Imágenes de páginas
PDF
EPUB

magnificence & de grandeur ne devoientelles pas donner aux étrangers de la puiffance & du bonheur des Athéniens? Tous ces édifices élevés à la fois, fembloient demander des fiécles & des travaux infinis pour être achevés; & ils le furent dans un très-court efpace de temps (1), avec toute la beauté, toute la perfection, toute la folidité dignes de ces fuperbes Monumens, destinés à être à jamais les modèles des Temples futurs, des Édifices publics, des Palais des Rois; & à faire l'étonnement & l'admiration de l'avenir. Mais cette étonnante & merveilleufe activité avoit pour foutien les foins éclairés de Périclès, les encouragemens & les récompenfes avec lefquels il fut l'exciter l'entretenir.

&

Voilà la véritable époque de la grandeur 'd'Athènes. Tous les Arts, tous les grands Hommes y fleurirent à la fois. C'est dans ces beaux jours que Sophocle remporta

(1) Plut. in Pericle, pag. 159.

le prix fur Eschyle, aux jeux inftitués par le peuple, lorfqu'après une glorieuse campagne, Cimon revint à Athènes, avec les tristes reftes de Théfée qu'il avoit recueillis. Ces jeux où le génie difputoit la victoire au génie, où les talens supérieurs fe livroient à l'envi des combats, où il étoit glorieux de vaincre, parce que les Juges en écartoient le manége & l'intrigue, où la palme desirée n'étoit accordée au vainqueur, qu'au bruit flatteur des acclamations & des applaudiffemens publics; ces jeux, dis-je, élevoient l'ame, enflammoient le génie, excitoient, entretenoient dans tous les efprits une noble émulation, & hâtèrent le progrès & là perfection des Arts & des Sciences. C'est dans ces jeux encore qu'on croyoit voir le marbre respirer fous le cifeau des Phidias, & que les Apelles, les Parrhafius & les Zeuxis (1), franchissant les bornes

(1) Zeuxis & Parrhafius disputant entr'eux le prix de la Peinture, le premier exposa son Tableau

[ocr errors]

de leur Art, portèrent l'illusion de leur pinceau magique, jufqu'à tromper également le jugement de l'homme & l'œil des animaux.

Cet état floriffant d'Athènes ne fouffrit aucun changement, tant que Périclès conduifit les affaires de la République. Ce grand homme, par fon courage intrépide, autant que par la force de fon éloquence, par la profondeur & la foupleffe de fa politique, fut manier l'efprit d'un peuple libre, au point de s'en rendre entiérement le maître, & de le gouverner avec prefque

repréfentant une grappe de raifin fi naturelle & fi vraie, que les oiseaux vinrent la becqueter. Fier de ce fuffrage, Zeuxis infultoit déja à Parrhafius, & le preffoit de lever le rideau, dont il croyoit que fon rival avoit couvert fon tableau mais quelle fut fa furprise, lorfqu'il s'apperçut qu'il étoit trompé lui-même, & que ce rideau étoit peint? Il céda la palme à fon vainqueur, en avouant que celui qui favoit tromper les Maîtres mêmes de l'Art, étoit bien fupérieur à celui qui ne favoit tromper que les oifeaux.

toute l'autorité d'un Monarque abfolu Élève du Philofophe Anaxagore, il avoit appris de lui, à expliquer les phénomènes ordinaires de l'air, dont le peuple ignorant & fuperftitieux s'épouvantoit aifément. Il pénétra, autant que la Phyfique de fon temps pouvoit le permettre, dans les fecrets de la Nature; il fonda les profondeurs de la Métaphysique; & nourri de ces connoiffances fupérieures à l'intelligence du vulgaire, il donna tant de force à fon éloquence, qu'il fembloit (1) tonner, foudroyer, plutôt que parler.

La parole eft, après la raison, le plus beau préfent que l'homme ait reçu du Ciel mais ce don devient inutile à quiconque néglige de s'inftruire. Ce n'eft qu'en multipliant nos connoiffances que

(1) Plutar. in Pericle, pag. 156, & QUINTIL. Lib. II, Cap. XVI, fub fin. Non ne pulchrum vel hoc ipfum eft, ex communi intellectu, verbisque quibus utuntur omnes, tantum affequi laudis & gloria, ut non loqui & orare, fed, quod Pericli contigit, fulgurare ac tonare videaris?

nous multiplions les moyens de nous exprimer, & que nous nous créons, pour ainsi dire, une Langue riche, abondante & nouvelle. Le talent de la parole est l'art de communiquer fes idées : or, plus nous sommes éclairés & inftruits, plus nos idées naiffent en foule, plus nous fommes en état de comparer & de réfléchir. La pensée & la réflexion font donc la bafe de l'élo

quence. Mais pour qu'elle prenne tous les caractères dont elle eft fufceptible, pour qu'elle change & varie les tons à fon gré, & qu'elle produise ses grands effets, il ne fuffit pas d'avoir des talens naturels, il faut y joindre encore une étude continuelle de tout ce qui peut former notre efprit, affermir notre jugement, embellir, orner notre imagination donner de la folidité, de la grandeur & de la force à nos pensées. Rien n'eft étranger à l'éloquence. La Philofophie la rend austère, folide & profonde; les fciences, riche, intéreffante & inftructive; les beaux Arts, riante, pittorefque & fleurie; la nature

[ocr errors]
« AnteriorContinuar »