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L'Aftre du Jour darde fur les Marais.
Auffi-tôt la Gent Grenouillere

Palpitant & presqu'aux abois

A Jupiter adreffe fa priere,

Qui plus touché que la premiere fois, Lentement fe prépare à redonner la vie A ce peuple affligé. Bref, il vint de la pluye ; Mais il étoit trop tard, autant que je le crois, Obliger promptement c'eft obliger deux fois,

Fin du deuxième Livre.

FABLES NOUVELLES.

LIVRE TROISIÈME.

A MADAME L✶✶✶.

Ous êtes, aimable Philis,

Ce que j'ai de plus cher au monde; Sur vous tout mon bonheur fe fonde,

Si vous agréez mes Ecrits,

C'en eft affez que tout autre les fronde,

Je ne me plaindrai pas de ces événemens.

Qui mieux que vous peut juger d'un Ouvrage?

Vous qui reçûtes en partage
Une délicateffe, un goût, des fentimens
Qu'à présent on ne trouve guéres.
Tout aujourd'hui n'eft que caufticité,
Cabale, entêtement, erreur ou vanité;
Et par de frivoles lumieres

On obfcurcit la vérité.

On ne fait rien fans partialité,

On établit des axiomes

Sur les débris de la raifon;

Enfin dans le fiécle où nous fommes

Les paffions donnent le ton.

Mais à cela que puis-je faire ?

Rien. Bien d'autres prêchent envain;
Ainfi je prens le parti de me taire.

Vous récréer, vous toucher, & vous plaire;
C'eft-là Philis mon unique dessein;
Et je vais vous tracer la peinture légére
D'un tour de l'Enfant de Cythére.

La jeune Anette aimable & faite au tour;
Et n'étant plus à la bavette,

Pour tout ce qui fentoit l'amour

Avoit une haine fecrette;

Au petit mot pour rire, à la moindre Fleurette,
Elle baiffoit les yeux & rougiffoit d'abord.
Fillette qui rougit, eft quelque fois d'accord.
Ce n'eft pas-là le point, il eft fûr que la Belle

N'entendoit rien à ce jeu-là.
Cette rougeur d'où venoit-elle ?
Eft-ce innocence que cela?
Me dira-t'on : l'Enfant à la lifiere
De ce qu'on dit à fa maman
Ne rougit point. Moi fur cette matiére
Je n'entends rien, je conte ingénument.
Je dirai donc que la jeune Bergere

Un jour dans le fond d'un Bofquet
| Cueilloit des fleurs & formoit un Bouquet.
Pour qui? Ce n'eft pas-là l'affaire,
Encore un coup. Je veux aller au fait :
Toujours quelque chofe m'arrête.
Enfin Anette occupée à fes fleurs
Innocemment goûtoit mille douceurs;
Elle entendit du bruit, elle tourna la tête
Et près d'elle vit un Oiseau
A moitié dru, tranfi, battant des ailes.
On juge bien qu'un fi touchant tableau
Peut attendrir les plus cruelles.

La Belle par pitié le ramaffe foudain,
Et pour le réchauffer le pofe fur fon fein
Que la pitié fied bien aux Belles !
Mais il n'eft pas plutôt niché
Qu'Anette fent un feu qui la dévore,
Son petit cœur eft entiché,
Elle foupire & ne fçait pas encore
Ce qui lui peut caufer cela.

Au même inftant l'Oiseau change de forme. La Bergere s'écrie, ah, Dieux! que vois-je là ! Vous me trouvez donc bien difforme? Dit l'Oiseau métamorphofé,

Je fuis l'Amour: ah ! lui répliqua-t'elle,
Traître, vous avez trop ofé,
Vous méritez la mort la plus cruelle.
Confolez-vous, reprit l'Amour,

Vous étiez trop farouche, il faut que tout me céde;
Et c'est aujourd'hui votre tour:
Mais Tyrcis vient, adieu, vous avez befoin d'aide.'

FABLE PREMIER E.

La Couleuvre & la Grenouille.

DANS un Marais une Couleuvre

Un beau jour fit une bonne œuvre,
Dont dans la fuite elle fe trouva bien.
Le Marais contre l'ordinaire

A la Couleuvre n'offroit rien,
Sinon le limon de la Terre,
Point de Grenouilles, le moyen
Que fans ce mets elle fit bonne chére!
L'Animal rampant avançoit,

Et cherchoit fa bonne fortune,

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