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fervoit néanmoins encore beaucoup de fa rudeffe. Malherbe feul fut lui imposer les loix d'une cadence régulière, & la rendre douce, flexible, harmonieufe, en y joignant la clarté. Il ne s'agiffoit plus que de continuer à l'enrichir, à la fortifier, à la perfectionner, enfin à la fixer.

Le Cardinal de Richelieu, ce Ministre immortel, jaloux d'augmenter la gloire, & la grandeur de fon Maître, qui le craignoit & ne l'aimoit pas, occupé de rendre la France l'arbitre de l'Europe entière, d'abaiffer les Grands & de diminuer leur puissance, en les forçant de devenir courtisans; au milieu des vaftes projets de fa politique profonde, conçut celui de favorifer de tout fon pouvoir, le triomphe des Lettres. Il établit donc une Académie, entièrement confacrée au progrès de la Langue Françoife, & à la conservation de fa pureté. Le Fondateur voulut en être auffi le Protecteur. La bonne politique ne fe trompe guères ni fur les événemens préfens ni fur les

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événemens futurs. Celle du Cardinal de Richelieu, fi vaste, fi prévoyante, ne lui fit pas même preffentir, qu'un fiécle philofophe pourroit fuccéder un jour au fien, & que non-feulement, le nom du Fondateur feroit à peine prononcé dans le fanctuaire qu'il avoit élevé & confacré aux Mufes; mais encore loin d'y brûler quelques grains d'encens, en fon honneur, on oferoit même y blâmer fa mémoire. Tel eft l'efprit de ce fiécle deftructeur, il abat les ftatues érigées au Génie , pour en élever d'autres au BelEfprit (1).

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, que

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aux

(1) On n'avoit point encore fongé à élever des Statues aux Boffuet, aux Fénelon, aux Corneille, aux Racine aux Molière, aux Lafontaine Pascal, aux Buffon, &c. &c. lorfque long-temps auparavant, un ridicule & fol enthousiasme en avoit érigé une à Voltaire, par foufcription. Pigalle, devenu immortel par le poétique & fuperbe tombeau du Maréchal de Saxe, fut chargé de l'exécuter. Malheureufement il la fit nue, mais fi have, fi defféchée, fi hideufe & fi reffemblante, qu'on y reconnut à la fois & Voltaire & l'Envie. Le cizeau

que

Pendant dans fes commencemens, s'occupoit particulièrement du foin de corriger la Langue, Corneille la créoit, lui donnoit cette mâle & fublime éloquence, ce raifonnement jufte & profond, cette majefté, cette fierté qui la rendoit digne d'être à l'usage des Rois, cette force & cette énergie dont jufqu'alors il poffédoit feul le fecret. Il s'effaya d'abord dans le genre du haut comique; mais les faveurs qu'il obtint de Thalie, n'étoient rien au prix de celles que Melpomène devoit bientôt lui prodiguer.

l'Académie Françoise,

Médée, par laquelle il ouvrit fa carrière tragique, annonça la manière dont

du célèbre ftatuaire Houdon, l'a depuis représenté habillé, fous tant de formes diverses, en pied, en bufte, affis, debout, en tête à l'antique, en perruque, en bonnet, qu'il eft parvenu à en faire le Dieu Fétiche des anti-chambres, des fallons, des cabinets des gens du monde, des galletas même du peuple, & des boudoirs des femmes galantes, Efprits forts & Beaux-Efprits.

il alloit la parcourir. Mais quelle dût être la furprise, lorfqu'à peine avoit-il commencé fa course, on le vit arriver à pas de géant jufqu'au Cid? Ce chefd'œuvre éveilla l'envie. A fon réveil, elle fit fiffler ses ferpens, & voulut accoler fes tifons au flambeau de la critique. Ce qui étonnera peut-être, c'eft que le Cardinal de Richelieu lui-même les alluma. On doit pardonner cette foiblesse à ce grand Homme; il étoit Auteur. Pouvoit-il fe défendre d'un défaut fi naturel & fi commun aux gens qui ont quelque prétention à l'efprit? Mais la critique qu'il fit faire par l'Académie Françoise, en découvrant quelques taches dans le Cid, n'en fit que mieux reffortir les beautés; & le premier laurier dont Melpomène ceignit le front de Corneille, n'en devint que plus verd & plus écla

tant.

Enfin, Corneille a eu la gloire de commencer le fiécle de Louis XIV. De tous les chefs-d'œuvre que ce grand

Homme enfanta coup fur coup, depuis le Cid, Cinna feul eût fuffi, pour , pour immortaliser fon nom, & pour illuftrer le fiécle ‹qui le vit naître. L'Auteur n'eut d'autre modèle que lui-même. Son ame & fon génie, également élevés & fublimes, ont paffé tout entiers dans fes ouvrages. II ne devina pas, il conçut l'Art dont il fut le créateur & le maître. Il paroît qu'il n'a rien emprunté des Grecs. Son penchant étoit pour les Latins mais plein de la lecture de Sénèque & de Lucain, en faififfant leurs beautés fon goût ne l'a pas toujours garanti de leurs défauts.

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L'étude qu'il faifoit de l'Histoire Romaine dans la fource même, & fur-tout dans Tacite, fortifioit en lui les fentimens romains avec lefquels il étoit né. Les troubles intérieurs qui 'agitèrent l'État dans le commencement du plus beau régne, achevèrent de développer cette fierté républicaine qui lui étoit naturelle; & il eft aifé de voir que les grands carac

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