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on ne peut penfer fans frémir ? Un 1536. Roi jufte & bon, des Juges, des Evêques, tout ce que l'Etat a.de grand & de refpectable, se sera-t-il uni pour faire cet outrage à l'humanité? Se peut-il qu'une politique infernale ait voulu faifir cette occafion d'exciter par la calomnie une haine univerfelle contre l'Empereur?

Ou bien faut-il croire que la jeune Médicis au crime horrible d'avoir empoisonné fon beau-frere, ait fu joindre à dix-fept ans le crime habile de tourner vers l'Empereur les foupçons d'un peuple, qui, à la vérité, defiroit de le trouver coupable?

Ou bien enfin ce Montécuculi étoit-il un de ces Aventuriers, moitié fcélérats, moitié fous, qui, fans complices comme fans motifs, dans un accès de fuperftition religieufe ou politique, attentent à la vie des Princes qu'ils ne connoiffent point, & troublent un Etat fans fervir perfonne. Cette idée leveroit affez les difficultés, elle n'est point démentie

par l'Arrêt de Montécuculi, qui garde le plus profond filence fur l'Em 1536. pereur, & fur tout autre inftigateur du crime.

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Mais prefque tous les Auteurs qui ont cru Montécuculi coupable, l'ont regardé comme un inftrument employé par de Leve ou par Gonzague fous la direction de l'Empereur; les autres, ou ont accufé Catherine de Médicis, qui ne paroît pas avoir été crue coupable en France ou ont jugé qu'il n'y avoit ni crime, ni criminel, & que le Dauphin avoit péri d'une mort nåturelle; ce qui rendroit l'Arrêt inexpliquable. L'idée qu'on vient de fuggérer pour l'expliquer, eft abfolument nouvelle, ce qui ne prouve pas qu'elle foit fauffe.

Des pieces du temps, témoignent que le peuple exerça fur le cadavre déchiré de Montécuculi, toutes ces barbaries, toutes ces horreurs qui lui font familieres, c'étoit du moins une marque de l'amour qu'il portoit au Dauphin, il n'y a que les

hommes dont l'éducation a poli les

1536. moeurs, qui fachent refpecter le malheur & la mort jufques dans un fcélérat.

L'Arrêt nous fournit une circonftance qui mérite d'être relevée, c'est que Montécuculi s'étoit donné un complice, qu'il avoit accufé le Chevalier Guillaume de Dinteville, Seigneur Defchenets, d'avoir eu connoiffance de fon projet d'empoisonner le Roi. Il prétendoit le lui avoir confié à Turin & à Suze, mais cette accufation ayant été reconnue fauffe, l'Arrêt condamne Montécuculi à faire une réparation publique à Dinteville & adjuge à celui-ci une amende confidérable fur les biens confifqués de fon téméraire accufateur. Des Juges qui répriment ainfi une calomnie contre un particulier auroient-ils prêté leur miniftere à autorifer une calomnie contre l'Empereur, ou auroient-ils calomnié Montécuculi lui-même par l'Arrêt qui lui arrachoit la vie?

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L'Arrêt ne punit & ne nomme

qu'un coupable, il faut au moins n'en pas chercher davantage. C'est ainfi que les fait's feroient quelquefois clairs & fimples, fi on ne confultoit que les actes; ce font fouvent les Historiens qui gâtent & embrouillent tout par des récits ou obfcurs, ou infideles, par des conjectures téméraires, par leurs préjugés groffiers, ou par la fauffe fineffe de leurs vues, & par leur amour pour les ténebres myftérieufes d'une politique chimérique.

L'Arrêt offre encore une circonftance qui n'est pas indifférente, c'eft qu'on trouva un Traité de l'ufage des poisons, écrit de la main de Montécuculi.

.1536.

5 & 6.

Quoi qu'il en foit de toute cette * Mém. de funefte aventure, fur laquelle il man- Langei, liv. que encore bien des lumieres, 1) s'il eft vrai que l'Empereur eût fait faire toutes ces prédictions qui annonçoient un grand malheur, à Fran

(1) Adeò maxima quæque ambigua funt, dit Tacite, Annal, l. 3. c. 19.

·1536.

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çois Premier dans l'année 1536, dut bien reconnoître le danger de ces artifices politiques, qui fouvent retombent fur leur auteur; il étoit justement puni par les injuftes foupçons (1) qu'il effuyoit, & qui ne Arnold. Fer- purent être entiérement diffipés par licar. lib. 8. la fincérité de fes regrets fur la mort Francife. Va du Dauphin, qu'il avoit eu long

ron. rer. Gal

lef.

(1) Il paroît que la haine de Henri IV. contre I'Efpagne, renouvella dans la fuite ces foupçons. Malherbe, vers la fin du même fiècle, difoit comme un fait reconnu :

François, quand la Caftille, inégale à fes armes,
Lui vola fon Dauphin,

Sembloit d'un fi grand coup devoir jetter des larmes
Qui n'euffent jamais fin.

Il les fecha pourtant, & comme un autre Alcide;
Contre fortune inftruit,

Fit qu'à fes ennemis d'un acte fi perfide,
La honte fut le fruit.

C'est un Poete qui parle, & fon témoignage', d'ailleurs moderne, ne prouve pas plus pour l'empoifonnement du Dauphin par les Impériaux, que pour l'inégalité des armes de la Caftille, fi fouvent victorieufe fous ce regne.

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