Imágenes de páginas
PDF
EPUB

Sen fut au champ; d'une bonne récolte
Il ne fe flatoit pas, il n'y fit que glaner :
Ramaffant la plus petite herbe,

Il eut de quoi former une affez bonne gerbe
Qu'on vit long-tems fraîche & fans fe faner,
Et qui ne parut guére avoir été glanée,
Tant il prit de précaution.

Heureux fi mon Ouvrage a même destinée !
Je donne ace Prologue une application
Qu'allurement on imagine.

LA FONTAINE eft le Moiffonneur.
Les Fourageurs? Qu'on les devine :
Mais pour moi je fuis le Glaneur.

FABLES

NOUVELLES.

LIVRE PREMIER.

FABLE PREMIERE.

La Nature & la Fortune.

N Frontifpice, par ufage,

D'un nom fameux doit être coré ; Cela donne un relief,fans abonir l'Ouvrage :

Mais moi qui fuis presqu'ignoré,

Le mien n'a pas cet avantage;

C'eft un malheur, il faut s'en confoler
Car à préfent où trouver un Mécêne ?
Tout le monde prétend briller :
L'efprit eft fi commun, qu'on ne prend pas la peine
Dans l'heureux fiécle où nous vivons,

De jetter un regard fur l'Homme de mérite.
Vicieux, vertueux, font de différens noms ;
On ne fçait apréfent ce qui vous accrédite.
Moi, je fçais à quoi m'en tenir :

Semblable à mes Ayeux, fimple, droit & fincére
Je ne veux pas me départir

D'un titre que l'on croit être peu nécessaire ;
J'y trouve néanmoins beaucoup d'utilité,
Peu de profit; c'eft encor un usage.
Ainfi j'adreffe mon Ouvrage
A l'Amateur de l'Equité.

Dame Fortune & la Nature

Se difputoient. Voici le fait,

La prémiere avoit tort, autant que je l'augurë ¿ Hardiment elle prétendoit

Etre la mére du Mérite,

Et le prouvoit paffablement.

Il eft de moi, qu'aucun ne s'en irrite,
Difoit-Elle orgueilleufement;

Il me doit tout, rang, dignité, fuffrage:
Oui, je l'ai tiré du néant,

Et s'il paroît c'est mon Ouvrage,
Qui peut aller contre ce fentiment ?

De mes droits je suis envieuse.
La Nature, d'efprit un peu moins turbulent
Mais guéres moins capricieuse,

Lui répondit très-pofément.
Ecoutez, vous allez connoître

Quels font vos droits dans ce débat : Le Mérite eft mon fils,c'eft de moi qu'il tient l'être, Mais il vous doit tout fon éclat.

*000000000:000:0✪✪ ✪0

DEUX

FABLE I I.

Les deux Loups.

Eux Loups..(Eh!pourquoi pas deux hommes? Je crois que nous mettons nos foins A déguifer ce que nous fommes.) C'eft ici deux Loups que je joins. L'un des deux étoit puiffant, riche, Et d'obliger nullement chiche, Le fait eft rare; enfin cela n'étoit pas Son compagnon, ou fon ami peut être, Après avoir été fécouru mainte fois, S'en vint un jour lui donner à connoître

moins.

D'un air doux, affable, & courtois Qu'il exigeoit de lui certain petit fervice. L'autre lui dit, hélas ! je ne le puis, J'en fuis fâché, ce n'eft point par caprice

J'oblige volontiers, & tu fçais qui je fuis. L'Emprunteur un inftant caufe, & puis fe retire Poliment, mais la haine dans le cœur.

Ingrats, je ne puis trop vous dire Combien vous m'êtes en horreur. L'homme fenfé murmure & gronde Sur pareils faits, mais c'eft envain. Ne fçait-il pas comme on vit dans le monde? Les Bienfaits s'écrivent fur l'Onde, Et les Refus fe gravent fur l'airain.

FABLE III.

La Rofe à Mademoiselle D. V. BIEN des gens envioient de cueillir une Rofe

Sa fraîcheur, fon éclat, furpaffoient toute chofe;
Mais un Zéphir malin vint à fouffler deffus,
La Rofe fut fanée, & l'on n'en voulut plus.
Un Zéphir caufer ce dommage.

Sur une Rofe! Iris, quelle ftabilité!

De votre beauté c'eft l'image;

Eh! pourquoi donc tant de fierté?

« AnteriorContinuar »