Imágenes de páginas
PDF
EPUB

FABLE I X.

La Nichée de petits Oyfeaux.

POUR le befoin de leurs Petits,

Un Roffignol & fa Compagne,

Un jour de grand matin se mirent en campagne; par malheur ils furent pris,

Mais

Je ne fçai trop comment, il fuffit qu'on s'en doute;
Ils ne revinrent pas au nid;

Il eft à préfumer qu'ils périrent en route.
L'heure fe paffe, & l'appétit

Se fit fentir à la couvée.
Chacun de fon côté crioit;
Le plus drû, la tête levée,
A droite, à gauche regardoit ;
Ainfi fe paffa la journée

Parmi la faim, la crainte & les foucis;
Pauvre famille abandonnée,

Nul ne fut fenfible à vos cris.

Le lendemain avant l'Aurore
Nos Petits affligés avoient les yeux ouverts.
Le Soleil luit, rien ne paroît encore,
Et l'écho retentit de mille chans divers

Tandis qu'au nid on fe défole.

L'aîné de nos Oifeaux, ou du moins le plus fort

Aux autres porta la parole.
Mes Frères, leur dit-il, l'injuftice du fort
Nous accable, eh pourquoi?nos peines font cruelles:
Allons, il faut braver la mort.

A ces mots il fe leve, étend fes foibles aîles,
Et monte fur le bord du nid;

Il chancelle, il héfite, il panche;
Il faute enfin fur une branche,
Puis defcend fur une autre, & petit à petit
Sans aucun mal arrive à Terre.
Il s'élance un peu dans le bois,
Et trouve pâture légere.
Sage Nature, tu pourvois
A ce qui nous eft néceffaire.
Il fe repart, & dans fon bec
Aux autres porte la pitance,

Reprend fa route & fans échec
Remonte au nid, calme l'impatience
Où fes freres étoient : chacun d'eux bégayant
Par des fons non formés veut exprimer fa joye;
Alors il dépofe fa proye,

La leur partage, & chacun eft content.
A peine ont-ils mangé, derechef il se livre
Aux dangers qu'il avoit couru;
Il fort, revient, apporte de quoi vivre.
Ainfi pendant un tems on le vit affidu,

Et fit tant qu'il mit la nichée En état de quitter le logis paternel.

Nulle raifon n'eft attachée

Aux Animaux, le fait eft bien réel; L'inftin&t les fait agir, j'approuve l'axiome:

Mais ce qui me furprend, j'y vois un naturel

[ocr errors][merged small][merged small][merged small]

IL me fouvient qu'un certain Bucéphale,

Tête droite, l'œil vif, bien caparaçonné,
Gayement alloit où Mars étale

Un

peu d'honneur, toujours environné
De fatigues, de maux ; mais duquel il exhale
Beaucoup d'encens (C'est un peu plus que rien):
Enfin bref il fut à la Guerre.

Y fit-il mal, y fit-il bien?
C'est-ce qui ne m'importe guére.
Don Courfier fort mal harnaché,
Si-tôt la campagne finie,
Clopin clopant revint à l'écurie
Tête baiffée & le dos écorché.

Comme il étoit hors de Service

eut maigre quartier d'hyver.
Il s'en plaignit, il demanda justice,
Ce furent paroles en l'air.

Aux Palfreniers il présenta Requête,
A l'Intendant, à l'Ecuyer,

Tous gens de race malhonnête,

Et non aifés à manier.

Que faire ! difoit-il: ah! que ma peine eft grande!
Nul n'eft fenfible à mes difcours.

Moi, qui fuis estropié, je ne vois que des fourds.
Celui que je portois fçauroit-il ma demande ?
Je ne veux que du foin le refte de mes jours,
Se peut-il qu'il me le refufe?

Non, je voudrois le voir; mais toujours on m'abuse,
Me difant que des fiens il ne prend nul souci.
Le Maître vint, comme il parloit ainsi.
Ça, dit-il à fes gens, voyons mes équipages.
En quel état font mes chevaux?

Ne manquent-ils point de fourages?
Sont-ils panfés? Où font les Maréchaux?
Non content de parler, il voit, il examine.
Notre pauvre éclopé s'avance tant foit peu,
Hennit', fon maître le devine,

Et commande à l'inftant qu'on le change de lieu.
On le met en bon pâturage;

On le panfe, on le choye, il a tout à souhait,
Même plus qu'il ne prétendoit.

Heureux qui fert un Maître fage!

FABLE X I

Les deux Chiens.

UN jeune Dogue, vrai Forçat ;

Se lamentoit fur fon état.
"Ah! difoit-il, quelle chienne de vie !
On me captive, on m'enchaîne, on me lie,
Eh! pourquoi? l'ai-je mérité ?

Mal nourri, point de liberté,
Nul accueil & hulle careffe,

Pas même des Valets de Cour.

Ne pourrai-je pas quelque jour
Me décharger du fardeau qui m'oppreffe?
Non, je crois que la mort

Eft mon feul réconfort.

Par cas fortuit, affez près de få loge, Paffa certain Gredin, bien choyé, bien nourri¿ Qui de Madame étoit le Toutou favori ; Il s'en approche & l'interroge. Mais es-tu fou? s'adreffant au Doguin, Si-tôt commençant ta carriere, Tu voudrois toucher à ta fin? Tu te déplais donc bien fur terre? Tu n'as pas fix mois accomplis,

E

« AnteriorContinuar »