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rien pour lui, il appelloit cela délivrer le Pape fans rançon.

A l'égard de l'Empereur, on exigeoit des affurances folides que le Pape n'employeroit point fa liberté à fe venger, en s'alliant directement ou indirectement, en public ou en fecret, avec les ennemis de l'Empereur; & comme tous les Traités & toutes les paroles ne pou voient donner cette affurance, on exigeoit des places de fûreté; car l'Empereur ne fe prêtoit point au projet odieux de tenir éternellement un Pape dans les fers.

La conduite de Clément fut auffi adroite que les conjonctures l'exi geoient. Il preffoit fecretement le Maréchal de Lautrec d'avancer; il l'affuroit qu'il ne concluroit rien avec les Impériaux, s'il n'y étoit forcé, ou que dès qu'il feroit li bre, il défavoueroit tout ce qu'il auroit promis, & qu'il feroit tou jours fidele à la Ligue. En tout évé nement il demandoit de l'indulgence pour les foibleffes que le malheur

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de fa fituation pourroit lui arra

cher.

L'habile Pontife avoit vu aifément

Guicciard, ce que toute l'Europe voyoit ou liy. 18. pouvoit voir comme lui; que fa deftinée ne dépendoit pas uniquement de l'Empereur, & qu'il falloit auffi fe rendre l'armée favorable; il mit dans fes intérêts le fameux Moron qui étoit le confeil de tous les principaux Chefs; il donna l'Evêché de Modene à fon fils; il lui promit à lui-même des fommes confi dérables.

Il ne fe comporta pas moins adroitement à l'égard de fon furieux ennemi le Cardinal Pompée Colonne. Ce Prélat étoit venu lui rendre vifite au château Saint-Ange, foit par bienféance, foit pour jouir de fon humiliation. Le Pape fut tirer parti de fa vanité; il s'avoua vaincu, il reconnut qu'il n'appartenoit qu'aux -Colonnes, & fur-tout à Pompée, d'abbaiffer & de relever le Saint Siége à leur gré; les titres qu'il lui prodigua de Dompteur des Papes,

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d'appui ou de fléau du Saint Siége, d'Arbitre de la Chrétienté, flatterent ce cœur ambitieux, & diffiperent infenfiblement fa haine. Le Belcar. liv Pape le voyant ébranlé, n'épar- 19 n. 43 gna ni prieres, ni larmes pour le fléchir; Colonne s'enivra de la nobleffe du perfonnage qu'il pouvoit jouer, il devint l'ami du Pape & fon protecteur auprès de l'Empereur & de l'armée; il crut que le Pape, remis en liberté, fe fouviendroit du bienfait & oublieroit les outrages.

Il étoit temps que l'Empereur relâchât le Pape, s'il ne vouloit pas qu'il lui fût arraché. Lautrec avançoit toujours fans obstacle. L'Empereur envoya de nouveaux ordres pour faire mettre le Pape en liberté, aux conditions, difoit-il, les plus agréa bles à ce Pontife. Migliau voyant que le Traité alloit être conclu, ne voulut point y prendre part, & crut devoir fe retirer à Naples. Le Général des Cordeliers s'empreffa d'exécuter les ordres de l'Empereur,

Mém.t Du Bellay

liv. 3.

& Moncade fe laffant de perfécuter 1527 le Pape, fans motif & fans inté rêt, Serenon fon Secretaire fit tout ce qu'on voulut.

Belcar. liv.

On convint donc que le Pape fe 19. n. 44. roit mis en liberté, fans rançon, dans le fens qu'on a expliqué plus haut, mais en payant 67000 ducats aux Allemans, 35000 aux Efpagnols, avant que de fortir de Rome; en donnant encore une pareille fom→ me aux Allemans, quinze jours après, & en achevant la fomme de de trois cens cinquante mille ducats dans le terme de fix mois.

Bv. 18.

Guicciard. A l'égard des Places de fûreté, on convint que l'Empereur refte→ roit en poffeffion d'Oftie & de Civita Vecchia qu'André Doria lui avoit remises depuis le premier Ttaité, après avoir été payé des quatorze mille ducats qu'il demandoit; & que de plus on remettroit à l'Empe> reur Forli & Civita Caftellana. On donna d'abord en ôtage Hyppolite & Alexandre de Médicis, en attendant que des ôtages moins pré

cieux au Pape, les Cardinaux Pifani, Trivulce & Gaddo qui devoient être les véritables ôtages, fuffent arrivés de Parme où ils étoient alors; le Pape fut obligé encore de livrer les Cardinaux Céfis & des Urfins, mais il fut obligé à quelque chofe bien plus dure pour remplir les funeftes engagemens qu'il venoit de contracter. Ses befoins les plus preffans n'avoient pu le faire consen-tir à mettre en vente la dignité de Cardinal, quoique fon Confeil l'y eût fouvent exhorté, en alléguant l'exemple de fes prédéceffeurs, qui n'avoient pas eu le même fcrupule. Guichardin attribue même principalement les malheurs de ce Pontif au refus opiniâtre qu'il fit d'employer cette reffource, refus dont on doit encore plus louer fa religion qu'on n'en doit blâmer fa politique. La religion céda enfin à la néceffité: l'infortuné Pontife, pour trouver le prix de fa liberté, vendit, en gémiffant, la Pourpre Romaine à des hommes qui s'en mon

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