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FABLE I V.

La Vertu, l'Opulence, & l'Indigence.

UN jour la Vertu vint für terre,

Et ne fçavoit où fe loger.
L'Indigent offrit sa chaumiére,

Et la vertu l'accepte, & crut que fans danger
On vivoit fous un toît ruftique,
C'eft-à-dire, à l'abri de tout funefte écueil.
D'abord l'Indigence fe pique

De faire à fon Hôteffe un gracieux accueil.
Le fait eft très-louable, & fous un ton mystique
Qui laiffoit entrevoir l'orgueil,

Elle méprifoit l'Opulence,

Et dans le fil de fon difcours

La Médifance

Prit féance.

Enfin au bout de quelques jours
La Vertu vit chez l'Indigence
La Fraude & la Duplicité,
Le Défespoir & l'Envie,
Dignes Enfans de la Néceffité.

Elle s'en fut & dit, ah ! quelle perfidie!

Croiroit-on l'Indigence avoir pareils défauts ?

Chemin faifant elle vit l'Opulence

Qui vivement l'aborde & lui tient ce propos:
Je vous cherche partout, marchons en diligence
Suivez-moi, charmante Vertu,

Je vous prépare un fûr azile,
Où vous ferez à bouche que veux-tu :
Là vous aurez l'agréable & l'utile,
Chez moi les ris, les jeux & les plaifirs

Seront au gré de vos défirs.

La Vertu répondit: cela ne peut me plaire,
Ce que vous propofez eft pour la Volupté;
Je n'irai point chez vous. Quand je refte fur-terre
C'eft chez la Médiocrité

Où je loge pour l'ordinaire.

Ce difcours eft fimple, ingénu;

Mais il y refte un certain voile.

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FABLE V.

L'Enfant & les Fleurs.
UN jeune Enfant dans un parterre

Avide de cueillir des Fleurs',

Dit en lui-même, il faut me fatisfaire,

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Tout m'offre ici mille douceurs
Voyant une Rofe vermeille,
Il voulut d'abord s'en faifir;
Mais il ne vit point une abeille',
Dont l'aiguillon lui fit fentir
Qu'il achetoit bien cher un frivole plaifir.

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UNE Fourmi dans la belle faison

Travailloit, amaffoit fans ceffe.
De tant de bien que faifoit-elle donc?
Par un penchant très-rare à fon efpece;
Elle en donnoit à qui n'en avoit pas :
Il eft beau d'aider fon femblable.
Semblable ou non, ce n'eft pas-là le cas

A tous elle étoit fecourable :
Tout petit Animal pouvoit en fûreté
La venir voir, il étoit bien traité,
Quoiqu'il y fit chére frugale;
Et l'on m'a même raconté
Que la fainéante Cigale

Avoit auffi part au gâteau;

Enfin notre Fourmi n'avoit pas fon égale ¿

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Vous vous croyez un talent fingulier;
Mais trop de gloire eft fouvent très fatale;
A quelque rang qu'on fe trouve monté,

La fierté de nos cœurs devroit être profcritte
Un efprit de docilité
Illuftre toujours le mérite.

FABLE VIII.

"La Vigne-Vierge.

UN Payfan de bon fens, d'esprit mûr

Entrant un jour dans un Auberge,
Apperçut une Vigne-Vierge
Qui tapiffoit la furface d'un mur.

Ah! ah! dit-il, cette vardure
Eft là placée on ne peut mieux;

Mais n'eft-ce pas une parure,

Et ne voudroit-on pas dérober à nos yeux
Quelque difformité d'une vieille mazure?
Approchons-nous, examinons de près.
Etant au pié de la muraille

Il écarte les branches. Mais,
S'écria-t'il, quoi! ce n'eft rien qui vaille
Le deffus paroît bon, c'eft graine de niais,
Et le deffous ne vaut pas maille.

Plus d'un Faquin, dans un Bureau,
Paré d'un Emploi d'importance,
Fait le quelqu'un, l'homme de conféquence;
Et ce n'eft rien moins qu'un zéro.
Cette Fable vient mieux, je pense,
A ces hommes présomptueux

Qui n'ont de beau que l'apparence,
Et dont l'intérieur eft très-défectueux.

LA

FABLE IX.

Le Coq & la Limace.

A Limace & le Coq devifant fous un chêne Avoient même dessein, un beau gland leur plaifoit ; Pour l'atteindre, le Coq fierement s'élançoit ; La Limace fous cap le glofoit sur sa peine, Et lui dit lentement, ta tentative est vaine, Imite-moi; c'eft ainfi qu'on s'y prend. Sieur Coq méprisant fa pensée,

La vit aller tête baiffée

Prendre le pié de l'arbre, & fi bien qu'en rempant Dame Limace eut la joie,

D'atteindre & d'emporter la proye. Que l'honnête homme doit fouffrir, S'il eft contraint d'imiter la Limace!

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