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» Votre Majefté les trouvera bien » défobéiffans, j'ose l'en affurer. « 1536, L'Empereur s'imaginant toujours, ou feignant de s'imaginer qu'il alloit parcourir la France de victoire en victoire, demanda combien il y avoit de journées du lieu où il étoit jufqu'à Paris: » Si par journées, dit »la Roche du Maine, vous entendez des batailles, il y en a au moins » douze, à moins que vous ne foyez >> battu dès la premiere. Vous voyez, » S. M. dit à l'Empereur un de fes » Courtisans , que la Roche du » Maine ne refte jamais court, & je » vous l'avois bien dit. « Le Marquis de Saluces caché alors dans la foule de ces Courtifans, voulant fe rendre utile à fon nouveau Maître tâchoit de perfuader aux ôtages que les François devroient évacuer Foffan, & fe retirer en France avant le terme fixé par la capitulation: les ôtages rioient de fa propofition, & admiroient que ce.traître efpérât les féduire.

C'étoit un fpectacle fingulier que

1536.

cette armée immenfe de l'Empereur, arrêtée pendant un mois devant une Place qui ne fe défendoit point, & occupée à nourrir fon ennemi dans cette Place, en attendant qu'il acquît peut-être les moyens de fe dếfendre. Cette inaction forcée impatientoit l'Empereur, mais il étoit lié par la capitulation, il la respecta: le Roi de fon côté n'ayant pu envoyer de fecours, trouva bon que Foffan fût évacué au terme convenu; il avoit gagné plus de temps qu'il n'en efpéroit, & la Roche du Maine l'avoit bien fervi. Au jour marqué, un Commiffaire Impérial vint dans la ville mefurer les chevaux pour retenir ceux qui, fuivant la capitulation, devoient refter avec l'artillerie. On prétend qu'il ufa du droit du plus fort pour commettre quelques injuftices dans cette opération. Les Impériaux en commirent encore une autre, ce fut de piller les bagages des François, dont la fiere contenance & les enfeignes déployées à leur fortie, fembloient infulter à

ces forces fupérieures qui n'avoient pu les réduire.

1536.

Le Feron

Vales.

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Quelques Auteurs disent que les François n'étoient point en refte avec les Impériaux du côté de l'infidélité, & que par une fraude qui n'étoit pas exempte de cruauté, ils avoient raffafié de froment, pendant huit jours, tous les chevaux qu'ils devoient livrer, fans les laiffer boire; de forte qu'au premier abreuvoir où les Impériaux les menerent, il bûrent avec excès, &, Dupleix; creverent prefque tous. Quoi qu'il Francifc. en foit de ce fait que Dupleix rapporte d'après le Feron, les François ne purent fe retirer ni à Coni, dont Saluces avoit rendu maître les Impériaux, ni à Turin, dont on ne permit pas aux François d'aller augmenter les reffources, ils furent obligés de gagner Feneftrelles, la premiere Place frontiere de France du côté des Alpes, toujours inquiétés dans leur route, foit par les Gendarmes Impériaux qui fortoient des différentes garnifons pour faire des

Mém. de Langei, 1. 61

courfes, foit par les payfans attrou 1536. pés & armés, qu'on rencontroit dans les montagnes.

Il ne refta plus aux François en Piémont que Turin, toujours affiégé par Scalenghe, & défendu par d'Annebaut. Il falloit de l'argent pour en payer la garnifon, cet argent étoit tout prêt, la difficulté n'étoit que de le faire tenir à Turin. JeanPaul Cerès fut chargé de cette commiffion. On lui donna une troupe peu nombreuse & très-lefte, avec laquelle il falloit qu'il pénétrât de Suze à Turin par un chemin étroit refferré entre de hautes montagnes; il falloit auffi qu'il paffât par beaucoup de Places où les Impériaux avoient garnison: il fut vaincre tous les obftacles, échapper à tous les périls, it arriva à Turin, n'ayant pas perdu un feul homme, & n'en ayant eu que deux de bleffés.

L'Empereur avoit fi peu compté que Turin pût tenir, qu'il avoit crit pouvoir le laiffer en arriere; cependant le parti du Roi fe fortifioit de

ce côté-là par des levées confidérables qu'il avoit fait faire en Italie: d'Annebaut faifoit de fréquentes forties, & rentroit toujours avec du butin & des prifonniers. Les Impériaux avoient un excellent magafin, affez mal gardé, à Ciria, petite ville à fept mille de Turin; d'Annebaut le fut & s'en empara; il commençoit à s'étendre impunément; quoiqu'affiégé, il affiégeoit lui-même, & prenoit des Places: il prit Rivoli, Veillane, & quelques autres Places autour de Turin. De ces petites entreprises il s'élevoit par dégrés à de plus grandes; déja il avoit réfolu de reprendre Foffan par furprise. Marc-Antoine. Cufano, Capitaine plein de vigilance & de courage, lui propofa une autre expédition plus utile, ce fut de s'emparer de Savillan où l'Empereur avoit un magafin immenfe d'artillerie, Cufano étoit averti par fes efpions que la garnifon de Savillan s'écartoit quelquefois dans la campagne pour fourager, & que pendant une de

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