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aux fers dont Philippe eft prêt à la charger. Effrayé, indigné du fommeil léthargique des Athéniens, il va porter l'effroi dans leur ame, & ils s'indigneront euxmêmes à fa voix de leur lâche indolence &

du péril où elle les précipite. Écoutez-le dans ces momens critiques, & admirez l'art divin avec lequel cet Orateur fublime 'déploie toutes les ressources de fon génie, & fe rend maître des efprits! Comme il relève avec adreffe la grandeur & la puiffance paffées d'Athènes, pour rendre le contrafte de fa conduite préfente plus frappant! « Athéniens, dit-il, malgré > l'état déplorable où vous a réduits votre > indolence, vos affaires ne font pas » encore tout-à-fait désespérées. Rappel» lez-vous ce que vous avez entendu dire » tant de fois, & dont vous avez pu être >> témoins vous-mêmes, lorfque jaloux » de la gloire d'Athènes & animés d'un » généreux courage, vous foutintes > » contre Lacédémone, alors fi puissante, une guerre longue & pénible, pour

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» défendre les droits de la Grèce entière » Vous en avez triomphé : le fuccès de » vos armes fut le prix de votre conti

nuelle & vigilante activité, autant que » de votre valeur. Si l'infolence de » Philippe vous caufe aujourd'hui tant » d'alarmes, n'en accufez que votre peu » de prévoyance. Si d'après la perte de

nos places fortes dont il s'eft emparé, » vous tremblez à la vue de ses nom»breuses armées; fi vous jugez qu'il eft » difficile de le vaincre, j'en conviens » avec vous. Mais fouvenez-vous, Athé» niens, quand nous occupions autrefois

Pydna, Potidée, Mithone, & tous les » pays circonvoifins, que plufieurs des » Nations, foumises maintenant à Phi»lippe, libres auparavant, préféroient »notre alliance & notre amitié à la fienne » S'il eût donc pensé alors qu'il risque

roit trop d'attaquer une République, » maîtreffe de tant de places qui tenoient »en refpect la Macédoine, auroit-il jamais » ofé tenter aucune des expéditions, qui,

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» de nos jours, lui ont si bien réussi, & » l'ont rendu fi puiffant? Mais Philippe > regardoit toutes ces fortereffes, comme > autant de prix de la guerre (1). Il favoit, » que felon le cours ordinaire des chofes, » les préfents s'emparent des biens des » abfens, & que les hommes vigilans, » intrépides & laborieux, dépouillent à » leur gré les hommes lâches & fainéans. » Voyez jufqu'à quel point il porte l'arro» gance? Il ne vous laiffe pas même le » choix de la paix, ou de la guerre. Il » vous menace: il tient des propos inful> tans: fes premières conquêtes ne fuf» fisent pas à fon ambition démefurée : il >> tente chaque jour de nouvelles entre» prises; & tandis qu'affis & les bras » croisés, vous délibérez tranquillement, >> il avance toujours & vous enveloppe » de toutes parts. Qu'attendez-vous donc

(1) Allufion à l'ufage où l'on étoit d'expofer publiquement les Prix, pour exciter dans ceux qui y prétendoient, un plus grand defir de les remporter.

» pour agir? Que la néceffité vous y force? >> Eh! quelle néceffité plus preffante, pour » des hommes libres, que la honte d'être » déshonorés par leur lâche conduite? » Vous verra-t-on fans ceffe aller & venir » dans la place publique, en vous deman◄ »dant les uns aux autres: y a-t-il quelque > nouvelle ? Eh! quelle nouvelle plus » étrange qu'un Macédonien vainqueur » des Athéniens, & maître abfolu de la » Grèce? Philippe eft mort. Non; il » n'eft que malade. Qu'il vive ou qu'il » meurt, que vous importe? s'il venoit » à mourir ne vous feriez-vous pas auffi > tôt un autre Philippe, puifque celui-ci » ne doit tous fes fuccès qu'à votre fatale » fécurité? Sortez, au nom des Dieux, » fortez de cette funefte inaction, il en > eft temps encore; & fi vous chériffez la > liberté, hâtez-vous, courez aux armes, » levez des troupes, équipez une flotte, » & renverfez les deffeins ambitieux du » Roi de Macédoine ». Ses difcours enflammés rallument & font renaître dans

les

les

cœurs, le courage & l'espoir; éclairent les Athéniens fur leurs propres périls ; opposent aux mauvais confeils, dont ils Teroient les premières victimes, des avis falutaires; attaquent & confondent les Orateurs corrompus qui les flattent, découvrent les démarches les plus fecrettes de l'ennemi ; déconcertent fes projets, & font trembler Philippe lui-même, forcé d'avouer que toutes les armées, toutes les flottes de la Grèce entière conjurée contre lui, font moins redoutables que l'éloquence de Démosthène.

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Mais comment ce grand Örateur avoit⇒ il acquis cette fupériorité qui l'éleva si fort au-deffus de fes rivaux, & qui, depuis lui jufqu'à nous l'a laiffé fans égal? Il nous l'apprend lui-même : c'eft aux dépens de fes veilles ; & il avouoit qu'il étoit affligé, quand un ouvrier, plus matinal que lui, le devançoit au travail (1). Pour

(1) Cui non funt audita Demofthenis Vigiliæ ? qui dolere fe aiebat, fi quando opificum antelucanâ victus effet induftriâ. Cic. Tufcul. 4, n. 19.

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