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à Velly s'il avoit quelque chofe de nouveau à lui apprendre, (quoiqu'il 1536. fût très-bien qu'il étoit impoffible que Velly eût eu en fi peu de temps de nouvelles dépêches de France) leur dit : » Vous ne favez donc rien » des dernieres intentions de votre » Maître? Eh bien! fuivez-moi tous » deux chez le Pape, vous y appren » drez les miennes. <<<

Les Ambaffadeurs de Venife fe trouvoient alors chez l'Empereur, il leur dit auffi de le fuivre chez le Pape. Ils entrent tous dans la falle du Confiftoire, où les Cardinaux affemblés attendoient le Pape. L'Empereur s'entretint avec eux. Le Pape, foit naturellement, foit pour écarter tout foupçon de connivence fur ce qui alloit fe paffer, lui envoya demander s'il vouloit monter dans fa chambre. Non, répondit l'Empereur, j'attendrai le Pape ici. Le Pape defcend, accompagné de fes Miniftres, & fuivi d'une nombreuse Cour. L'Empereur annonce qu'il a les chofes les plus importantes à dire

1536.

Langei, 1. 5.

en préfence du Sacré College. Le Pape voulut faire fortir tout le monde, excepté les Cardinaux. » Non, » dit l'Empereur, que perfonne ne »forte, ce que j'ai à dire doit être » entendu de tout le monde. «< Alors il commença la fatyre la plus vioMém. de lente & la plus injufte contre les François & contre leur Roi; il retraça toute l'hiftoire de fes démêlés avec eux, il rappella tous les Traités conclus par fa modération, rompus par leur infidélité; il étala tous leurs torts en remontant jufqu'à Louis XII. & jufqu'au Livre rouge de Maximi lien. Sa conduite avoit toujours été irréprochable, la leur toujours inexcufable. Sforce avoit eu raifon de faire trancher la tête à l'Ambaffadeur de France; François Premier Belcar. 1. avoit eu tort de vouloir venger fon 21. 22,23 Miniftre: c'étoit un vain prétexte 24,25,26,27. qu'il avoit pris pour violer le Traité

de Cambrai. L'Empereur finit par Sleidan. propofer fiérement à fon rival le Commentar. choix de trois chofes; du Milanès pour le Duc d'Angoulême, du Duel,

1. 10.

ou de la Guerre. S'il accepte le Duel, ce Duel toujours propofé, jamais 1536. exécuté, l'Empereur offre de combattre en chemise l'épée ou le poignard à la main; mais il veut que d'un côté le Duché de Milan, de l'autre le Duché de Bourgogne,foient mis en fequeftre pour appartenir l'un & l'autre au vainqueur. Si c'eft la Guerre qui eft acceptée, il jure de ne pofer les armes que quand il aura réduit fon rival, ou qu'il aura été réduit lui-même à la condition du plus pauvre Gentilhome de l'Europe. Ici il infulte cruellement les foldats & les Généraux François : »Si-je n'en avois que de tels, dit»il, j'irois tout à l'heure, les mains » liées, la corde au col, implorer » la miféricorde de mon ennemi. » Emportement bien indécent & bien indigne d'un fi grand Prince, qui, dans l'affaire du cartel, avoit luimême fait rougir François Premier d'un emportement beaucoup moindre contre les Miniftres Impériaux. Il finit par exhorter le Pape, le Sa

cré College, tous les Princes d'Ita1536. lie, tous les Princes Chrétiens de s'unir à lui contre l'Allié des Infideles, & le perturbateur du repos de la Chrétienté.

Lorfque dans l'affaire du cartel l'Empereur & le Roi avoient fait l'un contre l'autre, avec tant d'appareil, chacun dans leur Cour, de grands plaidoyers bien injurieux & bien impofans, il leur avoit été facile d'avoir raifon chez eux, & de fe donner gain de caufe dans leur propre Tribunal. Le difcours de l'Empereur à Rome, tiroit bien plus à conféquence. C'étoit dans une Cour étrangere, c'étoit à la face des Miniftres des diverfes Puiffances, c'étoit dans un Tribunal prefque fans intérêt, devant le Pere commun des fideles, devant le Mem. de Chef de la Chrétienté, qu'un Prince Langei, 1. 5. Chrétien citoit un Prince Chrétien, & qu'il le diffamoit avec un éclat & un fcandale capables d'imprimer une tache à fa gloire, s'il ne fe défendoit pas, ou s'il fe défen

doit mal. (1) L'attaque étoit violente & imprévue; la préfence des 1536. Ambaffadeurs François rendoit pour ainsi dire, la caufe contradi&toire; mais l'Empereur avoit pris trop d'avantage fur eux, il avoit depuis longtemps préparé cette fcène, & arrangé fon difcours, On remarqua même qu'en parlant il avoit dans la main un papier fur lequel il jettoit de temps en temps les yeux. D'ailleurs tout, dans ce difcours, annonçoit l'art & le travail, comme tout y refpiroit l'artifice. Les Ambaffadeurs François étoient confondus, ils ne s'étoient

(1) Il ne s'agit pas ici d'une compétence réguliere. Le Pape alors n'en prétendoit aucune fur les Rois, & ni l'Empereur, ni François Premier n'en reconnoiffoient aucune en lui. Il s'agit de cette compétence naturelle & univerfelle, acquife à tout homme, de juger à fon tribunal particulier la conduite & le caractère de ses semblables; compétence à laquelle tout homme d'honneur fe foumet taci tement & volontairement, par le foin qu'il prend de fa réputation, & par le defir d'acquérir de la gloire ou de conferver celle qu'il a acquife. Cette compétence du Pape étoit encore confirmée par le defir qu'avoient les deux Princes de l'attirer cha, cun à fon parti,

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