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Et moi qui peux compter bien douze fois ton âge, Je ne fais que de naître, à ce qu'il m'eft avis.

Ton air content n'a rien qui me soulage, Répliqua le Doguin, fans ceffe je languis Je me fens dévoré des chagrins, des ennuis

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Où la rigueur du fort me plonge. La vie eft courte, & ne paroît qu'un fonge A qui tout vient au gré de fes défirs; Mais elle eft bien trop longue à qui n'a nuls plaifirs.

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A Dom Bertrand confia fa Toilette.
Le peuple Singe eft très-imitateur,

On en peut dire autant du peuple Auteur.
Bertrand, fe voyant feul, va de gayeté de cœur
S'affeoir dans le fauteuil de fa chere Maîtreffe,
Et fuit de point en point tout ce que l'art prescrit.
D'abord il prend avec adresse

Un peu de blanc, s'en barbouille & fourit.

D

Comment fourit un finge? en faifant laide moue;
N'importe. Enfuite il prend du vermillon
Dont il fe frotte chaque joue,
Puis toujours fur le même ton
Il s'applique une large mouche,
Et de pomade de Jasmin

Sur fon chef étend une couche:
Bref, Dom Bertrand jufqu'à la fin,
De Zais fuivant la coutume,

Par tout fe plâtre & fe parfume.
Notez que tout fut fait à l'aide du miroir.
Zaïs revient, & surprise de voir
Un Singe en pareil équipage,

Elle éclate de rire, & n'y peut plus tenir.
Bertrand gravement Fenvisage,

Et lui dit;

mais bien-tôt on vous verra finir? Je vous parois d'un ridicule extrême, Quoi! parce que je fuis fardé?

Vous ne l'êtes pas moins, le fait eft décidé

Jugez maintenant de vous-même,

**************

FABLE X II I.

L'Homme qui fe plaint de fa Femme. ETRE toujours chez foi de fort mauvaise hu

meur,

Farouche, ennuyeux & mauffade
Ailleurs foucieux & rêveur,
Avoir partout l'efprit malade,
C'eft-là, je crois, peindre un mari :
Du moins tel eft le Héros de ma Fable.
Certain Quidam fort plaisamment pétri,
Avoit pris femme, & femme aimable,
Morceau des plus apétiffans,

Ayant un teint frais, vif, une bouche divine;
Une taille bien prife & fine,

Des yeux.... des yeux très-éloquens
Dont fon bouru d'époux à tort prenoit ombrage:
Il s'écrioit souvent, que je fuis malheureux!
Pouvoit-il tenir ce langage?

Le traître avoit mille envieux,

Quitous auroient voulu, je penfe bien comme eux,

Pour un inftant être à fa place.

L'homme eft fingulier, tel bien que l'on lui faffe

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Il n'eft jamais content. L'Amour & la Nature
Vinrent un jour tancer Monfieur l'Epoux.
Quoi! donc, lui dirent-ils, de quoi vous plaignez-

yous,

Ingrat mortel? Vous nous faites injure:
Comment vous n'êtes pas content
De pofféder notre plus bel ouvrage ?
Une femme d'un port charmant

A qui les Dieux rendroient hommage?
L'Epoux leur répondit, chacun aura fon tour.
Madame la Nature, & vous Monfieur l'Amour,
Qui de nous eft digne de blâme?

Oui, vous avez fait beau le dehors de ma femme,
Je le fçais trop pour mes péchés;
Mais fon cœur, fon efprit font à peine ébauchés.

**************

FABLE XIV.

Le Héron & les Poiffons.

SUR le bord d'un Etang couché fur le Gazon,

Ces jours derniers j'apperçus un Héron,
Qui fort content de fa maigre figure,
Gravement s'avança dans l'eau ;

Et je vis fur le champ un fingulier Tableau,

Sans doute peint des mains de la Nature;
Enfin je vis quantité de Poiffons

Quitter leurs humides maisons,

Nager d'une vitesse extrême,

Et venir faire un cercle autour de notre Oyfeau.
Pour moi ce fait étoit nouveau;

Il m'inquiétoit fort, & c'étoit un probléme
Dont je brûlois de m'éclaircir;

Mais il n'étoit pas tems. Pour calmer mon défir;
J'apperçus le Héron avec indifférence

A l'eau mettre le bec, empaumer un poisson,
S'envoler à quelque diftance,

Et là croquer fa proye. Ah! ah! belle leçon,
Dis-je tout bas, pour ce peuple imbécile !
Comment il vient d'un air humble & docile
Faire fa cour à ce Tyran,

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Qui pour récompenser de l'honneur qu'on lui rend,
Mange les gens? Il leur apprend à vivre,
Je crois qu'ils n'y reviendront plus.

Je raisonnois tout feul, j'allois encor poursuivre,
Et m'endormir de propos fuperflus;

Car quand on réflechit, que de momens perdus! Allons au fait. Nous empliffons la marge,

Et ma fable n'avance pas.

Les Poissons avoient pris le large,

Le Héron revint à la charge.

La grandeur pour ce peuple a donc bien des appas! Avec encor plus de vîteffe

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