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Mais le Seigneur Baudet rempli d'impertinence
Ne répondit que par un coup de pić.
Jupiter indigné s'arme de fon Tonnerre,
Le lance fur l'ingrat, & le met en pouffiére.
C'étoit bien le payer de fes beaux fentimens.

Que nous ferions heureux fi l'on purgeoit la terre
De ces Etres impertinens!

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FABLE I V.

Le Lion & le Renard.

CERTAIN Renard fin Ċourtisan,

Avoit fçu par mainte foupleffe,
Gagner le cœur & la tendreffe.

De Sire Lion; autrement

Peut-on des Grands captiver la bienveillance?
Celui-ci comme Roi foutenoit bien fon rang.
Bien? mais pas trop fuivant ce que j'en penfe.
Aux maux de fes fujets tranquile, indifférent,
Les plaifirs en toute occurrence
Etoient fon unique élément,

Maître Renard fujet intelligent,
Et fujet chéri de fon maitre,
Faifoit la pluye & le beau tems.

Le Singe un jour pour quelques tours plaifans
Fut obligé de comparoître ;

Il avoit, difoit-on, mal parlé de fon Roy,
Et plaisanté fa majesté-Lionne.

Sire, dit le Renard, vous vous fiez à moi,
Je prens foin de votre personne.

Le Singe eft un perturbateur,

Il émeut les efprits, ou murmure

" ou raisonne.....

Ce qu'il dit contre vous me fait fremir d'horreur, Allons, voyons, qu'on m'éclairciffe,

Dit le Lion, le Singe eft accufé;

S'il eft coupable il faut qu'on le puniffe,
On l'examine, & tout bien compaffé
Sa faute étoit une faute légére
Dont on avoit trop groffi les objets;
Mais fur ce point toujours on exagére,
Le bien a cela de contraire
Qu'on ne l'exagére jamais

Plus fouvent ou le diminue.

Le Léopard, miniftre vigilant,

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Miniftre du Lion, avoit toujours en vue
Le bien du peuple & le fien nullement ;
O, la merveille.

Sans pareille!

Un beau matin le Roy dit à son Courtisan, Comment donc ! Léopard a donc biendu mérite? Le bruit commun dit qu'il s'aquitte

De fa charge on ne sçauroit mieux,

Défintéreffé, populaire

Chacun

pour

lui forme des vœux.

Vous ne répondez rien? Sçauriez-vous le contraire?

Sire, repliqua le Renard,

Vous voulez que je parle en courtisan sincére?

Je pense qu'on en prête à Seigneur Léopard;
Sur le cri de la populace

On ne

doit pas juger du mérite des gens :

Votre Miniftre tient sa place

Affez bien... oui... mais... bon: Je vous entends, Reprit le Lion, & j'augure

Que quand on peint le mal on ne néglige rien, Pour le représenter bien plus grand que nature; Mais quand on veut peindre le bien C'est toujours en miniature.

FABLE V.

Le Frélon & la Mouche à Miel.

CErtain Frêlon fainéant, parafite,

Que de femblables fous le ciel!

Tous les jours d'une Abeille en faisant l'hypocrite, Ecornifloit un peu de miel

Dont il faifoit fa nourriture.

Un beau matin que d'avanture,

Ei

La Mouche étoit allée aux champs,

Et n'en revenoit point comme à son ordinaire
Le Frêlon fit choix de ce tems,

Entre chez fa voifine, & comme un vrai corfaire
Mange, caffe, pille & détruit :

La Mouche fur ces entrefaites,

Arrive, & fans beaucoup de bruit
Dit au Frêlon ; mais ingrat que vous êtes,
Vous détruisez ce qui m'a tant couté?
De mes bienfaits c'eft donc-là le falaire ?
Travaillez, fainéant, fuyez l'oifiveté,

Car en ne faifant rien on apprend à mal faire.

FABLE V I.

Le Singe.

UN Singe à la cour du Lion

Jouoit un brillant perfonnage. Favori de fon maître en toute occafion, Chacun vouloit lui plaire & lui rendoit hommage. Son état de profpérité

Lui donnoit des amis fans nombre:

Chez tels amis point de réalité,
De l'amitié ce n'est qu'une ombre
Qui difparoît comme un éclair."

Le Singe au bout d'un tems fut déchû de fa place

De tous les amis du bel air

Pas un ne fut fenfible à fa difgrace:
Bien plus un an, ou deux après,

Bertrand, las de caffer des croutes,

Chez un Loup fon voisin voulut avoir accès.
Helas! ce difoit-il, quoi! maintenant tu broutes;
Pauvre Singe? autrefois des plus excellens mets
Ta table étoit fervie en abondance;
Mais il te refte un rayon d'espérance.
Va donc trouver ceux qui jadis

Te marquoient tant de bienveillance.
Il fe met en chemin, il arrive au logis
De maître Loup qui faifoit chére entiere,
Non feul comme un goulu; mais en fociété. ·
Le Singe alors entre en matiére,

Et n'eft prefque pas écouté.

Il continue, & l'on tourne la tête.
On ne le connoît point. Il décline fon nom
Ses qualités. Ah! c'eft yous! lui dit-on.
Oui ; c'eft moi, reprit-il, à qui vous faifiez fête.
Lorfque j'étois bien mieux que je ne fuis.
Dans la profpérité nous fommes accueillis ;
Elle nous donne un luftre, elle nous fait paraître ;
Mais le malheur eft un vernis

Qui défigura au point que nos meilleurs amis
Ont peine à nous reconnaître.

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