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Quant aux fpirituelles, n'eft-ce pas une œuvre dont on peut comparer le mérite avec celui de donner confeil aux fimples, de corriger ceux qui manquent, d'enfeigner les ignorans, de pardonner les offenfes, de fupporter les injures ? Et quelle fi grande confolation peut-on donner aux affligés de ce monde, qui puiffe être comparée à celle qu'apportent nos prieres à ces pauvres ames qui font dans une fi preffante fouffrance.

S

CHAPITRE XIII.

De l'Ecriture - Sainte.

AINT Charles Borromée ne lifoit la fainte Ecriture qu'à genoux, comme s'il eût écouté Dieu parlant fur le Mont Sinaï au milieu des feux & des tonnerres;& notre Bienheureux ne vouloit pas qu'on la traitât, foit en parlant en public, foit en écrivant, foit en la lifant en particulier, qu'avec une extrême réverence.

Il ne vouloit pas qu'un Prédicateur se jettât d'abord dans le fens myftique, fans avoir auparavant expliqué le fens littéral : autrement, difoit-il, c'est bâtir le toît d'une maifon devant le fondement. L'Ecriture-Sainte doit être traitée avec plus de folidité & de réverence. Ce n'eft pas une étoffe qu'on puiffe tailler à fon gré pour s'en faire des paremens à fa

mode.

Quand on avoit expliqué le vrai fens de la lettre, alors il permettoit d'en tirer des morales & d'en faire des applications, encore vouloit-il que ce fût avec beaucoup de jugement, fans tirer les figures par les cheveux; autrement il les appelloit des figures défi

gurées, & des morales femblables au carillon des cloches, à qui l'on fait dire tout ce que l'on veut. Voici fur ce fujet un exemple de fa ponctualité. Prêchant un jour devant lui, il m'arriva d'appliquer à la contagion des mauvaises compagnies ce mot du Prophête: Vous ferez bons avec les bons, & mauvais Pfal. 17. avec les mauvais ; ce qui fe dit affez communément.

Je m'apperçus fur le champ qu'il n'étoit pas content, & enfuite étant feul avec lui, il me demanda pourquoi j'avois donné une telle détorfe à ce paffage, fçachant bien que ce n'étoit pas-là le fens littéral. Je lui dis que c'étoit par allufion. Je l'entens bien ainfi, reprit-il, mais du moins deviez-vous dire que ce n'étoit pas-là le fens littéral, puifque felon la lettre il s'entend de Dieu, qui eft bon, c'est-à-dire, miféricor dieux envers ceux qui font bons; & mauvais, c'est-à-dire, fevere envers ceux qui font mauvais, puniffant les uns, & faifant miféricorde aux

autres.

Jugez de-là combien il étoit exact quand il traitoit la Divine parole, puifqu'il l'étoit fi fort envers les autres, lui qui étoit incomparablement plus indulgent aux autres qu'à lui-même.

L&

CHAPITRE XIV.

Du Zele.

E zele lui étoit une vertu fufpecte, parce que, une difoit-il, il en étoit comme des bezoards; de cent il n'y en a pas un de bon, ni qui chaffe le venin. Les bons ménagers difent que la nourriture des Paons dans une maifon de campagne eft plus dommageable que profitable; parce qu'encore qu'ils

mangent les araignées, les chenilles, les fouris, & autres vermines; d'autre part ils découvrent les toits, ils effraient les pigeons par leurs cris, & ils battent les autres volailles.

Le zele pour l'ordinaire eft impétueux, & bien que par les corrections qu'il fait il tâche d'exterminer le vice, il a d'ailleurs d'affez fâcheux effets, s'il n'eft conduit avec beaucoup de modération & de prudence,

Il y a un zele âpre & farouche qui ne pardonne rien, qui aggrandit les moindres fautes, & fait comme le mauvais Médecin, qui rend les maladies plus fâcheufes.

Il y en a un autre fi lâche & fi mol, qu'il pardonne tout, penfant être en cela une mesure de charité qui fouffre tout, qui endure tout, mais jamais le tort fait à Dieu, ce qui offenfe fon honneur & fa gloire, en quoi il se trompe.

Le vrai zele accompagné de jugement & de fcience, fuit ce précepte Inter utrumque vola, medio tutiffimus ibis. Il pardonne certaines chofes, ou au moins les diffimule, pour les corriger à propos & utilement en tems & lieu, & en reprend d'autres fans attendre, où il voit qu'il y a efperance d'amendement, ne laiffant rien en arriere de ce qu'il penfe pouvoir fervir à la confervation ou augmentation de la gloire de Dieu.

Le zele doux & gracieux eft incomparablement plus efficace que celui qui eft âpre & turbulent ; & c'eft pour cela qu'Ifaïe voulant montrer la force du Meffie à réduire tout l'Univers fous le joug fuave de fon obéïffance, ne l'appelle pas le lion de la tribu de 4, 16. 1. Juda, mais l'Agneau dominateur de la terre. La Pfal. 29. 10, douceur eft-elle furveaue, dit le Prophete, nous voilà corrigés.

CHAPITRE X V.

Des Prédications fertiles en fleurs, ftériles en fruits.

J

E fus invité en l'année 1610. à prêcher le Carême devant le Sénat de Savoye, dans la Capitale de la Province, qui eft Chambery. A peine y avoit-il fix mois que j'avois reçû la confécration Epifcopale par l'impofition des mains de notre Bienheureux. J'étois alors dans une extrême verdeur d'âge, & ayant la mémoire toute fraîche de ce que je venois d'apprendre aux Ecoles, & principalement des belles-lettres, que j'ai toujours fort affectionnées; de forte que ne pouvant débiter que ce que je fçavois, je ne proferois des tréfors de mon cœur que ce qui étoit dans le coffre de ma mémoire, entassant beaucoup de chofes anciennes & nouvelles que j'avois dans mes réservoirs, & dont on peut voir des effais dans ces Diverfités, qui font les premiers, dirai-je, efforts ou efforts de mon efprit.

On rapporta au Bienheureux, qui étoit en la ville de fa réfidence à Anneffy, éloignée de-là de fept lieuës, que mes difcours n'étoient que de fleurs & de parfums, qui attiroient tous les Auditeurs, comme les abeilles qui volent au fucre & au miel. Lui qui en jugeoit tout d'un autre air, & qui étoit habile en cet art, m'eût fouhaité plus de lettres divines & moins d'humaines, plus d'efficace de l'efprit de piétéque d'expreffions fpirituelles, perfuafives de la fageffe humaine.

Surquoi il m'écrivit une belle lettre, par laquelle il m'avertiffoit, que l'odeur de nos aromates s'exha

loit jufqu'à lui, & qu'il reffembloit à Alexandre, qui cinglant vers les Illes fortunées, en preffentit le voifinage par les bonnes odeurs que le vent, gliffant fur le poli de la mer, apportoit jufqu'à fes vaiffeaux, Mais après avoir caché la pointe du filet dans ce cotton huilé & mufqué, il enfonça la lancette en me difant, qu'après tant de meffagers qui lui rapportoient tous les jours que notre lit étoit tout fleuriffant, & notre ameublement tout de cyprès & de cedre; que nos vignes fleuries répandoient leur fuavité par-tout, que ce n'étoit que fleurs qui paroiffoient en notre parterre, que notre Printems rioit de tous côtés ; il en attendoit d'autres qui vinffent lui donner des nouvelles de l'Eté & de l'Automne, de la moiffon & de la vendange. J'écoute, dit-il, an flores fructus parturiant. Qu'après tout, il me donnoit avis d'émonder ma vigne des pampres fuperflus des belles-lettres, tempus putationis advenit, de la tailler, & de retrancher tant d'ornemens étrangers; & que quoiqu'il fût louable d'appliquer les vafes des Egyptiens au fervice du Tabernacle, il falloit néanmoins que ce fut fobrement : que Rachel étoit à la verité plus agréable, mais moins fertile que Lia que l'interprétation de l'Evangile devoit être conforme à fon ftyle & à fa fimplicité : qu'il ne falloit ni blanc ni vermillon fur les joues d'une chofe telle qu'étoit la Théologie ; & qu'il falloit bien plus fe garder d'alterer la parole de Dieu, que la monnoie publique ; & quantité d'autres femblables enfeignemens, qui me rendirent depuis beauJeau. 6. 17. coup plus réfervé & plus fobre de ces viandes plus creufes que folides, & plus attentif à travailler pour cette viande qui ne périt point, que l'Ecriture nous recommande fi fort

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