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C'eft folie, après la Fontaine,

De vouloir y penfer. Fort-bien:
Quoi ! J'aurai donc perdu ma peine?

Mais tout cela ne me fait rien;

Je veux quoiqu'il en foit vous donner une Fable, Dont le fujet un jour se trouva parmi nous,

Et fi vous la jugez passable,

C'en eft affez, je n'écris que pour vous.
Parmi nombre de Pierreries,
Certain Straz fe pindarisoit,

Et fon jargon plein de fades faillies
Faifoit rire les uns, aux autres déplaifoit,
Nul Diamant pour lui n'avoit charme ni grace,
Il fe croyoit plus que tous les Rubis ;
Et même un jour il eut l'audace
De tenir ce difcours. Ecoutez mes avis,
Dit-il fur chaque Pierre :

Le Topafe auroit droit de plaire,

Mais elle eft pâle & ne jette aucun feu.

L'Emeraude n'a rien qui flatte.

D'une Pierre à fufil on peut faire une Agathe..
Pour le Grénat il n'a brillant, ni jeu.

La Turquoise eft en difcrédit.

La Cornaline eft fi commune...

Un Diamant prit la parole, & dit:

Tous tes difcours n'ont rien qui nous chagrine,

Ne te vantes pas tant, croi-moi,.

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L'emporte de beaucoup fur toi;

Va, mon cher petit Straz, les Sots & les Coquettes
-Sont les Admirateurs de tes feux éclatans;

Vit-on jamais un homme de bons fens
Te mettre au rang de fes emplettes ?
Non: ton mérite eft fi petit,

Que plus on te regarde, & plus il diminue.
Le Straz fut fot à ce récit,

Et fut contraint d'avouer fa bévûe.

On voit certains Sçavans par de minces écrits
Au vrai mérite faire injure;

Mais ces prétendus beaux efprits

Ne font

que

Straz dans la Littérature.

FABLE

III

L'Orme & le Lierre.

UN Ormeau droit & bienfait

Auroit dû de fon fort être très-fatisfait ;

Mais peu content des dons de la Nature,
Il voulut d'un Lierre emprunter la parure.
Il étoit loin de lui, comment s'en approcher?
C'étoit donc au Lierre à le venir chercher,

Ce n'eft pourtant guéres l'usage,

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Que qui peut nous faire plaifir
Prévienne notre défir:

'Auffi l'Ormeau lui tint-il ce langage:
Voifin, foyons étroitement liés;
Tu rampes, on te foule aux pieds,
Cela me fait peine & m'outrage:
Toi, qui n'es pas fujet aux injures du tems,

Et toujours verd, toujours en ton printems, Tu ferois enfoui? Non : ce feroit domage; Approche-toi, je ferai ton appui.

Le Lierre à l'inftant prend au mot l'Etourdi,
Il change de route & de forme;

Il fe dreffe & s'applique intimement à l'Orme,
Qui d'abord ne s'apperçut pas
Que le Lierre étoit une parure vaine
Dont peut-être trop tard il feroit peu de cas.
Au bout d'un tems, cela me géne

Ce dit l'Ormeau, Lierre mon ami,
Si tu voulois avoir moins de tendresse
Et t'écarter un peu de moi. Qu'est-ce ceci?
Quoi! de plus en plus il me preffe!

Et je m'apperçois chaque jour

Que je n'y puis tenir ? Il fait nouvelle plainte

P

Et le Lierre eft toujours fourd.

A la fin la voix prefqu'éteinte
L'Orme fupplioit humblement
Qu'on vint lui donner affiftance,

Et qu'on le délivrât de ce vain ornement;

Mais ce fut inutilement,

Il mourut étouffé de fa magnificence.

Que d'hommes dans ce cas! on les voit défirer,
Briguer avidemment ce qui leur eft contraire;
Par de brillans Emplois on fe fait admirer,
On en impose au stupide Vulgaire :

Mais tous ces beaux Emplois reffemblent au Lierre, Ils ruinent fouvent ce qu'il femblent parer.

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FABLE I V.

Le Loup & la Fontaine : Fable allégorique à un Mariage, & dont le fujet me fut impofe. L'EMAIL de mille fleurs, une vive verdure

Décoroient un riant Côteau;

Des Saules, des Tilleuls, fans art, mais de nature S'entrelaffoient & formoient un Berceau,

A la faveur duquel fourçoit une Fontaine :

La fraîcheur de fes eaux exhaloit dans la plaine,

Nul ne pouvoit la voir fans pouffer des foupirs,

Même on dit que l'Amour dans fes tendres loifirs

Avoit choifi fes bords pour y forger ses chaînes;
Elle captivoit tous les cœurs,

Mais il en naiffoit mille peines,
Et fes attraits appuyoient fes rigueurs.

Plufieurs charmans Oyfeaux d'une flâme très-pure
Venoient en gazouillant lui vanter leur amour,
Et loin d'y trouver du retour,

Si-tôt qu'ils s'approchoient,l'eau devenoit obfcure;
La Fontaine à leurs vœux oppofoit le mépris,
Nul ne paroiffoit digne d'elle.
Ah! difoient-ils, fe retirant contrits,
Ceffons d'encenser une Belle
Qui fait gloire d'être cruelle.

Enfin un jour, je ne fçai trop comment
La Fontaine devint sensible;
Un Loup fut l'objet féduifant

Qui captiva cette belle infléxible.

2

Quoi! dira-t'on, un Loup! mais il étoit puiffant
Et quoiqu'il fut brufque & fauvage,
Sur fes Rivaux il obtint l'avantage :
Mais ces Rivaux plus juftes que jaloux,
Fâchés qu'un tel Amant eut fait telle Conquête
S'affemblerent & furent tous

Au Tribunal d'Amour y préfenter Requête.
J'y fuis fenfible ainsi que vous,

Leur répondit l'Amour, votre plainte m'allarme •
Un autre Dieu balance mon pouvoir.

Je fais aimer, mais Pluton charme;
Ainfi ceffez de m'en vouloir,

ENVO I

BELLES, l'intérêt, la tendreffe

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