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fon patrimoine. Sforce n'étoit rien pour lui. Quand il le chafferoit du Milanès, il croiroit l'avoir reconquis fur l'Empereur. Si à préfent il l'en laiffoit paifible poffeffeur, c'étoit fon Traité avec l'Empereur qu'il refpe&toit. Si Louis XI. avoit eu des liaifons avec le premier François Sforce, fi Chales VIII. avoit traité avec Ludovic Sforce pour l'expédition de Naples, c'eft que Louis XI. & Charles VIII n'avoient point de droits fur le Milanès; fi, pendant la prifon de François Premier, la Régente avoit compris Sforce dans une Ligue de toutes les Puiffances Italiques contre l'Empereur; fi François Premier lui-même, après avoir été mis en liberté, avoit fouffert qu'il entrât dans la Ligue de Cognac ; & la Régente & François Premier n'avoient fait que céder à la rigueur des conjonctures. D'ailleurs, par ces Traités, Sforce étoit confondu dans la foule dès Souverains d'Italie, on ne traitoit point avec lui, on lui affignoit feulement la

15334

1533.

Mém. de

liv. 4.

place qui convenoit à l'arrangement général; enfin Sforce n'étoit point par lui-même une Puiffance.

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du

moins à l'égard de la France, il n'exiftoit par rapport à elle, que comme protégé par l'Empereur, ou comme réuni aux autres Puiffances de l'Italie.

Un Gentilhomme Milanois, nomDu Bellay, mé Merveille, qui étoit venu en France fous Louis XII. y avoit fait une fortune confidérable par les bienfaits de ce Roi & de François Premier. La vanité affez naturelle d'étaler cette fortune aux yeux de fes parens & de fes concitoyens, lui fit faire un voyage à Milan. L'éclat avec lequel il y parut, la dépenfe qu'il y fit, lui donnerent des liaifons avec les principaux Officiers de la Maifon du Duc, & le firent connoître du Duc lui-même : il lui plut. Le Duc avoit alors pour Chancelier François Taverne, qui avoit fuccédé au célebre Moron; Taverne étoit neveu de Merveille: ce dernier revint en France. Quelque

temps après fon retour, Taverne allant en ambaffade dans quelque 1533Cour étrangere, fe détourna, paffa par la France, & vit le Roi à Fontainebleau. Il lui fit entendre que le Duc de Milan feroit flatté d'avoir à fa Cour un Ambaffadeur François; que cette ambassade pourroit n'être pas infructueufe au Roi, qu'elle donneroit les moyens de traiter d'af faires également avantageufes & à la France & au Duc de Milan, mais il ajouta qu'il falloit dérober avec foin à l'Empereur la connoiffance de ces liaifons; qu'il ne falloit point que celui qui feroit envoyé, prît publiquement le caractere d'Ambaffadeur, content d'être connu du Duc fous ce titre; que pour diffiper les foupçons qui pourroient naître dans l'efprit de l'Empereur, le Roi, par des Lettres expreffes, recommanderoit au Duc cet Ambaffadeur comme un homme que des affaires particuliéres avoient conduit à Milan. Taverne ajouta qu'il falloit nommer à cette ambaffade un homme connu du Duc,

& qui lui fût agréable; il indiqua 1533. Merveille fon oncle. Le Roi approuva ces arrangemens, nomma Merveille, lui donna des Lettres de créance qui ne devoient être montrées qu'au Duc, des Lettres de recommandation qui devoient être. montrées à l'Empereur en tout événement,& affigna des appointemens à ce Miniftre déguifé.

Mém. de

Du Bellay, liv. 4.

Merveille fut bien reçu du Duc, il vivoit à fa Cour, il l'accompagnoit par-tout, il étoit de tous fes amusemens & de toutes fes fêtes : peut-être mit-il un peu de fafte dans fes démarches, peut-être la même vanité qui lui faifoit étaler fes richeffes dans fa patrie, le rendit- elle indifcret fur fon caractere d'Ambaffadeur. Quoi qu'il en foit, l'Empereur ou fut ou foupçonna que cet homme avoit un titre pour réfider auprès du Duc. Ce Miniftre François à la Cour de Milan, cette intelligence entre le Roi de France & le Duc, ce mystère répandu fur un commerce déja fi fufpect par lui-même ne pouvoient que couvrir

une trahifon. L'Empereur reprit fon ancienne colere contre fon infidele 1533vaffal, il fit des reproches & des menaces, Sforce lui envoya les fauffes Lettres de recommandation; ce ftratagême n'étoit pas affez fin pour tromper l'Empereur, d'ailleurs la même indifcrétion qui lui avoit appris que Merveille étoit Miniftre de François Premier, pouvoit lui avoir dévoilé l'artifice des Lettres de recommandation; il comprit que Sforce joignoit la fourberie au myftère, il parut doublement irrité Sforce trembla, & pour prévenir les effets du reffentiment de l'Empereur, il lui promit que bientôt il recevroit des preuves éclatantes de fa fidélité.

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Belcar. I

Merveille paffoit un jour dans les rues de Milan à la fuite du Duc. Un 20. n. sor Seigneur de la Maifon de Caftiglionè, Gentilhomme de la Chambre du Duc, les voyant paffer, s'adreffe à un des domeftiques de Merveille & lui demande d'un ton fier à qui il eft, le domeftique répond refpec

Ly

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