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puter le paffage aux François. D'Annebaut, qui fut depuis Amiral, & qui commandoit alors la cavalerielégere, Montejan qui fut depuis Maréchal de France, & qui commandoit alors l'infanterie Françoife, c'est-à-dire le corps légionnaire, furent avertis de la marche des ennemis vers Suze. Ce Pas de Suze étoit, comme on l'a déja vu, de la plus grande importance, par la facilité de le defendre avec une poignée de monde contre une armée entiere, & par l'impoffibilité prefque abfolue de le forcer. D'Annebaut & Montejan fe hâtent de prévenir les ennemis, & gagnent la plaine avant leur arrivée. Les en nemis voyant que ce Pas de Suze Langei, 1. 5. étoit franchi, reculent devant Annebaut & Montejan jufqu'au-delà de Turin.

Le Duc de Savoie, quelques mois auparavant, avoit répondu à la Déclaration de guerre du Roi, qu'il fe trouveroit à l'entrée de fes Etats pour les défendre; il ne il ne fit pas mê

Mém. de

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Mém. de

Commentar.

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me le moindre effort pour défendre fa capitale; il avertit triftement les habitans qu'il falloit céder à la forLangei, 1. 5. ce, qu'il fe voyoit obligé de les abandonner; il fit embarquer fur le Pô Sleidan. fon artillerie, fes meubles les plus précieux, & fortit par une fauffe porte du château avec la Ducheffe fa femme, & le Prince de Piémont fon fils; il fe retira à Verceil, d'où il envoya fa femme & fon fils à Milan. En partant, il confeilla encore aux habitans de fe rendre, & ils fuivirent fon confeil dès la premiere fommation. Chivas fe rendit auffi fans réfiftance.

Guichenon,

Hift. de la Maifon de Savoye.

L'Amiral de Brion établit fon camp entre Turin & Chivas, en attendant que fes troupes, qui arrivoient à la file, fuffent raffemblées. On lui a reproché de la lenteur & de la foibleffe dans cette occafion; l'on pré, tend qu'il auroit pu accabler les ennemis dans la confternation où ils étoient. Quoi qu'il en soit, lorsqu'il eut raffemblé environ seize mille hommes, il s'avança jufqu'à la Doire,

où il trouva les ennemis au nombre de quatre à cinq mille hommes d'infanterie, & de quatre à cinq cens 1536. chevaux, prêts à lui difputer le paffage. On diroit qu'une deftinée aveugle difpofe de la réputation des événemens & des hommes, ou plutôt la réputation eft fi peu de chofe que l'Etre fuprême qui gouverne tout avec un ordre impénétrable, femble quelquefois la difpenfer au hazard pour en faire fentir le néant. Le paffage du Rhin en 1672, occupe une place diftinguée dans la mémoire des hommes; les noms impofans de Louis XIV, de Condé, de Turenne, qui préfiderent à cette expédition, la conquête prefque entiere de la Hollande qui en fut la fuite, peut-être l'Epître de Boileau qui l'a célébrée, tout a concouru à immortalifer le fouvenir de ce paffage. Un autre Poëte l'a comparé au paffage du Granique fous Alexandre, & il a demandé que l'on jugeât de l'une & l'autre expédition par la comparaifon des fleuves; mais

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fi c'étoit par la comparaifon des obftacles vaincus qu'il en fallût juger ce paffage du Rhin que la postérité n'oubliera jamais, feroit peut-être un exploit ordinaire. Perfonne au contraire ne connoît le paffage de la grande Doire en 1536, fous l'Amiral de Brion, & ce paffage eft un chef-d'œuvre militaire. Les François, à la vérité, étoient en plus Mém. de grand nombre que les ennemis Langci, 1. 5. mais ils n'avoient prefque point de cavalerie, les ennemis en avoient beaucoup, & la cavalerie faifoit alors la principale force des armées. Ce défaut de cavalerie étoit d'ailleurs -un grand obftacle à un paffage qui devoit fe faire en nageant. Les ennemis avoient Medequin à leur tête, Medequin dont le nom avoit acquis le droit d'intimider. Les François arrivent fur les bords de la Doire, riviere peu large, mais profonde & rapide. Fatigués de leur marche, ils avoient befoin de repos. L'Amiral ne prétendoit ni qu'ils traverfaffent le fleuve ce jour-là, ni qu'ils le traverfaffent

verfaffent à la nage; il fe préparoit à jetter un pont. A l'afpect de l'en- 1536. nemi, le courage du foldat s'enflamme; impatient il demande, il crie, non qu'on le mene, mais qu'on lui permette d'aller. L'Amiral irrite cette impétuofité en la combattant mais il la combat, il veut qu'on attende au lendemain, il veut que le pont foit jetté. Les cris des foldats redoublent, il fembloit qu'ils fentiffent le moment de la victoire ; le Général regardant enfin leur importunité comme un de ces avis du Ciel qu'il eft dangereux de négliger, leur dit: Allez donc, & que cette ardeur ne fe démente point. A ce mot ils s'élancent tous dans la riviere, François, Lanfquenets, les troupes bien féparées, & ce qui est sur-tout admirable, les rangs auffi bien observés, dit Guillaume du Bellay, que s'ils fe faffent trouvés dans le plus beau chemin. Un Légionnaire François apperçoit du côté des ennemis un bateau qui pouvoit fervir au paffage de l'Amiral, il fe fépare de fa Tome IV. N

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