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En 1609.

Roi Henri IV. lui avoit ordonné de l'inviter à venir à Gex, pour l'aider à rétablir les Curés que les Pro> teftans avoient chaffés de leur Paroiffe. Il n'en fal

loit pas tant pour faire partir le zélé Pafteur à l'heure même. Mais le Rhône étant débordé, François étoit forcé, ou d'attendre que les eaux du débordement fe fuffent écoulées, ou de s'exposer à tout en tentant de paffer fur le pont de Geneve ; ce qu'il ne pouvoir faire fans traverfer la Ville d'un bout à l'autre.

Comme il s'agiffoit de rendre à plufieurs portions Grand dan- de fon troupeau les Pafteurs dont l'éloignement ger où il étoit capable de les perdre en peu de jours, il n'héexpofe en fita pas à prendre le dernier parti. Sa charité qui furpaflant au travers de montoit les obftacles les plus invincibles, n'enviGenêve. fageoit pas les périls les plus évidens. Ses gens furent épouvantés de celui où il s'expofuit: lui feul, appuyé sur sa confiance en Dieu dont il avoit imploré les lumieres & la protection, alla fans s'étonner fe préfenter à la porte de Geneve. L'Officier qui étoit en faction à cette porte, lui demanda qui il étoit : 11 répondit avec une tranquillité & une fécurité étonnante en pareille conjoncture, qu'il étoit l'Evêque du Diocèfe. Cet Officier fans faire attention à la qualité que François avoit prife, & d'ailleurs ne pouvant avoir dans l'efprit que l'Evêque de Geneve vint lui-même fe livrer à ceux qui gouvernoient dans la Ville, le laiffa paffer avec toute fa fuite. Le Prélat marcha jufqu'à l'autre porte par laquelle il avoit à fortir; mais il la trouva fermée, parce qu'à l'heure même qu'il entroit on alloit faire le préche,. & que pendant tout le tems que duroit le prêche les portes de la Ville n'étoient jamais ouvertes. Il fut donc contraint d'y refter deux heures, fans fouffrir le moindre mouvement de crainte. Il n'en fut pas de même de fes gens, qui à leur arrivée à Gex n'é

toient pas encore revenus de la frayeur qu'ils avoient cue à Geneve. La porte fut enfin ouverte, & le généreux Prélat fortit de la Ville auffi aifément qu'il y étoit entré.

Le Baron de Lux ayant fçû quel chemin François avoit pris pour venir à Gex, ne pouvoit ni fe laffer d'admirer fon courage, ni s'empêcher de l'accufer de témerité l'Evêque lui répondit implement qu'avec un peu un peu de confiance en Dieu on pouvoit faire de bien plus grandes choses.

Le miracle que le Seigneur venoit de faire à Geneve en faveur de François, fut comme un garant des merveilles qu'il devoit opérer par fon miniftere dans le pays de Gex. Les Curés furent remis en pof- Il rétablit feffion de leur Eglife, plufieurs Miniftres furent convaincus d'erreur, & un grand nombre d'autres per- Bailliage de fonnes furent converties.

les Curés

dans le

Gex.

L'action que venoit de faire François étoit grande, & digne d'un bon Pasteur, qui, lorsqu'il est à propos, doit expofer fa vie pour les ouailles. Mais, On donne qu'y a-t-il de fi faint que l'envie ne fçache empoi- au Duc de fonner? On voulut faire entendre au Duc de Sa- Savoye des voye, que l'Evêque de Geneve ne s'étoit fi témérai témérai-foupçons rement exposé dans cette Ville, que pour faire va- vêque de loir auprès du Roi Henri IV. fon ardeur & fon em- Genêve. preffement à traiter par la médiation du Baron de Lux, des droits de Souveraineté que les Evêques de Geneve avoient fur cette Ville.

contre l'E

De tels difcours, quoique fans fondement, auroient pû avoir quelque vraisemblance contre tout autre dont la fidélité n'auroit pas été auffi averée que l'étoit celle de François de Sales: ils firent néanmoins quelqu'impreffion fur l'efprit du Duc. L'Evêque l'apprit à fon arrivée à Annelly; & on lui figni- Ce qu'il dit fia un Arrêt du Sénat de Chambery, par lequel fon à ce lujet.

Son temporel eft falfi.

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temporel étoit faifi. Il dit fans s'émouvoir à l'Offcier qui lui faifoit la fignification, qu'il rendoit grace à Dieu, de ce qu'en permettant qu'il fût dépouillé de fon temporel, il lui faifoit fentir qu'un Evêque doit être tout fpirituel.

Mais comme le plus léger foupçon fur la fidélité

d'un Evêque eft toujours d'un grand scandale, FranIlfejuftific. çois partit auffi-tôt pour aller lever celui qu'on avoit Eftime du donné de fa conduite. Il n'eut pas de peine à y réüfDuc de Sa-fir. Le Prince plein d'admiration pour la candeur voye pour le courage, la fidélité d'un fi illuftre Sujet, n'en eut que plus d'eftime pour lui, & d'indignation contre la méchanceté de fes ennemis.

le Saint.

En 1610.

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Le jour des Cendres de la même année, la mere Mort de la de François tomba en apoplexie. Le faint Evêque mere de S. avoit eu la confolation d'entendre fa confeffion géFrançois de nérale dans les jours du carnaval, car il étoit fon

Sales.

de Chantal

Confeffeur ordinaire. Néanmoins comme la nature ne peut perdre fes droits, il fut frappé jufqu'au fond du cœur. Il courut à la malade, & il eut la nouvelle confolation de lui entendre dire qu'elle mouroit contente entre fes bras, & de ne la voir expirer qu'après qu'elle l'eut comblé de bénédictions.

Ce fut principalement la pieufe Baronne de Chantal, à qui, dans une Lettre très-édifiante, il fit part de fa douleur & de fa foumiffion aux ordres de Dieu. Il fait part Comme cette Dame avoit un grand fond de vertu, à Madame de zéle & de génie, le faint Evêque crut avoir trouvé du deffein en elle ce qu'il falloit pour l'exécution du dessein qu'il avoit qu'il avoit formé d'inftituer une nouvelle Congrégatouchant tion de perfonnes du fexe. Son unique vûë étoit de l'établiffe- procurer quelqu'avantage à l'Eglife, en ménageant l'Ordre de une retraite à celles qui, à caufe de leur âge trop Ja Vifita- avancé, de leurs infirmités corporelles, de leur qualité de veuve, de leur dénûment des biens de la

ment de

tion.

fortune ne pouvoient la trouver dans les autres Monafteres. C'eft pour cela qu'il ne voulut pas charger les perfonnes qui s'engageroient dans cet Inftitut, d'aufterités extraordinaires; perfuadé d'ailleurs que la mortification de la volonté eft la plus pénible, la plus néceffaire, la plus agréable à Dieu; & qu'affez fouvent les plus rigoureux exercices en détruifant le corps, n'affujettiffent pas plus l'efprit.

touchant

Il avoit d'abord voulu que les perfonnes qui fe- Son preroient admises dans cette Congrégation ne fiffent mier projet que des vœux fimples, & que l'année du noviciat les contef étant paffée, elles fuffent obligées d'aller vifiter & tations de consoler les malades : mais il le rendit aux raisons cet Ordre. que l'Archevêque de Lyon, Denis-Simon de Marquemont, lui expofa contre cette pratique.

l'Ordre de

Il fit donc part de fon projet à la Baronne de Chantal; & cette Dame embraffa avec une joie extrême l'occafion de coopérer à une fi grande œuvre, fous la conduite d'un homme auffi éclairé que l'étoit l'Evêque de Geneve. L'établiffement de la Congréga- Etablissetion fut fait à Anneffy, fous le titre de la Vifitation ment de de la fainte Vierge, le jour de la fête de la Sainte- la VifitaTrinité, en l'année 1610 ; & le Seigneur a verfé de tion. fi abondantes bénédictions fur cet Ordre, qu'en l'année 1665. qui fut celle de la canonifation du faint Fondateur, il y avoit cent trente maifons de cer Institut en différentes parties de l'Europe.

Le nouveau furcroît de foins que demandoit du faint Evêque la naiffance de cet Etabliffement, joint aux travaux qu'il foutenoit fans relâche pour le bien de fes peuples, le réduifoit quelquefois à l'épuisement: mais fa douceur n'en fut jamais un moment alterée, ni fon zéle tant foit peu ralenti. Il alloit au Confeffionnal à quelqu'heure qu'on l'y demandât: tigable à fes il montoit en Chaire chaque jour où il devoit avoir devoirs.

Son appli

cation infa

Sermon, & lorfque les occafions imprévûës le demandoient: Il vifitoit les malades dès qu'il fçavoir qu'il y en avoit dans le befoin ou dans le defir de recevoir de lui cette confolation ; & l'on trouva toujours le même Evêque dans le nouvel Inftituteur d'un Ordre Religieux.

Quelqu'occupation que lui donnât dans fon Diocèfe ce double titre, il ne lui fut pas poffible de fe refufer aux vœux du Parlement de Grenoble, qui, l'ayant déja entendu prêcher dans le cours d'un En 1617. Carême, le pria de venir encore une fois en cette Ville annoncer la parole de Dieu, & obtint du Il va pré- Duc de Savoye la permiffion dont l'Evêque avoit cher à Gre- befoin. Cette invitation du Parlement de Grenonoble.

ble ne fut pas faite fans une difpofition particuliere de la Providence, qui ménageoit à l'Eglise un des plus grands avantages que François pût lui procurer. Il y avoit en Dauphiné nombre de Miniftres Proteftans qui étoient habiles: le Duc de Lefdiguieres, Gouverneur de la Province, & depuis Connétable de France, étoit à Grenoble ; & ce Seigneur qui étoit regardé comme le chef & le bras du parti Calvinifte, étoit une conquête à faire trop importante, pour n'avoir pas piqué le zéle de l'infatigable Prélat.

L'arrivée de François à Grenoble réveilla la haine des Héretiques: la calomnie & les infultes furent employées contre lui ; mais rien ne fut capable de le Grand fuc- rebuter, pas même de le dégoûter. Il prêcha avec sès de fes la force & l'onction qu'on avoit coutume d'admirer Sermons. en lui, & un fameux Miniftre après l'avoir entenfl confere du, se réunit à l'Eglife. Le Duc de Lefdiguieres avec le Duc ayant affifté à quelques-uns de fes Sermons, fut Je Lefdi- fi touché, qu'il lui demanda des conférences parleres. ticulieres. Le Prélat les lui accorda avec joie, & le

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