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fuffrages, & par un amour fingulier pour la pureté, fe confacrant à Dieu dans la fainte Virginité fous la protection & l'affiftance de cette Reine des Vierges.

Vous fçavez que ce fut le jour de fa Conception immaculée qu'il reçut la confécration Epifcopale, & dans cette cérémonie facrée, cette onction interieure dont il eft parlé dans fa vie.

Je l'ai oui fouvent prêcher fur les grandeurs de cette divine Mere; Mais j'avoue qu'il n'appartenoit qu'à fon extrême douceur de parler de cette mere de bénédiction.

Auffi ne recommandoit-il rien tant à tous fes en

fans fpirituels que cette dévotion à la fainte Vierge. Mais, qu'eft-ce qu'être dévot à la fainte Vierge, finon l'honorer en Dieu, & honorer Dieu en elle, enforte que Dieu foit la derniere fin de ce culte & Luc.11.c.13.de cet honneur ; autrement nous transfererions à la fainte Vierge une adoration de latrie qui n'eft dûë qu'à Dieu feul. Voici comme ce Bienheureux en parle en fon Traité de l'amour de Dieu : » Qui veut plaire à Dieu & à Notre-Dame fait bien, fait » très-bien; mais qui voudroit plaire à Notre-Dame » autant ou plus qu'à Dieu, commettroit un déreglement infupportable.

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CHAPITRE XXVI.

Le Bienheureux ne pouvoit rien refuser.

A

U dernier voyage qu'il fit à Paris, où il demeura environ huit mois, il fut tellement defiré de tous côtés, que prefque tous les jours il falloit qu'il prêchât, ce qui lui caufa une maladie qui paffa affez promptement, mais qui fut fort dangereuse.

Quelques-uns de ceux qui l'aimoient & qui defiroient fa confervation, ne fe contenterent pas de l'avertir qu'il entreprenoit trop fur les forces, & que cela pourroit ruiner fa fanté : à quoi il répondit que ceux qui étoient par office la lumiere du monde, devoient comme les flambeaux se consumer en éclairant les autres.

Ils ajouterent que cela rendoit la parole de Dieu. moins précieuse en lui, le monde n'eftimant que ce qui eft rare; de plus, que chacun courant voir la Lune, nul ne fe levoit plus matin pour voir lever le Soleil, qui eft pourtant une bien plus digne lumiere.

Certes, repliqua le bon Prélat, il me faudroit donc pour cela établir un Vicaire cela établir un Vicaire pour refufer, car la parole même que j'annonce m'apprenant que nous fommes débiteurs à tous, & que nous ne devons pas feulement nous prêter, mais donner à tous ceux qui nous demandent, & que la vraie charité ne cherche ni ne confulte fes propres interêts, mais ceux de Dieu & du prochain, comment faudroit-il faire pour éconduire & renvoyer tous ceux qui me demandent outre l'incivilité, il me paroît que ce feroit un grand manquement de dilection fraternelle.

Il s'en faut bien que nous foyons encore de la claffe de ces deux grands Saints, dont l'un vouloit Exod. 32. 32. pour fes freres être effacé du Livre de Vie, & l'autre Rom. 9, 3, devenir anathême & être féparé de Jesus-Christ, ce qui revient à la même chose.

Ceci étoit fondé fur fa grande maxime, de ne rien demander & de ne rien refufer ; ce qu'il a pratiqué avec tant de ponctualité, que je puis affurer ne lui avoir rien demandé de jufte qu'il ne m'ait accordé, ou qu'il ne m'ait donné un refus plus jufte que ma demande, & plus jufte même à mon propre jugement; & fes refus étoient affaifonnés de tant de

grace, qu'ils étoient incomparablement plus agréables que les graces mêmes de plufieurs, qui accordent d'une maniere fi difgracieufe, qu'ils anéantiffent leur propre faveur. Et je n'ai point entendu dire qu'il ait ja nais refufé à perfonne aucun fervice raifonnable.

CHAPITRE XXVII.

Tentation des plus rudes, qu'éprouva notre

E

Bienheureux.

NTRE les tentations qui éprouvent notre foi, celle qui regarde la prédestination eft des plus P.126.. 27. pénibles; car c'eft un abîme où toute la fageffe humaine eft dévorée.

Dieu deftinant notre Bienheureux à la charge & conduite des ames, a permis qu'il fût rudement tenté de ce côté-là, afin qu'il apprît par fa propre experience à être infirme avec les infirmes.

Comme il achevoit fes études à Paris, n'ayant alors que 16 ans, le mauvais efprit jetta dans fon imagination, qu'il étoit du nombre des réprouvés. Cette tentation fit une telle impreffion fur fon ame, qu'il en perdoit le repos, & ne pouvoit ni boire ni manger. Il defféchoit à vue d'œil & tomboit en langueur.

Son Précepteur qui le voyoit déperir tous les jours, ne pouvant prendre goût ni plaifir à rien, ayant un teint pâle, jaune, lui demandoit fouvent le sujet de fa mélancolie; mais le démon qui l'avoit rempli de cette illufion, étoit de ceux que l'on appelle muets, à raifon du filence qu'ils font garder à ceux qu'ils affligent,

Il fe vit en même-tems privé de toute la fuavité du divin amour, mais non pas de la fidélité avec laquelle, comme avec un bouclier impénétrable, il tâchoit de repouffer, quoique fans s'en appercevoir, les traits enfâmés de l'ennemi. Les douceurs & le calme qu'il avoit goûté avec tant de contentement avant cet orage lui revenoient en la mémoire, & redoubloient fa peine. C'étoit donc en vain, se difoit-il à lui-même, que la bienheureuse efperance m'alaitoit de l'attente d'être enyvré de l'abondance des douceurs de la Maison de Dieu & noyé dans les torrens de fes voluptés. O aimables Tabernacles de la Maison de Dieu nous ne vous verrons donc jamais, & nous n'habiterons jamais ces admirables & aimables demeures du Palais du Seigneur !

Il demeura un mois entier dans ces angoiffes & amertumes de cœur, qu'il pouvoit comparer aux douleurs de la mort & aux périls de l'enfer. Il paffoit les jours dans des gémiffemens douloureux, & les nuits il arrofoit fon lit de fes larmes.

des Grès.

Enfin, étant par une infpiration divine entré dans une Eglife pour invoquer la grace de Dieu fur la mi- S. Etiennefere, & s'étant mis à genoux devant une Image de la fainte Vierge, il pria cette Mere de miféricorde d'être fon Avocate auprès de Dieu, & de lui obtenir de fa bonté que s'il étoit affez malheureux pour en être féparé éternellement, il pût au moins l'aimer de tout fon cœur pendant fa vie.

Voici la Priere qu'il récita tout baigné de larmes, & le cœur preffé d'une douleur inexprimable.

Memorare, ô piiffima Virgo Maria, non effe audi- S. Bernardę tum à feculo quemquam ad tua currentem præfidia, tua implorantem auxilia, tua petentem fuffragia, esse derelictum. Ego, tali animatus confidentia, ad te Virgo Virginum mater, curro ; ad te venio, coram te gemens›

peccator affifto. Noli, Mater Verbi, verba mea despicere, fed audi propitia, & exaudi. Amen.

Souvenez-vous, ô très-pieufe Vierge Marie, qu'on n'a jamais oui-dire, qu'aucun ait été délaiffé, de tous ceux qui ont eu recours à votre protection, imploré votre fecours, & demandé vos fuffrages. Animé de cette confiance, ô Vierge Mere des Vierges, je cours & viens à vous ; & gémisfant fous le poids de mes péchés, je me profterne à vos pieds. O mere du Verbe, ne méprisez pas mes prieres, mais écoutez-les favorablement, & faites que Dieu m'exauce, & me pardonne mes fautes par votre interceffion. Ainfi foit-il.

Il ne l'eut pas plûtôt achevée, qu'il reffentit l'effet du fecours de la Mere de Dieu & le pouvoir de fon affiftance envers Dieu; car en un inftant ce dragon qui l'avoit rempli de fes funeftes illufions, le quitta, & il demeura rempli d'une telle joie & confolation, que la lumiere furabonda où les ténebres avoient abondées.

Ce combat & cette victoire, cette captivité & cette délivrance, cette mélancolie & cette joie, cet orage & ce calme le rendirent depuis fi adroit & fi avifé au maniement des armes fpirituelles, qu'il étoit comme un arfenal pour les autres, fourniffant de deffenfes & d'induftries à tous ceux qui lui manifeftoient leurs tentations; étant pour eux comme Cant. 4. 7. cette Tour de David, à laquelle étoient fufpendus mille boucliers & toute forte d'armures. Sur-tout il

confeilloit aux grandes tentations d'avoir recours à la puiffante interceffion de la Mere de Dieu, laCant. 6. 3. quelle eft terrible comme une armée rangée en bataille.

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