amufant, inftructif; & il eft encore admirable dans fon Traité des Arts libéraux. Son style eft à lui; il n'appartient ni au fiécle d'Augufte, ni au fien: il est énergique, brillant & ferré; fes fréquentes ellipses peuvent y répandre quelque obfcurité; mais elles donnent plus à penfer. Cette obfcurité d'ailleurs, qui, dans les Écrivains médiocres, eft un vice réel, n'en eft pas toujours un dans les grands Auteurs: elle dépend quelquefois de la hardieffe des idées, & de la rapidité du mouvement de la pensée. L'Hiftoire naturelle eft tout ce qui nous refte de tant d'ouvrages qu'avoit compofés cet illuftre Écrivain, qu'une insatiable & téméraire curiosité fit périr, à l'âge de cinquante-fix ans, étouffé par la fumée, en voulant s'approcher de trop près de l'embrâsement du Véfuve, pour obferver cet effrayant & terrible phénomène. L'ouvrage de Pline, quoique excellent pour fon temps, ne l'eft plus pour le nôtre, où de nouvelles découvertes & , des obfervations multipliées ont étendu, illuftré la science, qui néanmoins étoit affez négligée parmi nous, avant que M. de Buffon nous en infpirât le goût, en y répandant tous les charmes de fon admirable pinceau. Son ouvrage eft le feul de notre fiécle, qu'on doive lire, avant ceux des Anciens qui ont traité de la même matière. L'Hiftoire naturelle étoit encore dans fon enfance au temps d'Ariftote de Théophrafte & de Pline. Elle n'a pu faire de progrès, qu'en raifon des découvertes fur le Globe: le Continent entier de l'Amérique, la plus grande partie de l'Afrique & de l'Afie, ainfi que toutes les Mers adjacentes, & celles des Régions polaires étoient inconnues aux Anciens : la plupart des espèces d'animaux, d'oiseaux, de poiffons, de végétaux, celle même de l'homme habitant de ces contrées, leur étoient également inconnues. D'ailleurs ils ignoroient les loix du mouvement de la Terre & des Corps céleftes; ils ne pouvoient donc écrire en grand fur la Nature puifqu'ils ne la connoiffoient que par la petite portion de terre qu'ils habitoient. Auffi tous leurs ouvrages ne font point un ensemble, & ne présentent que des détails très-bien faifis par le génie d'Ariftote, & encore mieux exprimés par l'éloquence de Pline. Les douceurs d'un bon régne fembloient devoir ramener les bonnes mœurs & le bon goût. Trajan étoit affis fur le Trône des Céfars, & la fageffe de fon gouvernement faifoit oublier les cruautés & les horreurs des Tibère, des Caligula, des Néron. Mais il en eft des mœurs & du goût comme des fruits, qui, frappés une fois de la grêle, en confervent la marque; leur beauté n'a plus fon éclat; leur faveur & leur parfum font moins doux & moins agréables. La faveur que Trajan accordoit aux Lettres & à ceux qui les cultivoient, les fit fleurir, non avec cette ancienne fplendeur dont elles brilloient dans leurs beaux jours; mais avec prefqu'autant d'ardeur & de fuccès. Tacite, cet illuftre Hiftorien, eft le feul au milieu de tant d'Écrivains du mêmetemps, qui ne fe foit point reffenti de la plaie que le faux Bel-Efprit avoit faite aux Lettres. Le Disciple de Quintilien, malgré les leçons d'un fi grand Maître, ne put se garantir des défauts de fon fiécle. Pline le jeune, élevé par Trajan au Confulat, qui n'étoit plus depuis long-temps qu'une dignité fans pouvoir, prononça, à fon installation dans le Sénat, le Panégyrique de fon Maître. Il étale dans ce Difcours tout ce que l'Éloquence a de fleurs, de pompe & de magnificence. Il est plein de pensées fines, ingénieuses & quelquefois neuves; mais le Bel-Efprit y domine. Il n'y ménage aucun repos à la pensée tout eft brillant, tout éblouit & fatigue l'attention: l'antithèse eft fur-tout la figure favorite de cet Écrivain, & fon ftyle coupé n'a ni le nombre, ni la grâce qui font le charme de l'Éloquence. On prétend vainement que c'eft principalement dans les Éloges & dans les Pané gyriques, que l'Art doit déployer ce qu'il a de plus agréable, de plus fleuri, de plus recherché, de plus éclatant; car fi les ornemens font trop multipliés, fi les beautés réelles font confondues avec les beautés de fantaisie fi les tranfitions & les nuances font par-tout les mêmes, & que les maffes, entr'elles, ne fe détachent pas par des gradations infenfibles, quel effet le Tableau produira-t-il? L'Art n'eft donc rien, fi le goût & la raison ne le guident. Il semble Pline le jeune n'ait que fe diffimuler pu à lui-même cette vérité, lorsque, dans fa lettre à Sévère, il lui rend compte du fuccès de plufieurs lectures qu'il avoit faites de fon Difcours, dans des Affemblées particulières. « Quant à moi » dit-il, j'ai été très - flatté de l'intérêt » & de l'empreffement que m'ont témoi»gnés mes Auditeurs mais j'ai remar» qué que les morceaux d'un genre plus » févère & plus fimple leur faifoient » autant & plus de plaifir, que les endroits : |