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la Littérature Latine, ait confacré fes veilles, à réparer ce qui nous refte de tant de morceaux précieux.

Nous ne nous arrêterons pas davantage

grande que le favoir, a fuppléé à ce qui manque aux précieux restes, tant de l'Hiftoire des Empereurs que des Annales. Familiarifé avec la Langue qu'on, parloit à la Cour des Céfars, il a faifi également & le ftyle & l'efprit de Tacite, au point qu'on croit lire l'original. Il a donné une superbe édition de cet Historien, en quatre vol. in-4°, enrichie de plufieurs differtations, de notes curieuses & inftructives, fous ce titre: C. Cornelii Taciti Opera recognovit, emendavit, Supplementis explevit, Notis, Differtationibus, Tabulis Geographicis illuftravit GABRIEL BROTIER, Parifiis ex Typographia Ludovici- Francifci DE LA TOUR 1771. Cette Édition, de la plus grande beauté, eft devenue, très-rare. Elle fait le plus grand honneur à M. de la Tour, qui très-inftruit lui-même ne l'a entreprise que pour la gloire des Lettres, qu'il cultive & qu'il aime. Il en a donné une nouvelle Édition également belle, en fept vol. in-12, avec će titre: C. Cornelii Taciti Opera Supplementis, Notis & Differtationibus illuftravit GABRIEL BROTIER, Parifiis ex Typographia L. F. de la Tour, 1776. M. l'Abbé BROTIER l'a enrichie de l'Hiftoire du beau régne de Trajan; d'un Supplément au Dialogue

fur les Hiftoriens Latins, quoiqu'il y en ait encore plufieurs qui ont mérité les regards de la poftérité, tels que Velléïus Paterculus & Quinte-Curce. Mais le vil flatteur de Tibère & de Séjan, le Panégyrifte de deux monftres pareils, malgré les grâces de fon ftyle, malgré l'art qu'il à de peindre d'un trait fes personnages, ne peut être propofé pour modèle, l'Hiftoire rejetant également, comme indignes de la vérité & de l'honnêteté qui font fa bafe, la fatire & la baffe flatterie. Quinte-Curce, en peignant fon héros, voit toujours l'homme dans Alexandre, & jamais le Dieu. On doit lui favoir gré de ce mérite: mais de la manière dont il s'explique fur les paffions du vainqueur de l'Inde, fa morale eft aussi corrompue que dangereufe. Son ftyle noble, élégant

des Orateurs, & d'un corps de Maximes politiques, qu'il a tirées de tous les ouvrages de Tacite. Nous pouvons affurer, fans être foupçonné de flatterie, que ces morceaux curieux & intéreffants du TACITE moderne, feroient avoués de l'ancien,

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& pur, eft beaucoup trop fleuri. Ses harangues, indépendamment de leur longueur, n'ont point le caractère de vérité, & le ton mâle de la véritable éloquence, qu'on admire dans celles de Tite-Live. On n'y trouve que la foibleffe, l'affectation & le clinquant du Bel- Esprit. Or c'est l'inftruction, le jugement, la folidité, & une fimplicité noble qui conviennent à l'Hiftoire, dont la marche doit être grave & majestueufe; tandis que celle du BelEfprit est toujours légère & fautillante. On ne peut donc chercher à imiter QuinteCurce, fans s'expofer au danger de tomber. dans les mêmes défauts que lui. Le choix d'un modèle n'eft point indifférent. II annonce & découvre à la fois, dans celui qui choifit, les qualités dominantes de fon efprit; car il eft certain que fon amour - propre ne lui permet d'adopter un modèle, qu'autant qu'il eft conforme à fon goût alors les défauts deviennent communs à l'un & à l'autre : fouvent même il arrive, que ceux de l'imitateur ne font

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compenfés, par aucune des beautés qui fe rencontrent dans l'original, & qui demandent quelquefois grace en fa faveur.

On a vu jufqu'ici les Arts, l'Éloquence, la Poéfie & l'Hiftoire, briller tour-à-tour de l'éclat le plus pur, tant que, par raifon & par goût, les. Romains ne fuivirent d'autre guide que le flambeau du Génie qui avoit éclairé la Grèce, & qui fe ralluma pour eux. Mais dès qu'ils préférèrent de marcher à la lueur pâle & trompeufe des éclairs du Bel-Efprit, ils s'égarèrent bientôt & fe perdirent fans

retour.

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Augufte avoit ceffé de vivre; & quand Tibère prit les rênes de l'Empire, les grands Hommes, qui avoient fait la gloire des Lettres, fous le régne précédent, n'étoient plus. Le nombre de leurs fidèles Difciples étoit fi petit, qu'on les comptoit aifément. Phédre, l'affranchi d'Au gufte, qui les avoit prefque tous connus avoit confervé ce goût fimple & pur, dont on fe laffoit déja depuis long-temps,

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pas

lorfqu'il mit fes Fables au jour. L'Antiquité ne nous offre rien de plus parfait en ce genre. Une élégance foutenue, des expreffions toujours choifies, toujours juftes, des vers heureusement & agréablement tournés ne font le feul mérite de ces Fables. Elles font accompagnées des plus ingénieufes moralités, propres à tous les âges, à tous les états, à toutes les conditions. Ces Apologues ne nous font parvenus, que comme tant d'autres Ouvrages précieux de l'Antiquité, tout mutilés, tout corrompus. C'eft encore aux favantes veilles de M. l'Abbé BROTIER, que nous en devons la reftauration (1). Ses fupplémens & fes corrections ont toute la grâce, toute l'élégance, toute la pureté de l'original; & fes vers confervent le tour agréable & charmant des vers de Phédre.

(1) Phadri Augufti liberti Fabularum Libri V, cum Notis & Supplementis GABRIELIS BROTIER, accefferunt parallela JOANNIS DE LA FONTAINE Fabula. Parifiis, Typis J. BARBou. 1783.

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