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faveur de l'honnêteté publiquement outra◄ gée, & Périclès l'éprouva. Les Athéniens fouffroient impatiemment fa conduite & celle d'Afpafie. Ni l'un, ni l'autre ne put fe dérober aux traits de la fatire. Objet de la cenfure, & même des railleries des Poëtes comiques, ils furent attaqués en plein théâtre (1), fans que Périclès osât ufer de fon autorité, pour réprimer une pareille licence.

La Comédie ne connoiffoit encore aucun frein: elle lançoit indiftin&tement fes traits, & n'épargnoit pas même les Dieux. Le peuple se plaisoit à voir immoler fur la scène, aux huées & à la risée publiques, les perfonnages les plus diftingués, & fur-tout ceux qui étoient à la tête du Gouvernement.

Ariftophane porta beaucoup trop loin cette licence effrénée. Ses Comédies font écrites d'un ftyle pur, délicat, élégant & facile. Il excelloit dans l'art de manier

: (1) Plut. in Pericle, pag. 165.

l'arme légère de la plaifanterie : malheur à celui contre lequel il dirigeoit fes traits; it l'immoloit cruellement, en riant: fes faillies, pleines de fel attique, étoienț d'autant plus piquantes, qu'il faififsoit habilement tous les ridicules, & les ren→ doit avec autant de chaleur que de vérité. C'est à lui que commence la Comédie proprement dite, foit qu'il en ait été l'inventeur, foit comme le remarque le P. Brumoy (1), parce qu'il eft le feul dont quelques Comédies aient pénétré le chaos des temps, pour parvenir jufqu'à nous. Cè qui eft inconteftable, c'est que de tous fes rivaux, il fut le plus applaudi du peuple qu'il faifoit rire, non-feulement par fes peintures vives & plaifantes des ridicules; mais encore par la vérité de fon pinceau, par la vigueur & le tranchant de fon burin. Il trouva par-là le fecret de plaire à la multitude, que nous appelerions ici

(1) Voyez le Théâtre des Grecs, Tom. III, édit. in-4°. Difcours fur la Comédie Grecque, pag. 8.

la populace, fi un peuple, tel que celui d'Athènes, le plus éclairé, le plus jaloux de fa liberté, le mieux inftruit des affaires publiques, le mieux parlant fa langue, & qui en connoiffoit toutes les fineffes & toutes les beautés, pouvoit être comparé, nous ne difons feulement à notre popu

pas

lace groffière, ignorant entiérement fa langue, privée de toute inftruction; mais même à la plus grande partie de ceux qui fréquentent nos Spectacles, prefqu'aussi ignorans & auffi peu faits pour juger que la populace. Ainfi les applaudiffemens que recevoit Aristophane, étoient fondés, & ne lui étoient accordés qu'avec discernement: il eut de même obtenu tous ceux de la postérité, fans les obfcénités & les traits licencieux dont il fouilla trop fouvent la fcène. Enfin les Poëtes comiques fe rendirent fi redoutables, qu'il leur fut défendu, par un Edit, de nommer les perfonnes; & ce fut encore Ariftophane qui trouva le fecret de conferver à la Comédie toute fa malignité, en mettant

plus de fineffe dans les allufions, & en traçant ingénieusement des portraits dont on devinoit aifément la reffemblance. Tel fut le fecond âge de la Comédie. Il fe paffa plus d'un fiécle avant qu'elle prit une forme nouvelle, & qu'elle devint plus décente & plus digne d'être applaudie des gens vertueux. Ménandre opéra cet heureux changement, & la porta au point de perfection qui la rendit auffi agréable qu'utile & régulière. Ce changement au refte prouve combien les Athéniens étoient déchus de leur liberté. L'ancienne Comédie étoit tout à la fois politique & fatirique ; & comme elle n'avoit rien à redouter de l'autorité qui réfidoit tout entière dans le Peuple, elle attaquoit fans aucun ménagement la conduite des Chefs de la République & celle des Particuliers, en les nommant, ou en les défignant de façon à être reconnus. C'eft principalement dans ce genre, que Cratès, Eupolis, Cratinus, Hermippus brillèrent, & qu'Aristophane excella. Ils tirèrent la Comédie de l'en

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fance, où fans eux elle feroit peut-être encore; tandis qu'à la même époque, là Tragédie dès fon premier vol, avoit atteint déja le degré de perfection, qui a fondé à jamais la gloire du Théâtre Grec, & rendu immortels les trois plus grands Poëtes tragiques que la nature ait produits,

Efchyle après avoir fignalé fa valeur 'dans les mémorables batailles de Marathon, de Salamine & de Platée, choisit un autre genre de gloire moins périlleux, plus paisible, auffi brillant peut-être, pour faire paffer fon nom d'âge en âge, à la poftérité la plus reculée. La Tragédie jufqu'à lui, informe & fans art, telle que Thefpis la repréfentoit, n'étoit qu'un mêlange groffier de fatire & de bouffonneries; & tantôt un récit férieux d'une action vraie ou feinte, rendue par un feul Acteur, qui ne paroiffoit que lorfque le Choeur ceffoit de parler ou de chanter: mais ce n'étoit encore là qu'une ébauche bien imparfaite de la Tragédie. Eschyle, par l'infpiration de fon génie, ajoutant

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