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Ce ne font jamais les vertus mais les vices qu'il met en évidence. Il affecte par-tout le plus fouverain mépris pour les hommes. Ennemi déclaré de toute Religion, & principalement du Chriftianifme, dans tous les endroits de fon Hiftoire où il eft obligé d'en parler, il ne le montre que fous le mafque du fanatifme, & lui prête tout l'odieux que fa mauvaise foi se plaît à inventer; car il eft difficile, à cet égard, de lui difputer le mérite funefte de l'invention. S'il paroît fe fonder fur quelques autorités, ce font toujours des autorités fufpectes: il ne puife que dans des fources impures & empoisonnées ; fi par hafard la vérité l'emporte contre fon gré, & qu'il foit forcé de lui rendre hommage, il fe dément aussi-tôt & revient à fon naturel. Malgré ces vices palpables qui abondent dans tous fes Écrits, particulièrement dans fon Hiftoire universelle, dans celle de Charles XII ̧ & de Pierre-le-Grand, il charme, il entraîne une multitude de Lecteurs. On

ne doit pas en être étonné: la plupart de fes Lecteurs font auffi fuperficiels que lui: ils ne cherchent pas à s'inftruire, mais à s'amuser. Il leur importe peu que les faits foient faux, pourvu qu'ils foient écrits d'une manière faillante, & que l'Auteur ne les ennuie pas. Iront-ils d'ailleurs fe donner la peine d'examiner, de réfléchir, de remonter à la fource dont ils n'ont pas même la plus légère idée? Ils aiment mieux s'en rapporter à un Charlatan qui les divertit, qu'à un fage Hiftorien fait pour les éclairer. Non-feulement Voltaire éblouit fes Lecteurs par le piquant de fon ftyle; mais il fait encore les gagner en flattant toutes les paffions, & c'est par-là qu'il a perdu les Mours.

De tous les prétendus Philofophes du jour, Voltaire eft celui qui a le plus d'efprit, & qui a fait le plus de dupes. Perfonne n'a mieux connu l'efprit frivole de fon fiécle, & ne l'a faifi avec plus de dextérité. Maître dans l'art de faire illufion, il en impofe par l'étalage d'une mul

titude de connoiffances qui le font croire univerfel. Mais qu'il eft aifé de détruire cette illusion, quand il est démontré qu'il ne fait qu'effleurer les fujets qu'il traite; qu'il faute fans ceffe d'un objet à un autre; qu'il n'écrit que par Chapitres, & qu'il évite par-là toute gêne, toute liaison, toute transition; qu'il manque de cette belle & longue fuite d'idées, dont le génie feul eft capable; qu'il eft trop léger, trop frivole, trop volage pour pouvoir approfondir aucune matière. On peut comparer Voltaire à un Architecte, qui, maître d'un terrein immenfe où il pourroit élever le plus vafte & le plus fuperbe monument, le diviseroit en une multitude de petits terreins, pour y bâtir des maifons ifolées les unes des autres, mais agréablement décorées. C'est ainsi que ce célèbre Écrivain a compofé tous fes ouvrages. Aucun n'a ce caractère de grandeur dont ils étoient fufceptibles; ce ne font que des morceaux détachés, placés chacun dans fon cadre particulier. On fent qu'il abuse de sa pro

digieufe facilité, & que fon esprit est comme ces fources, qui, ne pouvant former de fleuves ou de rivières, fe répandent çà & là, & ne produifent, en ferpentant, de petits ruiffeaux, qui vont se perdre dans des fables arides.

que

De fes compofitions hiftoriques à fes compofitions romanefques, la nuance est fi légère, que, fans les titres, on les confondroit ensemble; car dans celles-ci, c'est la fable qu'il habille des couleurs de la vérité; dans les autres, c'eft la vérité qu'il habille des couleurs de la fable: en forte qu'on peut dire, généralement parlant, qu'il n'a compofé que des Contes. Nous n'en exceptons point fon Siécle de Louis XIV, rempli de jugemens hazardés & de faits faux, qu'il ne foutient que par des oui-dire, & des témoignages de gens morts depuis long-temps, & qui ne peuvent par conféquent le démentir. Ses Romans de Zadig, de Memnon du Monde comme il να font des copies plus parfaites, que les originaux qui lui

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ont fervi de modèles; mais auxquels il doit toutes les faillies, toutes les idées piquantes qui s'y trouvent. On voit, au contraire, aux obfcénités, aux froides plaifanteries, aux invraisemblances, aux fottifes de toute espèce, à une imagination vagabonde, qu'il eft le créateur de Candide, du Huron, de la Princeffe de Babylone.

Comme Littérateur, fon goût naturellement juste & vrai, auroit pù lui fauver mille contradictions, dans lesquelles fa mauvaise foi, sa jaloufie, fon humeur & fon ambition de paroître tout favoir, l'ont fait tomber. Il approuve & blâme, admet & rejete, eftime & méprife, fuivant qu'il eft bien ou mal difpofé d'après l'humeur, ou la paffion qui l'agite. Il traite BOSSUET de Déclamateur, RACINE de Faifeur d'Idylles, tandis qu'il prodigue aux Nains de la Littérature les louanges les plus outrées. Il eft vrai que c'eft de leur vivant; car s'ils meurent, il les remet bientôt à leur place; témoins Helvétius,

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