Il fe leye tout furieux,
Appercevant fon Adverfaire

Il l'accable à l'inftant de mots injurieux.
La Taupe répondit: calmez votre colere,
Vous fçavez que je n'ai point d'yeux;
Ainfi dans pareil cas je puis bien me méprendre.
L'Ane lui dit, encor, poursuis ;

Si tu ne vois pas qui je fuis,

Vil Animal, il faut l'apprendre.
La Taupe répliqua: ceffez de m'en vouloir,
Dorénavant je ferai mon devoir;

Mes oreilles, Seigneur, font de fûrs Interprêtes,
Et pour fçavoir qui vous êtes,
Je n'ai pas befoin de vous voir.

EPILOGUE.

ENNEMI

NNEMI de l'Oifiveté,

Les Vers ne font point ma manie
Réflechir .. contempler l'aimable Vérité

Eft le penchant de mon génie.
Pour expliquer mes sentimèns

14

Si j'ai fait choix de l'Apologue
C'eft le plus doux de mes amusemens.
Eh! mais, me dira-t-on, Moderne Pédagogue,
Vos Fables manquent d'agrémens :
Cela peut être. Eh bien, qu'on épilogue.

FIN du premier Livre.

FABLES

NOUVELLES.

淡淡

LIVRE SECOND..

FABLE PREMIER E

La Truite & l'Ecreviffe.

HACUN eft attentif à fe prêter des graces.
On a fans celle fous les yeux

Des trumaux, des miroirs, des glaces,
Mais on ne s'en connoît pas mieux,?

Tant pis; que faut-il que j'y faffe?

Irai-je encor moraliser?

Qui moralife, ennuie & laffe
Effayons plutôt d'amufer.
Un Fabulifte moralife

Me dira-t'on, oui, mais il n'effarouche pas;
L'ingénuité, la franchise

Dont il fe fert ont encor des appas
Ainfi je vais tâcher de donner ce mérité
A la Fable qui fuit. Un jour une Truïte,
D'un ton fuffifant & hautain

Apoftrophoit Dame Ecreviffe

Et lui difoit, tu vas d'un plaifant train?
Si dans ta route il est un précipice,
Comment prétens-tu l'éviter ?

A chaque pas tu te hazardes;

Les hommes font méchans, il faut les redouter;
Et l'on ne peut contre eux être trop fur les gardes;
Ne marche plus à reculons,

Par ce moyen tu pourras te fouftraire

Aux piéges qu'on te tend. L'avis eft falutaire;
Dit l'Ecreviffe, & tes Leçons

L

Si l'on les fuit avec exactitude
Seront de grande utiliti,

La Truite à ces mots, avec agilit
Glorieufe d'avoir en prude
Dogmatifé fur un point important,
S'élance au fil de l'eau, remonte le courant
Et fretillant la queue à nager la furpasse;

Mais

Le Straz & les Pierres Fines.

A Meffieurs DEGUIGNES & DESHAUTES
RAYES, Eléves de feu M. FOURMONT.
DIGNES Elevés d'un grand Homme

Qui fçut le dérober à la nuit du Tombeau,
Puifque déja l'on vous renomme,
Votre fort fera-t-il moins beau?
Heureux par votre intelligence,
A peine fortis du Berceau,

Cet aimable Sçavant prit foin de votre enfance;
Ses principes font le flambeau

Qui vous conduit au chemin de la gloire,

Et vous parviendrez au moyen

De voir vos noms gravés au Temple de Mémoire: Que ne puis-je y tracer le mien!...

Mais j'en prens joliment la route,

Et pour y parvenir je vole un peu trop bas.
En me lifant, on s'écrira, fans doute,

Ces Fables-là ne flattent pas ;.

C