deux cens ans: mais ils sont si courts & si secs, qu'on n'en tire pas un grand avantage. C'est pour éviter ce défaut, qu'on a joint aux passages des Poëtes les plus belles pensées des plus célebres Philosophes, qui y ont rapport, & de tems en tems des remarques très - curieuses. Enfin il regne dans tout cet Ouvrage une diversité si agréable & fi instructive tout ensemble, qu'il feroit difficile de s'ennuyer en le lifant. Ce font ces paffages rassemblez fous differens titres fur differentes matieres, qui ont fait intituler cet Ouvrage, La Bibliotheque des Poëtes Latins & François. On auroit pû également lui donner le titre de Concordance des Poëtes. C'en est une en effet, qui ne confifte pas en de fimples mots, qui renvoyent aux pafsages que l'on cherche, c'est plutôt une Concordance de pensées, s'il est permis de s'expliquer ainsi, puisqu'on rencontre sous un même titre, tout ce que les Poëtes, chacun en particulier, ont pensé sur le même sujet, & les differens tours dont ils ont exprimé leurs pensées. Ce Recueil pent donc être utile non seulement aux personnes dont on a parlé au commencement de cette Préface, mais encore à beaucoup d'autres, qui, quoiqu'elles n'ayent qu'une médiocre teinture des Lettres, y trouveront de quoi briller à peu de frais dans une compagnie & le disputer même aux plus Sçavans. Ce Recueil, comme on le voit, épargne beaucoup de peine & de lecture: l'ayant donc entre ses mains on peut dire que l'on possede tout ce qu'il y a de meilleur dans les Poëtes, & de plus capable d'orner l'ef prit & de former le coeur : car fi nous ne sommes ce que nous fommes que par le cœur, le principat but des études d'un honnête hom me & d'un homme Chrétien, eft de travailler à le rendre bon, droit & généreux, puisqu'on n'est homme que par ces qualitez. Les vertus & les vices y font exposez d'une maniere à inspirer de P'amour pour les unes & de l'horreur pour les autres, on y fait voir la recompense des bons & la punition des méchans. Toutes fortes de perfonnes y trouveront des avis pour s'acquiter de leurs devoirs chacun dans leur état, & pour faire regner la paix en bannissant de la societé ces funestes passions de l'ambition, de l'interêt, de l'envie, de la colere & de la vengeance qui causent tant de maux parmi nous. Enfin on n'a rien oublié pour remplir exactement ce précepte d'Horace en joignant tou jours l'utile à l'agréable. Omne tulit punelum qui miscuit utite dulci. Je préviens une objection qu'on pourroit faire fur ce que j'ai dit que la lecture des Poëtes étoit capable de former le cœur. Je n'ignore pas que le bon y est mêlé avec le mauvais, & qu'on s'attache même à l'un plûtôt qu'à l'autre, mais quand on les lit dans un esprit de religion, on fçait rejetter l'un & profiter de l'autre : & de plus, il n'y a dans ce Recueil que les plus belles maximes dont leurs Ouvrages font remplis : & s'il y en a quelques-unes d'équivoques, on a eu la précaution de mettre des correctifs dansle précis qu'on ena donne en François de chaque penfée des Poëtes. Il faut avouer que ce qu'ils ont dit de la beauté de la vertu, de l'horreur du vice, de la récompense des bons & du suplice des méchans dans l'autre vie, est si beau & fi admirable, qu'on ne peut s'empêcher de croire avec le Pere Thomassin, que l'Ecriture Sainte est La fource, d'où Homere, & tous les autres Poëtes qui l'ont imité, ont puisé la plupart des veritez qu'ils ont connues & les regles de vertu qu'ils ont debitées Préface sur la maniere d'étudier & d'enseigner chrétiennement les Poëtes. Il ne faut donc pas croire que la lecture des Poëtes soit dangereuse, quand on les lit chrétiennement & dans le dessein d'en profiter. Saint Paul n'a-t-il pas cité les Poëtes Grecs, & l'auroit-il fait, & en auroit - il tiré des preuves de la veritable Religion & des enseignemens de la vertu s'il eût crû que cet exemple eût pû nous être préjudiciable, ou s'il n'eût pas crû au contraire qu'il nous feroit utile. Ce divin Apôtre étoit versé dans les Lettres faintes & profanes, il sçavoit ce que le Demon avoit fuggeré de faux & d'impie aux Idolâtres & aux Poëtes; il n'ignoroit pas les illusions & les ordures qui gâtent une partie des Poëfies anciennes. Mais il sçavoit ce que la lumiere de la Verité, & ce que la lumiere & la Loi naturelle écrite dans le cœur y ont confervé de vrai & de pur. Il ne nous a pas commandé de rejetter ce qu'il peut y avoir d'utile, de peur de nous engager dans ce qu'il y a de dangereux. Il nous a ordonné au contraire d'examiner & d'éprouver tout, & d'aprouver & de conserver ce qui eft bon. Omnia probate, quod bonum est, tenete. I. Thessal. 5. 21. Et afin que l'exemple fortifiât cette méthode, il a allegué quelques endroits des Poëtes Grecs dans ses Prédications dont il est fait mention dans les Actes des Apôtres & dans ses Epîtres, tant sur les Veritez de la Theologie que fur les Maximes de la Morale. Ce qu'il y a de remarquable est que citant les vers du Poёte Aratus, Ipfius enim & genus fumus, genus ergo cum fimus Dei, &c. Il applique au vrai Dieu, ce qu'Aratus |