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Mém. de

mais le Comte de S. Pol, peu fait pour l'inaction, indigné des fubter- 1529. fuges perpétuels du Duc d'Urbin, & jaloux de fon ascendant, déclara Du Bellay, qu'on n'obtiendroit jamais de lui liv. 3. qu'il reftât les bras croifés ; & que, puifqu'on renonçoit à faire le fiege de Milan, il iroit ailleurs chercher la gloire & fervir fon Maître. En effet, une autre expédition plus importante pour les François que le fiege même de Milan, tentoit tou jours fon courage : c'étoit la réduction de Gênes. Cette Place devoit appartenir au Roi, s'il en faifoit la conquête, au-lieu que Milan devoit être remis au Duc Sforce. D'ailleurs Saint Pol ne fe confoloit point d'avoir vu prendre Gênes, & de fon→ ger que fon commandement dans I'Italie ferviroit d'époque à la perte de cet Etat. Pendant qu'il erroit entre le Tefin & Milan, mécontent de fes Alliés, & méditant les moyens de venger feul cet affront, de Le. ve lui en fit effuyer un autre. Ce fameux Philippe Torniello, qui

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avoit été pris en l'année 1522 dans Novare, vivoit encore. Sa haine pour les François étoit devenue moins féroce, mais non moins vive, depuis fa captivité. De Leve l'envoya faire le fiege de cette même ville de Novare; le château tenoit encore pour l'Empereur, & Torniel y fut aifément introduit ; il lui fut aifé auffi, avec le renfort qu'il amenoit, de réduire la ville. Mais on vit alors un fingulier exemple du danger de la fécurité. Torniel étoit allé faire des courfes pour fe procurer des vivres, & le Commandant du château étoit allé fepromener dans la ville, l'un & l'autre ayant laiffé tout paifible & fans aucune apparence de mouvement. Deux. foldats de Sforce qui avoient été faits prifonniers, & trois habitans de Novare, qu'on favoit être malintentionnés pour l'Empereur, étoient gardés dans le château, mais ils l'éfoient affez négligemment depuis la réduction de la ville; ils échappe rent aifément à leurs gardes, ils mi

rent quelques ouvriers dans leurs intérêts, on leur fournit des armes. 1529. ils égorgerent une partie de la garnifon, s'affurerent de l'autre, fe rendirent maîtres du château ; ils favoient que quand Torniel étoit parti pour faire le fiege de Novare, les Alliés avoient de leur côté fait partir un corps de troupes pour la défense de cette place; ils s'attendoient donc à être fecourus: mais lorfqu'au lieu des troupes des Alliés, ils virent arriver Torniel écumant de colere, qui inveftiffoit le château, qui préparoit l'affaut, qui juroit de ne faire aucune grace aux rebelles, s'ils ne se rendoient à l'inftant, la frayeur les faifit, ils remirent le château moyennant la vie fauve feulement.

Cependant le zele inhabile de Saint Pol l'entraînoit à fa ruine; il vouloit toujours marcher feul contre Gênes, & il étoit déjà en route. II fe propofoit de paffer par Pavie pour gagner le Tortonefe, il en Guicciard voyoit devant lui fon avant-garde liv, 19

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avec l'artillerie & les bagages, qui devoient l'attendre à Lardarigo près de Pavie, où il comptoit fe rendre le lendemain, & il s'avança jufqu'à Landriano. De Leve inftruit de fa marche fachant qu'il étoit feul, féparé non-feulement des autres corps de la Ligue, mais encore de fon avant-garde & de fon artillerie, jugea qu'il ne trouveroit jamais une plus belle occafion de le battre ; il va, malgré la goutte qui le tourmentoit, livrer une camifade aux François à Landriano ; il les Du Bellay, furprend & les met aisément en défordre, Saint Pol ne trouva que du courage à lui oppofer; il fit avancer tour à tour, & toujours au hazard, les Lanfquenets, la Cavalerie, & quelques troupes Italiennes qu'il avoit avec lui : tous ces différens corps repouffés, renverfés les uns fur les autres, ne firent qu'augmenter la déroute.

Mém. de

liv. 3.

On rencontroit par-tout de Leve, qui ne pouvant monter à cheval, à cause de sa goutte, fe faifoit

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porter tout armé, dans une chaife, par quatre hommes. Saint Pol, entraîné dans la fuite des fiens, fe trouve arrêté par un large foffé, il pouffe fon cheval pour le franchir, le cheval fe cabre, réfifte, s'élance & tombe enfoncé dans la fange; Saint Pol eft fait prisonnier, ainsi que Jérôme de Caftiglionè, & Claude Ran- Belcar. liv gone, qui commandoient les Italiens de l'armée Françoife. Plufieurs autres Officiers diftingués furent pris avec lui. Annebaut seul, monté sur Guicciard un cheval ou plus hardi, ou plus liv.19 vigoureux, paffa heureusement le foffé. La perte fut auffi grande qu'elle pouvoit l'être; la cavalerie qui fuyoit toute effrayée vers Pavie rencontra l'avant-garde, & lui communiqua fon effroi; celle-ci fe mit à fuir auffi, en abandonnant l'artillerie & les bagages, qui tomberent au pouvoir du vainqueur. L'armée du Comte de Saint Pol fut entiérement diffipée ; les foldats qui refterent, reprirent la route de Fran

ce.

Mém. de Du Beliay liv. 3

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