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reur la gloire d'avoir eu plus de lumieres que fa Cour, que fon Confeil, & d'avoir vaincu contre l'efpérance 1536. de fes Capitaines les plus expérimentés. Le vieil Antoine de Leve fe diftingua parmi ces contradicteurs politiques. On le vit fortir de fa chaife, dont la goute lui rendoit l'usage toujours néceffaire, & comme fi le zèle eût fufpendu fes infirmités, fe jetter aux pieds de l'Empereur, le conjurer les larmes aux yeux de ne point expofer fa gloire aux hafards d'une expédition fi témeraire. Cependant on favoit, ou l'on croyoit favoir, qu'il étoit en fecret l'inftigateur le plus ardent de cette expédition, qu'il s'attendoit à être Viceroi de France, & à mêler un jour fes cendres avec celles des Rois de France à S. Denis. Au reste quel que fût le langage des divers Courtifans, la même efpé rance les animoit prefque tous ; ils comptoient fur la fortune de l'Empereur, ils comptoient fur fes forces, ils le voyoient à la tête d'une

armée (1) qu'ils eftimoient invinci 1536. ble; les foldats ne refpiroient que le pillage, ils dévoroient dans leur cœur les plus riches provinces de France, l'Empereur leur en promettoit la conquête. « Je veux, dit-il à >> ceux de fes Courtifans qui avoient » l'adroite lâcheté de le contredire

je veux prendre mes foldats pour » Juges entre vous & moi. Si les foi»bles périls dont nous devons ache»ter les plus immenfes conquêtes, » étonnent leur courage, je renon»ce à mon entrepife. » Il fait affembler l'armée, il la fait ranger en bataille, il parcourt tous les rangs d'un eil attentif & encourageant, il les harangue avec chaleur, il leur montre dans une perspective riante & prochaine, la victoire & la fortune; il leur peint le malheur des provinces condamnées à être le théâtre de la guerre, il leur demande s'ils n'aiment

(1) Elle étoit compofée de vingt deux mille Allemans, de dix mille Efpagnols., de douze mille Italiens, de deux mille cinq cens hommes d'armes de diverfes Nations.

pas mieux rejetter ces horreurs fur des provinces ennemies, que de les attirer au centre de l'Italie ;s'ils n'ai- #536. ment pas mieux recueillir un butin immenfe dans des terres conquifes, que d'être réduits à leur folde, en défendant avec peine leur propre pays. «Si vous êtes réfolus de me fuivre, dit-il, qu'un cri militaire » m'annonce vos généreufes difpo»fitions & votre jufte impatience » d'être menés à l'ennemi. » Auffitôt le cri que l'Empereur demandoit, s'éleve dans tout le camp. L'Empereur applaudit au zèle de fes foldats, il leur rappelle leurs victoires, il les loue, il les flatte. » Je l'ai déja » dit devant une augufte affem» blée, (1) & je le répete ici, fi le Roi de France avoit des foldats » auffi braves que vous, fi j'en avois d'auffi mauvais que les fiens, j'l» rois tout à l'heure les mains liées, » la corde aur col, implorer fa mifé » ricorde. »

(1) A Rome, au Confiftoire.

Cet étrange propos pouvoit être 1536. bon à tenir devant ses foldats, l'Empereur fuppofoit que François Premier, malgré tous fes efforts, n'auroit jamais de bonne infanterie nationale, & il fe flattoit qu'elle ne feroit point fuppléée dans cette guerre par l'infanterie étrangere, il croyoit avoir enlevé aux François toute reffource à cet égard du côté de l'Allemagne & de la Suiffe; mais en Allemagne l'actif & fage Langer avoit, comme on l'a vu, change la difpofition des efprits. A l'égard des Suiffes, il eft vrai qu'une nouvelle délibération du Corps Helvétique provoquée par les intrigues de l'Empereur, défendoit aux Suiffes de porter les armes hors de leur pays; peutêtre cette loi eût-elle été exécutée fi François Premier eût été l'aggreffeur, & qu'il eût porté d'abord la guerre dans le Milanès; mais quand on fut qu'elle alloit être portée dans la France même, & qu'il s'agiffoit feulement de défendre d'anciens Alliés, les Suiffes s'enrôlerent en foule

fous les drapeaux des François, & le Gouvernement Hélvétique ferma les yeux fur cette violation de fa loi. Il y en eut près de vingt mille qui s'engagerent au fervice du Roi. Le Roi voulut les aller voir paffer à Monluel, il donna de fa main à chaque Capitaine une chaîne ou collier d'or de cinq cens écus, ils gagnerent enfuite Valence où le Roi fe rendit, lorfqu'il fut affuré que l'Empereur avoit pris la route de Provence. L'armée Impériale, après avoir traverfé le Comté de Nice; arriva à S. Laurent, premier bourg de France du côté de la Provence, féparé du Comté de Nice par le Var.

1536.

Mém. de

Langei, 1.7.

L'Empereur eut foin de faire fes arrangemens de maniere qu'il arri- Du Bellayva fur les terres de France le 25 Juil- Dupleix, let, jour doublement remarquable: hift. de Fran 1o. Parce que c'eft la Fête de S. Jac- ce. ques, Patron de l'Espagne,& particuliérement honoré, même par les Allemans; qui depuis plufieurs fiecles s'empreffoient d'aller à Compoftelle faire leurs dévotions fur le tom

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