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Auteurs des Mystères n'ont donc rien de commun avec nos Dramaturges, que l'ennui qu'ils caufent, leur mauvais goût, leur mauvais ftyle & leurs mauvais vers ; & c'eft ce qu'on ne peut pardonner ni aux uns, ni aux autres.

L'efprit léger & les goûts frivoles font toujours inconftans. On se lassa des fujets de dévotion. Un nouveau genre de spec tacles prit la place des Mystères. On ne vit plus que Moralités, Satires, Farces & Sotties; pitoyables productions de l'ignorance, dont la Nation n'avoit pu fortir encore. Ce mauvais genre subsista jufques vers le milieu du XVe fiécle. La Langue Françoise étoit toujours prefque auffi rude & auffi groffière que dans fon origine. Cependant, on touchoit au moment, où la barbarie alloit être repouffée; la lumière devoit bientôt fuccéder aux ténébres. Déja l'admirable découverte de l'Art de l'Imprimerie en répandoit les premiers rayons, présage des beaux jours qui devoient fuivre: déja les tréfors de

la

ttérature Grecque & Latine fe multiplioient: un defir ardent de s'inftruire fuccédoit à la langueur mortelle qui tenoit, depuis fi long-temps, les efprits engourdis: tout enfin annonçoit, préparoit aux Arts, aux Lettres & aux Sciences un régne éclatant & glorieux; mais les temps où le goût devoit naître, n'étoient pas encore arrivés.

Éblouis, plutôt qu'éclairés & guidés par les Écrits des Grecs & des Romains, Jodelle & fes fucceffeurs changèrent entièrement le goût. Leurs productions, tout informes qu'elles étoient, avoient du moins le mérite d'être raisonnables; elles firent bientôt oublier celles dont la Nation avoit malheureusement contracté une trop longue habitude; &, il faut l'avouer, c'étoit une entreprise hardie & courageufe que de tenter de la détruire. Ces nouveaux Athlètes ne pouvant fe fier cependant fur leurs propres forces, usèrent de leurs modèles, comme en avoient usé les premiers Poëtes Latins; c'est-à-dire,

qu'au lieu d'étudier à fond leur génie & de prendre leur efprit, ils les copièrent ou les imitèrent groffièrement. Il est aisé 'de remarquer, que nous avons, en tout, fuivi la marche des Romains, quant aux arts de l'efprit. Leur Langue fut aussi Jong-temps à fe polir que la nôtre. C'est à l'étude de la Langue Grecque & à l'ufage qu'ils en ont fait, qu'ils ont dû la richeffe, l'abondance & l'harmonie de leur Langue maternelle. Le mêlange utile & ingénieux des mots Grecs qu'ils y firent entrer, l'adoucit, la polit, l'embellit infenfiblement; & c'est en quoi ils ont été plus habiles ou plus heureux que nous. En vain avons-nous, comme eux, effayé ce mêlange; Ronfard, en voulant rendre notre Langue plus harmonieuse & plus riche, la rendit inintelligible & ridicule.

Tandis que nous faifions les plus grands efforts pour fortir de la barbarie, l'aurore d'un beau jour fe levoit fur l'horison de l'heureuse Italie. Les Grecs fugitifs y

avoient apporté de Conftantinople, lors de l'invafion des Turcs, ce qu'ils avoient pu fauver des débris de l'Antiquité : ils avoient déja répandu parmi leurs nouveaux hôtes le goût de la Littérature & des Sciences. Bientôt une lumière éclatante fe répandit fur toute cette Contrée. Protégés, careffés, chéris, magnifiquement récompensés par les Médicis, les beaux Arts vinrent en foule briller de nouveau dans leur ancienne Patrie. Les trésors que Jules II avoit laiffés en mourant, favorisèrent encore l'inclination libérale de Léon X, & lui fournirent les moyens de fignaler fon amour pour les Lettres , en les comblant de fes largeffes.

La France fe reffentit à fon tour de la 'douce influence de l'aftre qui venoit d'éclairer l'Italie. François I régnoit, & fon régne fut le régne des Savans. La protection qu'il leur accorda, excita une émulation universelle: le génie prit enfin fon effor. La Poéfie, l'Éloquence, la Philofophie, l'Hiftoire, tout reçut une

nouvelle

nouvelle vie : chaque Art, chaque Science faifoit des progrès fi rapides, qu'on peut les comparer à ceux de la verdure & des fleurs que l'on voit au printemps naître, croître & s'embellir dans l'efpace d'un beau jour. Une foule de Savans, en tout genre & de tous les ordres, fe partagèrent les tréfors littéraires d'Athènes & de Rome. Leurs travaux, leurs foins, leurs veilles applanirent les difficultés & hâtèrent le moment d'en jouir. A mesure que les chaînes de l'ignorance tomboient, & que fes ténèbres fe diffipoient, l'efprit plus libre s'éclairoit, la pensée se formoit, les idées s'étendoient. Honteux du temps qu'on avoit perdu, on s'empreffoit de le réparer mais le goût étoit encore à naître. Notre Langue toujours brute, tardoit à s'épurer: on n'ofoit même l'employer dans des ouvrages importans & de longue haleine. Les Langues Grecque & Latine, fières de leur fupériorité, fembloient vouloir la conferver, & il étoit, en effet, bien difficile de ne pas leur donner la

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