FABLE X V I
L'Homme & les Oxfeaux,
REON à fa maifon des champs Se délaffoit le génie
Par cette douce harmonie
Que forment les Oyfeaux au retour du Printems Tous les matins d'une oreille attentive Il fe gliffoit côtoyant les bofquets; On fçavoit fon deffein, car fans alternative Le plus petit Moineau fembloit le faire exprès Et chacun rempli de foi même
C'étoit alors à qui mieux-mieux;
Le tout faifoit ce défordre qu'on aime Créon étoit au comble de fes vœux;
Et même il fe vit dans la fuite Encenfé par le peuple aílé: Chaque Oyseau, suivant fon mérite D'honneurs brillans fe vit comblé Enfin Créon, fin Politique, Se répandoit en complimens ? Mais comme on ne vit pas d'encens Bientos Créon fut fans mufique.
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FABLE X VII.
* Le Traitant & le Paysan.
UN pauvre Habitant de Village,
Avoit affaire en la Cité
Chez un Traitant de haut parage: Dire pourquoi, c'eft inutilité.
Il arrive. Il frappe. On l'annonce; Et deux heures après on lui dit pour réponse, Qu'on ne peut encor voir Monfieur. Le Villageois enrageoit de bon cœur ; Mais il faut dans tel cas s'armer de patience, Et c'est, je crois, le parti le plus court. A la fin pourtant il fut jour. Par un Jafmin rempli de fuffifance, Quoique de nulle conféquence, Notre Manant fut introduit. Avant de quitter l'Audience, Il reprit la parole, & dit,
Pardon, Monfieur, m'est avis vous connoitre ;
* Ceci n'est point une Fable. Témoin d'une avancure prefque pareille, je n'ai pas voulu emprunter le langage des Animaux pour la racontera
Vous êtes de notre Pays.
Le Traitant répondit, cela peut fort bien être. Si je ne me fuis pas mépris, Maître Thibaut eft votre pére, Continua le Villageois;
Je fuis un tel, & votre mére
Etoit ma tante, ainsi suivant les Loix ......
Suivant les Loix, tu dois te taire, Dit le Traitant, fors d'ici; Ofer m'apostropher ainsi! Faquin, redoute ma colére,
Je n'eus jamais de tels parens.
A ces mots le Manant, fans defférer les dents, S'en fut; mais difoit en lui-même,
Hélas! fa folie eft extrême!
C'eft lui, je ne me trompe pas.
Fortune, je fais peu de cas
De tes faveurs, fi quelquefois je chomme, Je fçais bien qui je fuis, & comment je me nomme.
FABLE XVIII,
Jupiter & le Solitaire. DANS une paix douce & profonde,
Un Solitaire espéroit vivre heureux; Tranquille,autant qu'on peut l'être en ce monde, Il n'avoit rien, ainfi point d'envieux. Sur fes befoins notre mére Nature
Le prévenoit, que vouloit-il de plus ? Le cœur de l'homme en toute conjoncture Eft obfedé de défirs fuperflus.
Ce Solitaire en eft un bel exemple:
Il s'écrioit fans ceffe, ah! que je fuis joyeux! Mille beautés que je contemple
Me charment les fens & les yeux; Loin de ces Palais fomptueux, Le fond de mon cœur eft le temple Où je facrifie à mes Dieux. Mais fi dans cette folitude. Je pouvois avoir un ami, Alors quelle béatitude! Par ce difcours Jupiter attendri Vint détromper le Solitaire,
Et dit, Mortel, qu'ofes-tu faire ?
Sois-donc fatisfait de mes foins :
Tu voudrois un ami? Ton erreur est extrême Le Riche n'en a pas, & le pauvre encor moins. L'homme affifté des Dieux fe fuffit à lui-même.
Les deux Chats & la Souris.
UNE Souris trotoit dans un Grenier, L'Imprudente l'échappa belle;
Deux Chats y faifoient fentinelle.. Un d'eux l'apperçut le premier,
Mais il en étoit loin & ne pouvoit l'atteindre. Voyant fon Compagnon prêt à fauter deffus, Tu crois donc la tenir, dit-il, c'est un abus, Il miaule, moins pour fe plaindre, Que pour avertir la Souris
Qui fçut agilement profiter de l'avis. Ici je vous trace l'efquiffe D'un envieux difficile à guérir;
Le bien d'autrui fait fon fupplice,
Il ne veut pas que fon voifin jouiffe D'un bonheur dont lui-même il ne fauroit jouir.
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