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1536.

pés, parcoururent la ville en ordre de bataille, criant Gascogne, pour inviter tous ceux de leur Nation à fe ranger fous leurs drapeaux. Le Comte de Carmain leur Colonel fe préfenta devant eux l'épée à la main pour les retenir; ils refuferent de l'entendre, & menacerent de le tuer ; ils allerent à l'Hôtel de ville, ils en briferent les portes brûlerent les regiftres, mirent les prifonniers en liberté. Ce fut encore Bonneval qui eut l'honneur d'éteindre ce nouvel incendie, mais il fut obligé de joindre l'adreffe à la vigueur. Sans irriter les mutins if négocia fecretement avec leurs Officiers; il mit dans fon parti ceux des Garçons qui n'avoient point eu part à la révolte, il les affermit dans leur devoir, il leur fit fentir la néceffité d'un grand exemple dans ce grand renversement de l'ordre. Le Comte de Carmain ayant repris quelque autorité fur fa troupe, la fit fortir le lendemain matin de la ville par ordre du Prince de Melphe

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& de Bonneval, qui ayant raffemblé tout le refte de la garnifon, en 1536. vironnerent les Gafcons de toutes

parts, & ordonnerent à Arzac d'amener les auteurs de la fédition, Arzac préfenta les deux qu'il lui importoit le moins de conferver; le Prevôt de l'armée les fit exécuter fur le champ en préfence de toute la garnifon. Mais on vouloit une juftice plus complette & plus rigoureufe, Arzac eut ordre de préfenter de nouveaux coupables.

Oh! bien, répondit-il avec co»lere, ils le font tous, & fi vous » êtes fi avide de ce fpectacle de » fupplices, faites donc préparer » des gibets pour la troupe entiere.» Sa défobéiffance l'ayant fait juger coupable lui-même, on lui ôta fon enfeigne, on le caffa ainfi que fa troupe, & on lui donna ordre de la conduire au camp d'Avignon, où le Maréchal ordonneroit de fon fort. La garnifon contente d'être délivrée de ces rebelles, rentra dans la ville. Arzac fe fentit apparemment trop

coupable pour ofer paroître devant

1536. le fevère Montmorenci, il prit la fuite, fa troupe se débanda.

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Tel étoit alors le défaut de difcipline en France; l'indocilité des · Chefs s'étendoit jufqu'aux foldats, en qui elle devenoit férocité. Cette indocilité funefte tenoit à l'esprit de Chevalerie, qui ramenant tout aux expéditions particulieres, & à la gloire perfonnelle, nuifoit à l'unité de vues & au concert dans l'exécution; mais le même efprit de Chevalerie fourniffoit auffi le contrepoids c'étoit l'honneur. Telles

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étoient les moeurs militaires de ce temps; l'occafion de les peindre par des traits marqués, & de remonter à leur principe, doit être précieuse à l'Hiftoire & à la Philofophie.

Ce fut au milieu de tous ces troubles que le marquis du Guast se préfenta pour reconnoître Arles. S'il eût vu l'intérieur de la Place, s'il eût vu le levain de difcorde qui y fermentoit, il eût fans doute été d'avis de tenter le fiége; mais ne

pouvant obferver que les dehors, il ne vit que la vigilance des Chefs, 1536. l'ardeur des foldats, fur-tout l'activité infatigable des travailleurs, qui en treize jours avoient tellement métamorphofé la Place, que tous les endroits connus pour foibles étoient devenus les plus forts. Caché derriere des moulins à vent, fur une éminence qu'on lui avoit annoncée comme propre à plonger fur la ville, il s'affura qu'on avoit remédié à cet inconvénient & à tous les autres. Bientôt il vit qu'il étoit découvert, & qu'on avoit pointé contre lui deux piéces d'artillerie auxquelles on alloit mettre le feu; il n'eut que le temps de fe jetter fur le côté pour éviter le coup. Son cheval couvert de terre s'effraya, prit le mords aux dents, l'emporta heureufement pour lui du côté oppofé à la ville,& il eut peut-être en core à la promptitude de cette fuite l'obligationde n'être pointpoursuivi. L'Empereur voyant l'impoffibi`lité d'attaquer aucune des Places de

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la Provence, crut que touté l'atten1536. tion des François s'étoit tournée de ce côté-là, & qu'ils pouvoient avoir négligé la défense du Languedoc, il réfolut d'y pénétrer par le Rhône; fes galeres attaquerent une tour qui défendoit l'embouchure de ce fleuve, mais rien ne lui réuffiffoit alors. l'artillerie de la tour coula à fond une de fes galeres, & obligea les autres de fe retirer. Au refte, il eût peu gagné à forcer la tour, la vigilance du Roi s'étoit étendue fur le Languedoc; Nifmes, Béziers, Beaucaire, les deux rives du Rhône toutes les Places à portée d'être attaquées avoient été mifes en état de défenfe, & les ordres étoient donnés pour lever dans cette Province Loutes les troupes néceffaires.

Les bravades font la reffource de Fimpuiffance. L'Empereur fe remit à publier que fans s'amufer à des fièges inutiles, il alloit marcher droit au camp d'Avignon. La hous velle de ce deffein, portée au camp de Valence, fit naître dans le cœur

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