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mariage, elle lui dit ; » Qu'il m'est » doux, Sire, de me voir avec vous » dans ce palais, dans ces jardins que » mon ennemi femble n'avoir em» bellis que pour moi, quoiqu'il y » ait fi fouvent médité ma perte ! « Sentiment naturel, mais indigne qui étale te vil triomphe de la vengeance & de l'ufurpation.

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Henri attendoit toujours la décifion de Rome avec toute l'impatience de l'amour; plus il la preffoit, moins il l'obtenoit. Anne de Boulen, fur l'affurance d'un prochain mariage, s'étoit enfin rendue aux defirs du Roi qu'elle regardoit déjà comme fon mari, & le Roi n'en étoit que plus ardent à folliciter le divorce. L'honneur de fa Maîtreffe commençoit à exiger qu'il l'époufât promptement & publiquement; il ne garda plus de mefures, & fe paffa Du Bellay, d'un jugement qu'on lui faifeit trop attendre ; il fit caffer fon mariage par l'Archevêque de Cantorbery, Thomas Crammer, Primat du royaume :

Mém. de

liv. 3.

Guicciard

il époufa (1) Anne de Boulen, la fit
couronner, & publia fon mariage 1. 20.
dans les Cours. Il faut rendre à Fran-
çois Premier une juftice que plu-
fieurs Auteurs Proteftans ne lui ont
pas rendue; quelque defir qu'il eût
de voir rompre tous les noeuds d'al-
liance & d'amitié entre l'Empereur
& le Roi d'Angleterre, il fut effrayé.
du parti violent que ce dernier avoit
pris, il en prévit les fuites, il les
repréfenta. Langein'oublia rien pour
porter Henri VIII. à terminer cette
affaire avec Rome par la voie de la
négociation. Rome ne put pardon-
ner le mépris que l'impatient Monar-
que avoit fait de fon autorité. Clé-
ment fortit de la prudente lenteur
avec laquelle il avoit traité cette af-

(1) Il l'époufa au mois de Janvier 1533, & elle accoucha le 3 Septembre de la fameufe Elifabeth. Mais on prétend qu'il avoit époufé fecrétement Anne de Boulen le 14 Novembre 1532.

Dinteville, Ambaffadeur de France à Londres, écrivoit à François I. le 7 Novembre 1533. » Les "principaux d'ici feroient bien marryz que le Pape euft baillé Sentence contre celle qui fouloit être Royne, car c'efte-cy ni toute fa race n'eft guéres » aymée.

"

1532. 1533.

Guicciard.

1. 18. 19.

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faire, il affembla le Confiftoire, il y 1533. prononça une Sentence d'excommunication contre Henri VIII; mais il ne la publia pas encore. François Premier en fut pourtant informé, il fit tout ce qu'il put pour appaifer & le Pape & le Roi d'Angleterre ; mais les limites de la modération étoient franchies, il étoit difficile d'y rentrer. François envoya en Angleterre l'homme le plus éloquent & le plus habile de fon royaume Jean du Bellay-Langey, Evêque de Paris frere de ces du Bellay-Langey, tous fi utiles à leur patrie. Ce Prélat, à force d'éloquence, fufpendit un moment l'éclat de la rupture. Il fit confentir le Roi d'Angleterre à négocier, il courut lui-même à Rome, où fon crédit obtint du Pape & des Cardinaux que la Sentence d'excommunication ne feroit point publiée, & qu'on attendroit l'événement de cette négociation; mais le Pape fixa un terme, après lequel il jura de publier la Sentence, s'il n'avoit pas une réponse du Roi d'Angleterre, telle

Guicciard

qu'il la demandoit. Ce fut la caufe
de tous les maux, le terme expira, le 1533.
Courier d'Angleterre n'arriva point;
l'Evêque de Paris épuifa toutes les
reffources de fon zele & de fon élo-
quence pour obtenir un nouveau dé-
lai; il repréfenta toutes les raifons,
tous les accidens qui pouvoient avoir
retardé l'arrivée du Courier; la ri-
gueur de la faifon, les vents contrai- 1. 16. 19.
res,
l'inconftance de la mer,les mau-
vais chemins la maladie, &c. le
Pape fut inflexible, il ne voyoit dans
toute la conduite de Henri VIII.
qu'un mépris choquant pour le S.
Siege, il craignoit de redoubler ce
mépris par une indulgence qui feroit
prife pour de la foiplesse. ( 1 ) Un
feul Confiftoire termina tout, & la

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(1) Il paroit par les Lettres des Cardinaux de Grammont & de Tournon, Ambaffadeurs à Rome, que le Pape, à la follicitation de François I. étoit difpofé à ménager Henri VIII; mais que le confiftoire le força d'éclater. » Tous les Cardinaux fe

defefpéroient con re le Pape, s'il n'eût fait ce qu'il a faict, dit le Cardinal de Tournon dans la Lettre du 17 Août 1533. Il dit à peu près la même chofe dans la Lettre du 27 Septembre de la même année.

Belcar. l. 20. n, 47.

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Mém. de Du Bellay

liv.

fatale Sentence fut publiée. Deux 1533. jours après le Courier arriva appor. tant des propofitions dignes d'être écoutées, & qui euffent pu l'être fi les chofes euffent été moins avancées. Le Confiftoire s'affembla, examina, délibéra; mais comme enfin le Roi d'Angleterre ne faifoit pas une réponse précife, comme l'autorité n'aime point à reculer, comme le mal étoit fait, on ne changea rien, & la Sentence eut lieu.

1534.

Belcar. 1,

La fureur de Henri, à cette nou20. n. 54. velle, ne connut plus de bornes, il rompit tous les liens de l'unité, il fe conftitua le Chef de l'Eglife Anglica. cane, il établit ce fchifme trop fameux & trop durable dont l'Eglife Romaine gémit toujours, & qu'on vit bientôt amener fur fes pas l'héréfie qui le fortifia encore ( 1

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(1) François I. l'avoit prédit au Pape quelques années auparavant, en lui recommandant les intérêts de Henri VIII. » Je crains lui difoit-il, quelque grand fcandale.... lequel redonderoit à » la diminution de l'autorité du S. Siége.... 11 » pourroit être que du côté de l'Angleterre. Votre »Sainteté n'auroit, par cy après, l'obéiffance telle

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