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voir leurs Vainqueurs venir rendre hommage à leurs talens, & de compter, au nombre de leurs Difciples, les plus illuftres Perfonnages de la République, Cicéron, Préteur alors, & Jules-César (1)!

On peut juger par ces fameux exemples, 'de l'habileté de ces Maîtres d'Éloquence, & de l'eftime qu'on avoit conçue pour eux. L'amour des Lettres refferra de plus en plus l'union des deux Peuples. Les Gaulois demeurèrent conftamment fidèles aux Romains, & s'appliquèrent avec tant d'ardeur à fe perfectionner dans la Langue Latine, qu'ils parvinrent à devenir euxmêmes des Maîtres & des modèles. Ils fentoient le befoin qu'ils en avoient 2 pour s'ouvrir le chemin des honneurs des dignités & des premiers emplois de la République. En effet combien de grands Capitaines, d'excellens Orateurs & d'illuftres Philofophes n'ont-ils pas fourni, soit à la République, foit à

(1) SUET. de Illuft. Grammat. Cap. VII.

l'Empire? Ils ont eu l'avantage de foutenir, dans Rome, la fplendeur des Lettres, jufqu'au moment où l'Empire Romain, après tant de fiécles de gloire, s'eft écroulé.

Les Gaules devenoient de plus en plus floriffantes. On voyoit dans toutes les Villes des Écoles célébres, qui ne le cédoient en rien aux Écoles de Rome. Cette ardeur, pour les fciences profanes, préparoit insensiblement l'efprit des Gaulois, à recevoir la lumière nouvelle qui devoit bientôt les éclairer; & le Chriftianifme qu'ils embrafsèrent, fixa parmi eux l'ufage des Langues Grecque & Latine. L'Églife, dès fa naiffance, les adopta. Elle s'en fervit pour annoncer l'Évangile: ce qui prouve que ces deux Langues étoient familières au Peuple, qui les parloit & les écrivoit comme fa Langue naturelle. Ne croyons pas que ce foit par hazard ou par choix, comme plus agréables & plus faciles, plus riches & plus abondantes; comme plus claires & plus

propres à rendre nettement les idées, qu'elles ont été préférées. N'est-ce pas chez les Médes, les Perfes, les Égyptiens & les Phéniciens, que les Grecs ont été puifer les connoiffances, en tout genre, dont ils enrichirent leur Patrie, & qu'ils ne communiquèrent, qu'après une longue fuite de fiécles aux Romains? Or ne doiton pas préfumer que des Nations, où les Arts & les Sciences avoient choisi leur premier afyle, parloient chacune une Langue digne des Arts & des Sciences qu'elles enfeignoient, & que cette Langue devoit être riche, polie, élevée, expreffive & pittorefque comme celles des Grecs & des Romains? Et tandis que la Langue de ces Peuples célébres s'eft éteinte avec les Nations qui la parloient : tandis que la Langue fainte elle-même, employée par l'Éternel pour graver sa Loi, & l'annoncer au milieu des foudres & des éclairs à son Peuple choisi, a été réduite, dès le temps même de fa longue captivité & depuis fon retour, à un état

déplorable de corruption; pourquoi les Langues Grecque & Latine ont-elles bravé les révolutions des âges & des temps, & font-elles devenues à jamais le flambeau du Génie? N'en doutons point, elles ne fe font pas foutenues par leurs propres charmes, ni par la gloire de leur empire; mais par des vues fupérieures de la Providence, qui les avoit destinées à être les organes de l'Esprit-Saint, à promulguer fes Oracles, & à répandre la Foi de l'Évangile par toute la terre. Ce n'étoit point en vain qué la politique des Romains imposoit aux Vaincus la néceffité de parler la langue du Vainqueur: cette politique entroit dans les deffeins de la Providence, qui a voulu, par un nouveau bienfait, qu'avec le fecours des Langues Grecque & Latine, nous puiffions toujours renverfer, brifer les barrières, & diffiper les ténébres de l'ignorance.

Quoi qu'il en foit, les Gaulois, éclairés des lumières de l'Évangile, ne montrèrent que plus d'ardeur à s'inftruire; & ce Peuple,

docile aux vérités révélées, faifoit de jour en jour les plus grands progrès dans la fcience du falut, fans négliger néanmoins les fciences profanes. Cet heureux état de paix & de tranquillité ne dura pas long-temps. Une multitude de Peuples barbares, venus du fond du Nord, fondirent fur les Gaules, & les ravagèrent. Les Goths, entr'autres, s'y établirent ; mais ils en furent chaffés par les Francs, qui, à leur tour s'en emparèrent pour toujours. C'eft alors que leur domination fit écrouler l'Empire Romain, qui entraîna dans fa ruine celles des Lettres & des Sciences. Les Gaulois, courbés fous le joug d'une Nation qui n'aimoit que les Armes & méprifoit les Lettres, n'avoient plus ni la facilité ni la volonté de fe livrer à l'étude. Plus d'écoles, plus d'émulation, plus d'efpérance de parvenir aux emplois & aux dignités. La Langue Latine, qu'ils parloient fi purement, se corrompit peu-à-peu: mêlée avec le jargon des Barbares, il se forma enfin de

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