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ne fuffit pas d'avoir de l'honneur fans la valeur, il faut auffi avoir de la probité. La valeur ne fe confeille point, c'est la nature qui la donne: mais on peut l'avoir dans un très-haut degré, & être d'ailleurs fort peu aimable. La plupart des jeunes gens croient toutes leurs obligations remplies, dès qu'ils ont les vertus militaires, & qu'il leur eft permis d'être injuftes, malhonnêtes, impolis....

Les vertus morales font en danger fans les chrétiennes. Je ne vous demande point une pieté remplie de foibleffes & de fuperftitions : je vous demande feulement que l'amour de l'ordre foûmette à Dieu vos lumieres & vos fentimens. La plupart des jeunes gens croient aujourd'hui fe diftinguer en prenant un air de libertinage, qui les décrie auprès des perfonnes raifonnables. C'eft un air qui ne prouve pas la fuperiorité de l'efprit, mais le déreglement du cœur. On n'attaque point la Religion quand on n'a point interêt de l'attaquer: rien ne rend plus heureux que d'avoir l'efprit perfuadé & le cœur touché. Cela eft bon pour tous les tems. Ceux qui ne font pas affez heureux pour croire comme ils doivent

fçavent que ce qu'on appelle préjugé, tient un grand rang dans le monde, & qu'il le faut refpecter...

L'humanité ne nous fait-elle point fentir le befoin de fecourir nos femblables?

Les richesses n'ont jamais donné la vertu, mais la vertu a fouvent donné les richeffes.

pas

Il ne faut pas toujours dire ce qu'om pense, mais il faut toujours penfer ce qu'on dit. Le véritable ufage de la parole, c'eft de fervir la vérité. Le faux dans les actions n'eft moins oppofé à l'amour de la vérité, que le faux dans les paroles. L'homme faux paye de mine &de difcours, l'homme vrai paye de conduite. Il y a long-tems que l'on dit que l'hypocrifie eft un hommage que le vice rend à la vertu..

Les regles pour plaire font de s'ou blier foi-même, & de ramener les autres à ce qui les intereffe, de les rendre contens d'eux-mêmes, de leur paffer les qualitez qui leur font difputées. Ils croient que vous donnez ce que le monde ne leur accorde pas. C'eft en quelque forte créer leur merite, que de le réhauffer dans leur idée & dans celle des autres. Il ne faut pas pouffer cela jufqu'à l'adulation.

Le moyen de plaire eft de cacher fa fuperiorité. La plûpart du monde ne demande que des manieres qui plaifent. Quand vous ne les avez pas, il faut que vos bonnes qualiteż doublent.....

L'avare ne jouit de rien. L'argent eft un bon ferviteur, mais un mauvais maître.... La libéralité est un des devoirs d'une grande naiffance. Quand vous faites du bien, vous ne faites que payer une dette.

C'eft le merite qui doit vous distinguer du peuple, & non la dignité. Ne regardez les avantages de la naiffance & du rang, que comme des biens que la providence vous prête, & non comme des diftinctions attachées à votre être. Si votre rang vous releve au-deffus du peuple, fongez combien vous tenez au refte des hommes.

Ce n'eft pas trop acheter la liberté du cœur & de l'efprit que de l'acheter par le facrifice des plaifirs. Aprenez à pous craindre & à vous refpecter.

La vanité cherche l'aprobation d'autrui: le témoignage fecret de la confcience cherche à fatisfaire le fentiment de la gloire, qui eft en nous, Affurez-vous de ce témoignage interieur; votre tribunal eft en vous-même,

Il eft bien plus facile de nous ajufter aux chofes, que de les ajufter à nous. Souvent l'aplication à chercher le remede, irrite le mal,& l'magination d'intelligence avec la douleur, la fortifie. Il faut ceder aux malheurs. Renvoyezles à la patience, c'eft à elle à les adou

cir.

Songez que le tems emportera. vos peines & vos plaifirs, & que chaque instant, quelque jeune que vous foyez, vous enleve une partie de vous-même, que toutes les chofes du monde entrent continuellement dans l'abîme du paffé, dont elles ne fortent jamais.

Se livrer à la volupté, c'eft fe dégrader: il femble que l'ame du voluptueux lui foit à charge. Pour le jeu il femble qu'il foit un renversement de toutes les bienfeances: le Prince oublie fa dignité, & la femme fa pudeur. Le gros jeu renferme tous les défauts de la focieté: On fe donne le mot à certaines heures pour se ruiner & pour fe haïr: c'eft une grande épreuve pour la probité. Voyez au mot Jeu.

Eloquence

Il ne faut pas fouhaiter l'éloquence

avec trop de paffion : elle a été la caufe de la perte des plus grands Orateurs, comme il eft arrivé à Demofthene & à

Ciceron. C'eft pour cela que Juvenal fe moque d'un jeune homme, qui quoiqu'à peine forti du College, fouhaitoit déja égaler ces grands hommes.

Eloquium ac famam Demofthenis aut Ciceronis
Incipit optare, &c.

Eloquio fed uterque perit Orator; utrumque
Largus & exundans letho dedit ingenii fons,
Ingenio manus eft & cervix cæfa: nec unquam
Sanguine caufidici maduerunt roftra pufilli..
O fortunatam natam me confule Romam!
Antonii gladios potuit contemnere, fi fic
Omnia dixiffet. Sat. 10.

0 Rome fortunée

Sous mon Confulat née.

L'éloquence eft utile & nuifible: elle protege le coupable & opprime l'innocent.

Difcitur innocuas ut agat facundia caufas.

Protegit hæc fontes, immeritosque premit. Ovid.
Trift. l.z.

Elle fe trouve rarement dans un

homme pauvre.

Rara in tenui facundia panno. Juv. ibid.
Il faut fe défier d'une éloquence fla-

teufe.

Habet fuum venenum blanda oratio.

Un difcours fage & bien tourné a une merveilleufe force, il

gouverne

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