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1536.

troupe, il nage feul vers ce bateau
le détache & l'amene à fon Général,
action plus glorieuse, bien plus utile
& infiniment plus périlleufe que
celle qui a immortalifé Clélie; car
quoique les Hiftoriens nous repré-
fentent Clélie & fes compagnes paf-
fant le Tibre à la nage, à travers
une grêle de traits, outre que c'étoit
pendant la nuit, il eft à préfumer
que les Etrufques ménageoient des
femmes qui ne leur faifoient d'autre
tort que de s'enfuir,
de s'enfuir, au lieu que
tous les coups des ennemis fe por-
toient vers ce foldat téméraire, qui
en plein jour fe détachoit de fa
troupe, & marchoit à eux pour
leur nuire. Ce fut par une espece de
miracle qu'il revint à l'autre bord
fans la moindre bleffure, malgré
les décharges continuelles d'arque-
buferie que les ennemis faifoient fur
lui. Le Général, pénétré d'admira-
tion & de joie, donne, en préfence
de toute l'armée, un anneau d'or
à ce brave foldat, dont l'Hiftoire
n'a pas confervé le nom, & a peu

célébré l'action: nouvel exemple du hazard des réputations. Les ennemis étonnés de ce qu'ils avoient vu faire aux Francois, fe retirerent avec précipitation, & même avec quelque défordre; le défaut de cavalerie empêcha de les pourfuivre affez vivement pour en profiter & ils gagnerent Verceil fans grande perte.

Alors s'avança pour les défendre un Général plus redoutable encore que Medequin, Antoine de Leve. Le perfonnage équivoque qu'Antoine de Leve joua dans cette guerre, répondoit très-bien à l'état équivoque des affaires entre l'Empereur & le Roi. Comme il n'y avoit point entr'eux de rupture formelle,comme le conftant Velly fuivoit toujours la négociation, quoique François n'en fùt plus la dupe, François ménageoit l'Empereur qui faifoit femblant de le ménager. Le Roi, en recommandant à l'Amiral de pouffer fes fuccès avec vigueur, & de livrer bataille, s'il le falloit, lui

1536. Langei, 1. 5.

Mém. de

avoit enjoint expreffément de ref1536. pecter les terres Impériales. L'Empereur n'avoit pas tout-àfait les mêmes égards, il faifoit affez directement la guerre aux François; cette armée qui avoit fui devant eux des environs de Suze jusqu'à Verceil, étoit à lui. Il eft vrai qu'elle étoit commandée par un Aventurier accoutumé à fe louer à tout le monde; il eft vrai encore que comme tous ceux qui avoient de l'argent, & même quelquefois ceux qui n'en avoient pas, étoient en poffeffion de faire des levées en Italie cette armée pouvoit paffer pour être au Duc de Savoye, fi on vouloit, & qu'un défaveu n'eût rien coûté à l'Empereur, fi on eût daigné le demander. Mais comment défavouer Antoine de Leve, le plus ancien & le plus illuftre de fes Généraux? Voici le prétexte qu'il prit.

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On a dit plus haut qu'en 1534 (1)

(1) Voir le chap. 5. du liv. 3,

les intrigues & fur-tout la puiffance de Charles-Quint avoient entraîné 1536.

les Princes & les Etats d'Italie dans une Ligue pour la défense du Milanès, s'il étoit attaqué par les François. Chaque puiffance devoit fournir un contingent proportionné à fes forces; Antoine de Leve avoit été nommé Général de la Ligue, & résidoit en cette qualité dans le Milanès, où il bornoit & gênoit l'autorité de Sforce. Depuis la mort de Sforce, il étoit refté dans le Milanès, fuppofant que la Ligue fubfiftoit & avoit toujours le même objet. Si l'armée qu'il commandoit, Mém. de & qui étoit forte alors de fix cens Langei, 1. 5. chevaux & de douze mille hommes d'infanterie, étoit toute entiere à l'Empereur, c'étoit parce que l'Empereur avoit été le plus prompt & le feul fidele à fournir fon contingent: mais Antoine de Leve ne prétendoit point être Général de l'Empereur: il étoit Capitaine général de la Ligue; il n'avoit, difoit-il, d'autre objet que la défense du Mi

lanès; ce n'étoit point pour le Duc 1536. de Savoye qu'il agiffoit, & il affectoit de ne fe pas joindre à lui, il ne fe mettoit en mouvement que parce que les François, en s'approchant de la Seffia, menaçoient le Navarefe & la Lomelline. Cependant il inquiétoit extrêmement l'Amiral qui n'ofoit pourfuivre le Duc de Savoye, de peur que le Capitaine de la Ligue ne redevînt le Général de l'Empereur, & que les François ne fuffent accufés d'avoir fait éclater la rupture. Si le Duc de Savoye, qui n'avoit qu'à fortir de Verceil pour être fur les terres du Miîanès, faifoit ce pas, faudroit-il le laiffer échapper? faudroit-il le pourfuivre? Dans cette incertitude Brion eût bien voulu voir de Leve fe déclarer, & il fit ce qu'il put pour l'y engager. Il avoit fait faire quelques levées de troupes en Italie; ces troupes, pour fe rendre à son camp, devoient paffer devant l'armée Impériale, Brion demanda pour elles un fauf-conduît à de Leve, qui

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