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nobleffe & la beauté de fon éloquence animée & rapide: fa touche est ferme, & fon pinceau fidèle: ses réflexions naissent toujours du fujet: fes pensées font vraies, ses raisonnemens folides & profonds: il affecte quelquefois de vieilles expressions, & en hazarde de nouvelles: mais son style trop ferré, trop concis, le rend fouvent obfcur. Auffi Quintilien (1) conseille-t-il à la jeunesse de ne point imiter Sallufte, quoique cette manière d'écrire soit une perfection dans cet Historien; mais tout Écrivain n'a pas droit d'y prétendre. Il ne faut pas s'y tromper, la précision consiste moins dans les mots, que dans l'art de ne dire que ce qui eft néceffaire, fans qu'on puisse y retrancher ni ajouter. Il est même dangereux de rechercher trop ce laco

(1) Non minus autem cavenda erit, quæ nimium corripientes omnia fequitur obfcuritas..... Quare vitanda etiam illa Salluftiana (quanquam in ipfo. virtutis locum obtinet) brevitas & abruptum fermonis genus. QUINTIL, Inft. Orat. Lib. IV, Cap. II,

vernement? Tite-Live faifoit peu de cas, fans doute, de tous ces prodiges, dont il étoit aifé de démontrer l'abfurdité: mais pourroit-on auffi facilement prouver qu'il fit, comme Prêtre, auffi peu de cas de fa Religion? Admettons pour un moment que cela foit: mais ne favoit-il pas que les Grands, les Hommes puiffans, les Gens riches, les Savans, les Philofophes ne font qu'un petit nombre d'individus, dont la façon de penfer peut, à quelques égards, être affez indifférente à la chose publique; tandis qu'il eft de l'intérêt général, de laiffer des millions d'hommes qui compofent ce corps immenfe, que nous nommons Peuple, dans la fimplicité d'efprit où ils font ñés, pour les contenir dans l'ordre néceffaire & dans l'obéiffance légitime, parce que la multitude eft incapable d'avoir une autre morale? S'il eut penfé qu'il avoit droit de combattre ouvertement la Religion de l'Empire, qui l'en empêchoit? Le refpect dû au culte public. Il étoit trop éclairé, pour ne pas

fentir le danger d'introduire des opinions nouvelles, capables de divifer les efprits, de jeter du trouble dans l'État, & d'ébranler les fondemens fur lefquels repofent la sûreté, la tranquillité, l'exiftence & la durée des Empires. Il étoit trop inftruit, pour ne pas regarder, comme coupable du crime de lèze-majefté divine & humaine, tout Historien, tout Écrivain, qui, fous prétexte d'éclairer la prétendue imbécillité du peuple, l'invite à briser les nœuds facrés qui l'uniffent au Corps Politique, & à fe fouftraire à toute autorité divine & humaine, qui gêne fa façon de penfer & d'agir, quand elle est contraire à son bien individuel & au bien général. Rien donc de repréhensible dans la conduite de TiteLive, en qualité d'Hiftorien, quand il n'auroit même envifagé, fa religion que du côté de la politique. Toute fausse qu'étoit cette Religion, elle n'en étoit pas moins un frein falutaire. Mais s'il eût eu le bonheur de naître de nos jours, & que fon berceau eût été éclairé de la

lumière de l'Evangile, croit-on qu'avec l'excellent efprit & le bon jugement dont il étoit doué, il auroit imité ces prétendus Hiftoriens, ces Écrivains audacieux, qui, déchaînés également contre le Trône & l'Autel, cherchent à renverfer l'un & l'autre, & brifant du même coup le fceptre & l'encenfoir, veulent vivre indépendans 'du ciel & de la terre? Infidèle comme eux dans les faits, fophifte dans les raifonnemens, audacieux dans les pensées, téméraire dans les réflexions, toujours inconféquent & fuperficiel, auroit-il, à leur exemple, employé le menfonge, les farcafmes les plus amers, & les plaifanteries les plus groffières, contre une Religion dont tout annonce, tout démontre, & tout prouve la Divinité? Tite - Live 'étoit Prêtre des faux Dieux: & s'il l'avoit été du vrai Dieu, pourroit-on, après avoir fait une lecture attentive & réfléchie de fon hiftoire, & s'être affuré de l'efprit dans lequel elle eft écrite, pourroit-on penfer qu'il eût été capable d'abjurer fon

état, pour blafphémer le Dieu qu'il avoit juré de faire adorer? Loin donc d'envifager fimplement alors cette Religion du côté de la politique, & d'en impofer par des prodiges menfongers, il l'auroit appuyée d'une foule de faits plus clairs que le jour, & fe feroit attaché à la faire regarder & refpecter, comme le plus ferme foutien des Trônes, & comme la force & le falut des Empires & des peuples qui les compofent.

Nous ne cherchons point ici, à excuser entièrement l'attention de Tite-Live, à configner dans fon hiftoire tous les prodiges qu'il avoit trouvés dans les Faftes de la République & de l'Empire. S'il avoit eu à écrire pour un peuple moins fuperftitieux, & plus éclairé fur les Loix de la Nature, peut-être en auroit-il retranché un grand nombre. Mais nous difons que le premier devoir de l'Hiftorien est d'être exact & fidèle. Si dans le cours de l'hiftoire qu'il écrit, il fe présente quelques faits extraordinaires, quelqu'événement

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