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parable à tout ce que nous avons eu de » plus difert au Barreau. Il eft fur-tout » admirable dans l'art de remuer les paf> fions, & principalement d'exciter la » pitié ».

Il femble que les Contemporains de ces grands Hommes, & la postérité, se soient accordés, pour ne les défigner que felon l'ordre des temps où ils ont paru fur le théâtre d'Athènes, fans prononcer affirmativement lequel devoit occuper le premier rang. Peut-il en effet y avoir entr'eux quelque prééminence, fi leur génie cft le même; & s'ils ne diffèrent entr'eux que dans leur manière de peindre toujours également sublime? Au reste à qui ont-ils dû le développement de leur génie? qui les a infpirés? quel modèle ont-ils choifi? Homère, cè Peintre divin de la Nature, fans lequel, peut-être, leurs noms & leurs ouvrages auroient été engloutis, comme tant d'autres, dans l'abyfme des temps. Mais quels font les fucceffeurs des Efchyle, des Sophocle & des Euripide? Les connoît-on? Nous ne

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les connoiffons malheureusement que par leurs noms (1) échappés feuls à l'oubli; tandis que leurs ouvrages ont été la proie des temps d'ignorance & de barbarie. Si nous nous en rapportons au témoignage de l'Antiquité, il s'en eft même trouvé plu sieurs parmi eux, dignes de foutenir & de perpétuer la fplendeur de la fcène tragique. Mais malgré l'évidence reconnue de leurs talens, aucun de ces Poëtes n'a été affez vain, pour prétendre avoir hérité des pinceaux & du génie des fondateurs de la gloire du Théâtre Grec; & fuppofé qu'il y en ait eu, auxquels un fuccès précoce & une vogue éphémère aient inspiré cette orgueilleuse & ridicule prétention, leurs noms ne font pas parvenus jufqu'à nous; & ils ont fubi tout naturellement le fort qu'éprouveront un jour les prétendus héritiers des Corneille, des Racine & des Crébillon.

Il eft heureux pour l'Art dramatique,

(1) Voyez la Bibliothèque grecque de Fabricius. Lib. II, Cap. XIX,

que les ouvrages des Efchyle (1) des Sophocle & des Euripide aient échappés aux outrages du temps, & à ceux de l'ignorance & de la barbarie. Malgré le Bel-Efprit qui femble les dédaigner trop

(1) On ne se plaindra plus long-temps, comme on l'a fait jusqu'ici avec raifon, que les Monumens du génie de ces trois grands Poëtes, aient été trop négligés par les Savans, & qu'ils ne fe foient pas affez appliqués à en ôter les taches que l'ignorance des fiécles barbares y avoit amaffées. Le favant & judicieux M. Brunck, de l'Académie des Infcriptions & Belles-Lettres, Commiffaire des Guerres à Strasbourg, travaille à une Edition complette du Théâtre Grec. On imprime actuellement le SOPHOCLE. Les Effais par lefquels il s'eft préparé à faire cette Edition, fur-tout l'Ariftophane qu'il vient de publier, ne permettent pas de douter, qu'il ne rétabliffe dans la pureté primitive, tout ce qui nous refte du Théâtre d'Athènes. Quels éloges ne mérite pas un pareil travail! Mais pour juger du fervice important que M. Brunck rend à la République des Lettres, il faut lire la Lettre que M. Larcher a adreffée à MM. les Auteurs du Journal des Savans au fujet de la nouvelle Edition de Sophocle de M. Brunck. Voyez Journal des Savans, fecond vol. de Décembre 1783.

aujourd'hui, & chercher à fe frayer des routes nouvelles, ils feront toujours les feuls & vrais modèles à fuivre & à confulter.

Les Grecs n'avoient plus rien à defirer de la Poéfie. Les Mufes les avoient enri chis de chefs-d'oeuvre dans tous les genres, & les époques brillantes de leurs triomphes s'étoient fuccédées affez rapidement, juf qu'à celle de la création de la Tragédie & de la Comédie; tandis que l'Éloquence, qui, à la vérité, avoit déja fait entendre fa voix tonnante, & déployé quelques-uns de fes refforts admirables, n'avoit point laiffé de monumens de fon ancienne fplendeur. La République ne connoiffoit d'autres Orateurs que ceux qui la gouvernoient, Elle dépofoit dans leurs mains fes plus grands intérêts. S'agiffoit-il de la gloire ou du falut de la Patrie, de la guerre ou de la paix, d'abolir d'anciennes loix ou d'en établir de nouvelles, d'ériger des monumens publics, de décerner la pompe triomphale aux vainqueurs, d'honorer la mémoire

des braves Citoyens, morts, les armes à la main, pour la défense de l'Etat ? C'étoit alors que les Thémistocle, les Cimon, les Périclès, les Alcibiade montoient à la Tribune, & que leur éloquence faifoit paffer dans l'ame de tout un peuple, les mouvemens fubits & les fentimens divers dont ils étoient eux-mêmes agités. C'est-là à proprement parler le premier âge de l'Éloquence.

Tant que la fortune favorifa les Athếniens, qu'une longue fuite de victoires entretint leur profpérité, que leur puiffance les rendit les arbitres des autres villes de la Grèce, & qu'ils difposèrent à leur gré des deniers du tréfor public, il falloit à ce peuple ingénieux & frivole des fpectacles pour amufer fes loifirs. Aussi de tous les Arts, dont il étoit l'inventeur, aima-t-il toujours de préférence celui de la Poéfie; & ce fut auffi celui qu'il cultiva avec le plus de paffion, de perfévérance & de fuccès. Les Poëtes publioient leurs ouvrages, & en multiplioient les

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