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récemment (1) condamner dans TiteLive, comme un vice; tandis qu'à cet égard, toute l'Antiquité a gardé le plus profond filence: car car on doit compter

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(1) Voyez la Critique peu honnête qu'un Anonyme a faite de l'ouvrage de M. l'Abbé de Mably, sur la manière d'écrire l'Hiftoire, fous le titre de Supplément à la manière d'écrire l'Hiftoire. Cette Critique, pleine de mauvais goût, & du plus mauvais ton, prouve que l'Anonyme connoît peu les Anciens; ou s'il les connoît, qu'il ne les a pas affez étudiés, pour former fon goût & fon jugement. Comment un homme d'efprit, un homme inftruit, & qui a autant d'ufage du monde, que l'Anonyme en a montré dans plufieurs de fes ouvrages, s'eft-il laiffé emporter à l'efprit de fecte & de parti, comme il l'avoue lui-même, au point d'oublier tous les égards perfonnels ? Comment traiteroit-il un Critique, qui lui diroit groffièrement, que fa prose, ses vers, fes drames font déteftables, & qui ne mettroit pas à cette dure vérité, le plus léger adouciffement & la plus légère politeffe? Un autre Anonyme, dans une lettre adreffée au Rédacteur du Mercure, & inférée dans le N° 31, page 210 de ce Journal du 24 Juillet 1784, lui a donné un exemple de modération & d'honnêteté, en relevant les erreurs du Supplément à la manière d'écrire l'Hiftoire, avee

pour rien le fentiment ifolé de Trogue Pompée, qui, en qualité d'Hiftorien luimême a pu, par jalousie, blâmer Tite-. Live fur fes harangues, afin de diminuer le prix de fon histoire, universellement eftimée. Nous ignorerions même la Critique que Trogue Pompée en a faite, fi Justin, fon abréviateur, n'avoit pas pris le foin de nous l'apprendre (1).

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Les prodiges fans nombre, plus abfurdes les uns que les autres, dont Tite-Live a chargé fon hiftoire, font l'objet d'une accufation bien plus grave contre lui; & quoiqu'il ait fait entendre affez clairement

toute la fageffe, tout le favoir, toute la force de la raison, qu'une bonne Critique exige, fans bleffer le moins du monde l'Auteur de ce Supplément; mais de façon pourtant à lui donner des regrets de l'avoir mis au jour.

(1) Quam orationem dignam duxi, cujus exem-. plum brevitati hujus operis infererem, quam obliquam Pompeius Trogus expofuit, quoniam in Livio, & in Salluftio reprehendit, quod conciones directas,, pro fua oratione operi fuo inferendo, hiftoriæ modum excefferint. JUSTIN. Lib. XXXVIII, Cap. III.

qu'il y croyoit peu, on ne les lui a pas néanmoins pardonnés, parce qu'il favorifoit par-là, & entretenoit la fuperftition. Qu'on ne s'imagine pas que ce reproche lui ait été fait par aucun de fes contemporains, qui, enveloppés comme lui des ténèbres du Paganifme, ne pouvoient pas le contredire ; mais par des Critiques modernes, qui plus éclairés, auroient dû plaindre l'aveuglement de l'Historien, plutôt que de le critiquer. Nous n'entendons point parler ici de S. Grégoire-le-Grand, qu'un zèle vraiment apoftolique enflammoit contre tout ce qui fentoit le Paganisme, & qui, par cette raison seule (1),

(1) DOM CLÉMENT penfe que c'eft mal à propos qu'on accufe S. Grégoire, qui ne faifoit pas grand cas des Sciences profanes, d'avoir fait brûler la Bibliothèque Palatine, qu'Augufte avoit formée à Rome. Cette accufation n'eft fondée que fur un paffage corrompu du Polycratique de Jean de Salisbery, où il eft vifible, en fuivant la vraie leçon, qu'il ne s'agit que des Livres d'Aftrologie judiciaire, nommés dans le Digeste, Libri improbata lectionis.

'défendoit, à ce qu'on dit, la lecture de Tite-Live, & ne fouffroit pas qu'il entrât dans aucune Bibliothèque chrétienne nous parlons feulement des Critiques, qui n'ont pas allégué les mêmes raisons que S. Grégoire; & nous demandons fi Tite-Live, comme Hiftorien, devoit, ou non, rejeter tous ces prodiges de fon histoire? Or qui oferoit foutenir qu'il ignorât la manière d'écrire l'Histoire, les bienféances qu'elle exige, les devoirs qu'elle impose à l'Écrivain? Il n'a donc parlé de ces prodiges, que parce qu'il n'a pas cru pouvoir s'en dispenser. Dira-t-on que ce font fes opinions, fon fentiment, fes préjugés particuliers qu'il falloit qu'il adoptât, de préférence à l'opinion, au fentiment, aux préjugés autorisés, reçus & confacrés par les loix du pays, comme formant autant de liens qui attachent le peuple à l'État, au Souverain & au Gou

Voyez l'Art de vérifier les dates, Tom. I, à l'article · de la CHRONOLOGIE hiftorique des Papes, pag. 247Troifième Édition in-fol. chez Jombert. 1783.

actions dont il entretient fon lecteur; & cela, avec tant de franchise & de modeftie, qu'on croit que ce n'eft pas de lui qu'il nous parle. C'est ainsi que Xénophon a écrit l'Hiftoire, & que Céfar est devenu fon égal.

Les qualités admirables que nous venons de relever dans Céfar, comme Écrivain, ne font pas feulement un préfent de la Nature, elles font auffi le fruit de l'étude & de la réflexion. Elles dépendent autant de la justesse de l'esprit, de la netteté des idées, de la facilité de la conception, de la folidité du jugement & de la sûreté du goût, que de la parfaite connoiffance des hommes, d'un long ufage du monde, & de la grande habitude de penfer & d'écrire. Sallufte, l'un des plus excellens Historiens Latins, poffédoit toutes ces qualités; mais fa manière d'écrire eft bien différente de celle de Céfar. On voit que Thucydide a été fon modèle. Il a employé, comme lui, dans fon hiftoire, les harangues directes, qu'il a fçu rendre intéreffantes, par la

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