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Vous obfédent tour à tour :
Quoique l'ambition vous preffe,
Préférez toujours l'amour.

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FABLE V.

Le Naturalifte & l'Abeille.

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UNE vigilante Abeille,

De fes Compagnes la merveille,

En travaillant avoit acquis

L'art de faire un miel pur, exquis.

N'ayant point de dégoût pour les fleurs infipides,
Légérement de la Rofe au Jasmin

Elle voloit aux plus fétides,
Et n'y voloit jamais envain.

Un beau matin certain Naturaliste,
Qui tous les jours la fuivoit à la pifte,
L'interrogea fur fon activité

A parcourir toutes les Plantes;
Car, difoit-il, parmi la quantité
On en voit peu de bienfaisantes.
La Mouche répondit, votre doute affecté
Fait infulte à la Créature;

Chaque produit de la Nature
Peut avoir fon utilité.

Le vrai Sage au fiécle où nous fommes
De l'Abeille eft imitateur;

Il voit volontiers tous les hommes,
Et fçait en tirer le meilleur.

FABLE VI.

L'Araignée & la Fourmi.

UNE Fourmi n'aguére étoit proche voifine

D'une Araignée expofée à tous vents:
Elles paffoient des jours bien différents;
L'une n'appréhendoit ni grêle ni famine,
< L'autre au contraire avoit de durs inftans.
Enfin la pauvre fouffreteufe

Un beau jour forma le deffein
D'aller trouver fa voifine l'heureuse,
L'opulente en un mot. Ah! quel pas ! mais la faim
Comme dit un ancien Proverbe

Fait fortir le Loup du bois.
'Arrivée au Palais fuperbe,
Qu'y fit-elle ? Sa foible voix
Avoit peine à fe faire entendre,

Dame Fourmi l'interrogea :

Eh bien! quoi? Que viens-tu m'apprendre ?
Parle donc. Bref, elle parla,

Que j'admire ton opulence!

Sans cependant te l'envier;

Tous freres que l'on eft, ah! quelle différence!

Le blé regorge en ton grenier,

Et je manque du néceffaire.
Auffi-tôt reprit la Fermiere,

A quoi donc paffe-tu ton tems? Il ne faut pas de fa peine être chiche. La Fileufe lui dit, j'ai pourtant des talens, Je travaille beaucoup, & n'en fuis pas plus riche. Dame Fourmi, fuivant les airs de Cour, Sur un ton gracieux, promit à l'Araignée; Et lui dit, je veux quelque jour Te rendre heureuse & toute la lignée. Les voifines de bonne humeur Se féparerent, mais j'ignore

Si dans la fuite on vit éclore

L'effet des volontés d'un pareil bienfaiteur.

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Le Hibou, & la Cigale.

EN vérité, Compére le Hibou¿
On diroit que vous êtes fou.

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Du fond de votre magafin
Toujours accumuler, entaffer grain fur grain!
Efperez-vous être un fiécle fur terre?

Peut-être mourrez-vous demain ;

Jouiffez du préfent, l'avis eft falutaire :
Vous voulez amaffer? Pour qui ? Pour des Ingrats
Ainfi parloit une Cigale,
Bétail qui d'amaffer ne fait guéres de cas.

Et que prétendez-vous donc faire?
Le Hibou répondit, je sens votre morale,
Cependant je ne la fuis pas ;
J'aime mieux après mon trépas,
Dut-on me taxer de folie,

Enrichir mes Ennemis,

Que d'être pendant ma vie
Importun à mes amis.

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UN Courtifan difgracié

Vivoit triftement à fa Terre :

La difgrace, dit-on, eft fouvent néceffaire;

Et rend plus fage de moitié.
Eft-on déchu, l'on change de fyftême,
On réfléchit & l'on rentre en foi-même,
C'eft ce que celui-ci faifoit.

Un beau jour de printems il vit un Allouette
Qui difficilement dans les avis s'exhauffoit:
L'objet le fixe, il s'arrête, il la guette,
Et n'en perd pas le moindre mouvement,
Sur un oifeau jadis eut-il jetté la vûe?
Mais, difoit-il, elle fe tue

Veut-elle aller au Firmament?
Elle touche déja la nue.

Comme il parloit, en un clin d'œil
L'Allouette retombe. Hélas! quelle pensée
Me vient! S'ecria-t-il; Quoi! tout n'eft donc qu'é

cueil ?

Du vol de cet Oifeau mon image eft tracée.
L'Allouette lui dit : fois fage maintenant,
Envain ton ame eft agitée:

Plus on s'éleve en un pofte éminent,
Et plus la chûte en est précipitée.

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