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*Ideo debe mus amando corripere, non « nocendi aviditate,

fed ftudio corri

amore tui id facis nibil

,

Il me répondit avec cette folidité de jugement qui fervoit de guide à toutes fes actions, & de flambeau à toutes fes paroles: * La verité procede de « la charité, lorfqu'on ne dit cette verité que pour l'amour de Dieu, & pour le bien de celui qui eft repris: " réponse notable, & qui touche le vrai but, & la derniere fin de toutes nos actions; parce gendi.... Si que la charité entre toutes les marques qui la diftinguent des autres vertus, a cela de ne point chercher fes interêts. propres Toutes les autres vertus fe terminent à leurs pro- S. Aug. ferm. pres fujets, & n'ont pour fin que le bien de la créa- de verbis Doture: la feule charité, ainfi que l'Apôtre nous l'ap-mini c. 3. prend, ne recherche que le bien de l'objet fouverainement aimé, (qui eft Dieu, ) & de ce qui a raport à lui en derniere fin.

propre * de facis. Si amo

C'eft pourquoi, fi celui qui reprend un autre, a quelqu'autre fin que l'honneur de Dieu, & le bonheur éternel de celui qui eft repris, en tant que par la correction de fa faute, la gloire de Dieu est avancée; fans doute que cette verité ne fortira point de l'efprit de charité, mais de quelqu'autre source.

Il vaut mieux taire une verité que de la dire de mauvaise grace; autrement c'eft préfenter une bonne viande, mais mal-aprêtée, & donner une médecine à contre-tems. Ne fera-ce donc point la retenir prifonniere en injustice? Non certes, mais ce feroit la produire avec injuftice; parce que la vraie juftice de la verité, & la verité de la juftice, eft en la charité. Le filence judicieux est toujours meilleur qu'une verité non charitable.

re illius facis, optimè facis.

82. alias 16.

13.5.

1. Cor.

CHAPITRE III.

Autre marque de la verité, procédant de la
Charité.

DEMANDANT à notre Bienheureux une autre

marque pour reconnoître quand la correction feroit animée de charité, comme il avoit le cœur tout confit dans la manfuétude, il me répliqua, felon l'efprit du grand Apôtre, quand elle eft faite Galat. 6. 1. en efprit de douceur. La douceur, à dire le vrai, est la grande amie de la charité, & fa compagne inféparable. C'est ce que S. Paul veut dire, quand il 1. Cor. 13. 4. l'appelle bénigne, & qui fouffre & endure tout.

11. 12.

Pfal. 24. 9. Dieu qui eft charité, conduit les doux en fes jugemens, & enfeigne fes voies aux débonnaires. 3. Reg. 19. Son efprit n'eft ni dans le tourbillon, ni dans l'orage, ni dans la tempête, ni dans le bruit de plufieurs eaux, ni dans un petit vent gracieux, dans Pfal. 89. 10. un zéphir agréable. La douceur eft-elle furvenue, dit le Prophete, nous voilà corrigés.

Luc. 10. 34.

Il confeilloit d'imiter le bon Samaritain, qui verfa l'huile & le vin dans les playes du pauvre bleffé. Son mot ordinaire étoit, qu'aux bonnes falades, il falloit plus d'huile que de vinaigre, ni de fel.

Voici un autre de fes mots fort mémorable fur ce fujet, & qu'il m'a dit plufieurs fois : Soyez toujours le plus doux que vous pourrez, & vous fouvenez que l'on attire plus de mouches avec une cuillerée de miel, qu'avec cent barils de vinaigre; s'il faut pécher en quelque extrêmité, que ce foit en celle de la douceur. Jamais trop de fucre ne gâta de

fance.

L'efprit humain eft ainfi fait : il fe cabre contre la rigueur; par la fuavité il fe rend pliable à tout. La parole douce amortit la colere comme l'eau Eccli. 6. fa éteint le feu. Par la bénignité, il n'y a terre fi ingrate qui ne porte du fruit. Dire des verités avec douceur, c'eft jetter des charbons ardens au visage, ou plûtôt des roses. Le moyen de se fâcher contre celui qui ne combat contre nous qu'avec des perles & des diamans ?

Il n'y a rien de fi amer que la noix verte: confite, il n'y a rien de plus doux, ni deplus ftomacal. La répréhension eft âpre de fa nature: confite dans la douceur, & cuite au feu de la charité, elle est toute cordiale, toute aimable, & toute délicieuse.

Mais, lui repliquai-je, la verité est toujours verité de quelque façon qu'on la dife, & de quelque façon qu'on la prenne : je m'armois du trait de S. Paul à Timothée : Prêchez la parole, preffez à 2. Tim. 42tems, à contre-tems, reprenez, conjurez en toute patience & doctrine.

Il me repartit, le nerf de cette leçon Apoftolique. confifte en ces deux mots, en toute patience & doctrine. La doctrine fignifie la verité, & cette verité doit être dite avec patience : c'est-à-dire, qu'il en faut fupporter le rebut, & ne s'imaginer pas qu'elle doive être reçue toujours avec applaudiffement; parce que fi le Fils de Dieu eft en butte à la contradiction, fa doctrine, qui eft celle de la verité, doit être marquée au même fceau.

Tout homme qui veut enfeigner aux autres les voies de la juftice, doit fe réfoudre à fouffrir leurs inégalités & injuftices, & à recevoir leur ingratitude pour fon falaire.

CHAPITRE IV.

De la Charité & Chafteté.

U commencement de mon Epifcopat je mę

A plaignois à notre Bienheureux de deux vertus

qui fe combattoient dans mon cœur.

Il me demanda avec cette grace qui lui étoit si naturelle, quelles elles étoient ? Je lui dis que c'étoit la charité & la chafteté. Celle-là comme forte & robuste ne redoute rien, & porte avec courage à de grandes entreprifes pour la loüange de la gloire Rom. 8, 35 de Dieu. C'eft elle qui peut tout avec Dieu, de qui elle eft inféparable, & qui brave la mort, la faim, la foif, la nudité, la perfécution, le glaive; le paffé, le préfent, l'avenir: les Anges, les homCant, 8, 6. mes, les prifons, les fupplices; en un mot, toutes les créatures: parce qu'elle eft plus forte que la mort, & plus âpre au combat que l'enfer.

3. Cor. 13.4.

C'eft elle qui eft patiente, douce; qui croit, ef pere, endure tout, fans chercher fon propre interêt, & qui ne fe foucie pas de déplaire aux hommes, pourvû qu'elle plaife à fon bien-aimé, & lui offre des hofties vivantes, faintes & agréables à fes yeux divins; entreprenante, forte, courageuse, déterminée, hardie.

L'autre au contraire, eft une vertu tendre & délicate, ombrageufe, timide, tremblante, qui a peur de tout, qui tranfit au moindre bruit, qui appréhende toutes les rencontres, & qui s'effraye de tout.

Le moindre regard l'épouvante; fût-ce un Job Job, 11. 1. même, qui avoit fait un pacte fi étroit avec fes

yeux: une legere parole l'inquiete:les bonnes odeurs lui font fufpectes; les meilleures viandes lui femblent des pieges; les ris lui font des diffolutions; les compagnies des embûches; la lecture des Livres divertiffans, un écueil : Enfin elle marche toujours comme la renommée, toute couverte d'yeux & d'oreilles, & comme celui qui porte beaucoup d'or & de diamans au travers d'une forêt renommée pour les brigandages, qui fe cache au moindre bruit penfant toujours avoir les voleurs à ses trousses.

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La charité preffe de fecourir le prochain fain & malade, pauvre & riche, jeune & vieux, fans avoir égard ni à l'âge, ni au fexe, ni à la condition; ne regardant que Dieu en toutes chofes, & toutes chofes en Dieu. La chafteté au contraire fçait qu'elle porte un tréfor ineftimable dans un vase de terre, & que ce tréfor peut périr par différentes tentations. Que faire à cette perplexité, & comment accorder ces deux vertus!

Voici la réponse de notre oracle, réponse toute celefte, & toute angélique : Il faut, me dit-il, diftinguer foigneufement les perfonnes établies en dignité, & qui ont charge des autres, de celles qui font dans une vie privée, & qui n'ont foin que d'elles-mêmes. Celles-là doivent donner leur chafteté en garde à leur charité, & fi leur charité eft véritable, elle leur en rendra bon compte ; elle fervira à celle-ci de muraille & d'avant-mur: mais les perfonnes particulieres fetont mieux de donner leur charité en garde à leur chasteté, & de marcher fort réfervées & refferrées.

La raison de cela eft, que les Superieurs font obligés par leur charge de s'expofer aux dangers inféparables des occafions; à quoi ils font affiftés par la Grace; d'autant qu'ils ne tentent point Dieu

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