L'ambition d'Alexandre ne finit qu'avec sa vie. Unus pellao juveni non fufficit orbis : Ut Gyare claufus Scopulis, parvaque Seripho: Avis aux ambitieux pour les détourner de l'envie de regner. Nec tibi regnandi veniat tam dira cupido. Le Confeil que Cineas donnoit à Pyrrhus étoit plein de bon fens ; car qu'étoit-il befoin que ce prince courût les terres & les mers, pour trouver au bout de cette courfe un repos dont il pouvoit jouir fans fortir de l'Epire.-M. Defpreaux ajoûte, Le Confeil étoit fage & facile à goûter Pyrrhus vivoit heureux, s'il eût pû l'écouter: C'eft aux Prélats de Cour prêcher la résidence. Ce Poëte continue ainfi, & propofe l'Empereur Titus pour modele d'un Ce n'eft pas que mon cœur du travail ennemi, 3 11 eft plus d'une gloire. En vain aux conquerans Que ce vice fut toûjours la vertu des Heros. La vertu des Heros ne confifte nullement à vaincre des Rois, à conquerir des Provinces entieres, à faire reffentir à une infinité de malheureux tout ce que le fer & le feu ont de plus cruel, Juges infenfez que nous fommes, |