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de fes victoires. Il s'en établit done infenfiblement de nouveaux femblables à ceux qui firent les délices & la gloire d'Athènes.

Le grand nombre de Savans & d'Artistes Grecs, qui vivoient au milieu du peuple Romain, l'avoient familiarifé avec la langue de leur pays. On lifoit, on étudioit, on traduifoit leurs ouvrages, & Caton lui-même dans fa vieilleffe, revenu de la crainte qu'il avoit témoignée, lorfqu'il força le Sénat de renvoyer les Philofophes Athéniens, faifoit de cette étude fes plus douces occupations. Malgré l'extrême rudeffe & la groffièreté de la langue Romaine de ces temps reculés, Livius Andronicus effaya de lui donner quelque harmonie, & une certaine cadence qui la rendit plus douce & plus agréable à l'oreille. C'eft le pouvoir, en effet, de la Poéfie de polir, de perfectionner, d'embellir toutes les langues; mais quelques efforts qu'elle faffe pour s'élever, elle n'eft pas exempte elle-même, dans fon

berceau, des défauts de fon fiécle. Ce n'eft qu'à la longue qu'elle brife fes entraves, prend un effor fublime, & répand fes heureufes & brillantes influences fur le langage vulgaire. Ainfi L. Andronicus rendit toujours un grand fervice à la langue, lorsqu'il entreprit de l'adoucir & de lui procurer plus de nobleffe. Il est le premier (1) qui ait fait jouer fur un Théâtre, les Pièces qu'il avoit imitées ou entiérement copiées du Théâtre Grec. Les fragmens qui nous en refteft, nous font connoître (2) l'ufage ancien de certains termes & les formes ufitées du

temps d'Andronicus; mais ils ne peuvent nous donner aucune idée de son génie, ni de fon talent pour la Poéfie tragique ou

(1) Atque hic Livius, qui primus fabulam, C. Clodio Cæci filio & M. Tuditano confulibus, docuit, anno ipfo antequam natus eft Ennius. Cre. de Clar, Orat. n° 18. Ennius eft né vers l'an 515 de Rome, 239 ans avant l'Ere chrétienne.

(2) Voyez fragmenta veterum Poetarum Latin. pag. 1456 & 1457~

épique. Cependant quoique le ftyle d'An dronicus fe fente de la barbarie de fon fiécle, ce Poëte n'en a pas moins le mérite d'être le créateur de la Tragédie Latine, & on peut lui appliquer ce que dit Cicéron, que rien n'eft inventé & perfectionné en même-temps (1).'nepostr

Les Poëtes qui fuivirent L. Andronicus, furent Nevius, Poëte tragique & comique, & Auteur du Poëme de la guerre de Carthage, qui plaît à-peu-près, dit Cicéron, comme plairait aujourd'hui (2) une ftatue de Myran (3); Ennius, doué d'un génie fertile, heureux & plein de feu, qui introduifit le premier l'ufage des vers héroïques & enrichit la langue de nouveaux mots;

(1) Nihil eft enim fimul & inventum, & per fectum. Id. Ibid.

(2) Les Statues de Myron, Sculpteur d'Athènes, manquoient de vérité dans l'expreffion, ce qui n'empêchoit pas de les trouver belles.

(3) Tamen illius, quem in vatibus & Faunis enumerat Ennius, bellum Punicum, quafi Myronis opus, delectat. Cic. de Clar. Orat. n° 19,

Accius & Pacuvius, diftingués & eftimés parmi les anciens Tragiques Latins, pour la folidité des penfées (1), la force des expreffions & la dignité des caractères ; enfin Cecilius, excellent Poëte comique; mais aucun de ces Poëtes ne fut affez heureux, pour ne pas conferver quelque refte de la barbarie de fon fiécle. Le temps feul devoit amener par degrés cette élégance, cette urbanité qu'ils cherchoient vainement.

L'intervalle qui s'écoula depuis. L. Andronicus jufqu'à Térence, eft environ de foixante-dix ans. Plaute parut à-peu-près vers le milieu de cette époque ; & c'est à lui que la Langue Latine doit fon premier degré de perfection. Il imita les Grecs, à l'exemple des Poëtes qui l'avoient précédé, mais beaucoup plus heureusement qu'eux. Il paroît qu'à l'imitation des Poëtes

(1) Tragœdiæ Scriptores Accius atque Pacuvius clariffimi, gravitate fententiarum, verborum pondere, & autoritate perfonarum. QUINTIL. Inft. Qrat. Lib. X, Cap. I, pag. 749.

de l'ancienne Comédie grecque, il a plus cherché à amufer la multitude, qu'à plaire aux Grands, qu'il flatte peu, & aux dépens desquels, il faifoit rire le peuple. La vivacité, l'élégance, l'urbanité & le pittorefque de fon ftyle, ont fait dire que fi les Mufes vouloient parler latin, elles emprunteroient fon langage. Cependant il s'en faut qu'il foit auffi pur, auffi châtié que celui de Térence.

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Ce Poëte, le plus parfait des Poëtes comiques Latins mérita d'être admis très-jeune dans la meilleure compagnie de Rome. Il ne fit que copier Ménandre qu'il choifit de préférence pour fon modèle. Son ftyle eft d'une fimplicité fi noble, d'une élégance & d'une pureté fi parfaite, qu'on attribua fes ouvrages aux Grands de Rome, qui parloient le mieux leur langue, à Scipion l'Africain & à Lelius dont il étoit l'ami particulier. Si l'on compare Plaute à Térence (1), on

(1) Voyez les deux Préfaces de Madame Dacier à la tête de fes traductions de Plaute & de Térence.

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