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Les ftupides Poiffons retombent dans l'erreur;

La Carpe, le Goujon, le Brochet tout s'empreffe
D'aborder le Héron, & veut avec ardeur
Gueule béante admirer fa Grandeur,
Qui fans autre cérémonie

Vous en gobe encore un. Fort bien !

Alors je me léve & lui crie,

Que fais-tu donc, cruel? Mais je ne conçois rien A tes deffeins? tu n'est que tyrannie;

Quoi! dévorer ces pauvres animaux

Qui font charmés de ta préfence? L'avaleur de Goujons, tout bouffi d'arrogance, Me répondit ces mots :

C'eft une vile populace

Qui près de moi vient fe ranger,
A qui je fais beaucoup de grace
Quand d'un regard je veux la protéger,
Et qui par-tout me fuivroit à la trace
Quoique certaine du danger.

On peut juger par cette Fable

Que Meffieurs les Poiffons n'ont guéres de bon fens;

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Cela leur eft très-pardonnable;

Mais vous, Meffieurs les Courtisans,

Et vous Peuple de tout étage

En faites-vous voir d'avantage?

FABLE X V.

La Rofe & le Bouton.

'A Mademoiselle C✶✶✶.

L'AVENIR,
'AVENIR, quoique très-obscur,
Vers lui fans ceffe attire l'ame,
Et l'appas d'un plaifir futur
Séduit la jeuneffe & l'enflâme;
Enfin on demande à vieillir,
Hélas! Quelle étrange folie!
On fent de quel prix eft la vie,
Qand il n'eft plus tems d'en jouir.

Un Rofier n'avoit que deux Rofes,
Et par de différentes caufes
Dont je ne rendrai pas raison,
L'une étoit toute épanouïe,
Et l'autre n'étoit qu'un Bouton.
Un jour celle-ci par envie,
Difoit, quoi! n'aurai-je jamais
Le bonheur de ma fœur aînée !

Son droit d'aîneffe a pour moi mille attraits:
Elle goûte une destinée

Si douce que mon fort paroît des plus affreux;

Fleurie, elle eft indépendante,
On n'oppose rien à fes vœux,
Elle défire, on la contente;
Mais pour moi fi je dis, je veux,

Au même inftant on me fait taire.
Je ne crois pas qu'il foit Plante fur terre
Plus à plaindre que moi. Sur ce raisonnement,
Tendre Bouton, fouffrez que je réplique,
Dit un Quidam ; injustement

Vous vous plaignez, ce qui vous pique
Devroit faire votre bonheur :

Apprenez de moi qu'une Fleur,
Si-tôt qu'elle eft épanouie,
Petit à petit fe flétrit;

Au lieu que le Bouton toujours fe fortifie
Et de plus en plus embellit.

ENVOY.

De cette courte allégorie,
Jeune C***, écoutez la leçon:
Vous êtes ce tendre Bouton,
Et votre Sœur eft la Rofe fleurie.

FA BLE XVI.

L'Enfant & le Serpent.
UN jeune Enfant

Vit un Serpent,

Il s'en faifit le croyant une Anguille.
Qui fe méprend
Légérement

Doit-il fubir le moindre châtiment ?
L'Animal vénimeux fe plie & fe tortille,
Et méchamment pique l'Enfant au bras,
Qui lors fans défense & fans armes
N'eut d'autre recours qu'à fes larmes ;
Il fuit tout effrayé, mais n'a pas fait vingt pas
Qu'il tombe & trouve le trépas.

Quoi! punir ainfi l'innocence!
Je fuis irrité de ce trait.
La Nature avec fa prudence
Néglige trop ce qu'elle a fait.

FABLE X VII.

Les Grenouilles.

LEs malheurs des Petits touchent bien peu les

Grands;

On le va voir par cette Fable. Les Grenouilles un jour pouffoient des cris perçans De voir que du Soleil la chaleur redoutable Mettoit à fec tous leurs Etangs. Grand Jupiter, foyez-nous secourable, Difoient-elles, hélas ! des maux que nous fouffrons Votre Fils eft la caufe unique. Taifez-vous. Demain nous verrons, Dit Jupiter à la Gent Aquatique, Pour aujourd'hui je ne puis rien pour vous. Les Dieux ont toujours mille affaires. Les Grenouilles alors redoutant fon courroux Se taifent; mais cela ne les foulageoit guéres. Le lendemain avec certain plaifir, Le Soleil vit les Dames croaffantes A fon afpec s'agiter & gémir

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Et fe fourer toutes tremblantes

Sous les Rofeaux, pour y trouver le frais :
Ce fut envain; en fuivant fa carriere,

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